lundi 29 février 2016

La Mouette.







Contre le ciel, là-haut, sur le rebord d’un mur,
Il vient de se percher une mouette blanche.
D’où t’en viens-tu, présage presque sûr
De l’hiver et du froid ? De quel rafiot de planches,
Pourrissant lentement dans je ne sais quel port
De cette longue côte ornée d’écume grise
Qui rejoint au ciel bas la grand-plaine du Nord
En cette grève pâle où la vague se brise ?

Été, mon bel été, voici venir la fin,
La mouette le dit et son aile de neige
Porte déjà le deuil de ton règne défunt.
Il me semble que je frissonne. Où donc irai-je ?
Je ne puis m’envoler pour suivre le soleil,
Ni chercher sa chaleur près des rives lointaines,
Ni fuir le jour glacial en un profond sommeil,
Tout ce que je puis c’est rester… Et vivre à peine,
Attendre que le ciel redevienne un jour pur
Au souffle échevelé des grands vents qui balayent
Les mauvaises saisons, attendre une merveille :
Que la mouette enfin ait déserté le mur.

                        ***

dimanche 28 février 2016

Constatez...







De sa fuite, le temps ne se contente pas,
Il faut qu’il change tout et qu’après son passage
Il ne reste plus rien, non, pas même l’image
Des lieux où nos amours ont fait leurs premiers pas.

Rien ne reste constant, rien ne dure ici-bas,
Le toit de nos parents comme nos paysages,
Même le souvenir nous trahit avec l’âge
Et l’espoir qui jadis nous prenait par le bras !

Ayant compris, je confie à ma plume
Le soin de dévoiler, d’arracher à la brume
Qui monte, le meilleur de ces jours d’autrefois :

La tranquille douceur et la calme insouciance
Et l’émerveillement et les premiers émois,
L’impossible pour but et le rêve pour science.

                             ***


samedi 27 février 2016

La Chanson des Ruisseaux d'Automne.






Après l’été d’un dernier mois
S’exhalent des senteurs humides
De vase et d’eau douce que ride
La pluie en traversant les bois.
Tombent les gouttes monotones,
La chanson des ruisseaux grandit,
Savez-vous ce qu’elle chantonne,
Ce qu’aux rochers la mousse dit ?

« Juin rencontre et Juillet séduit,
Le plaisir se prend et se donne,
Puis Août à Septembre conduit,
Octobre ou Novembre abandonne.
Telle est la règle, je le crains,
D’or déclinant, de jaune pâle,
De vermillon, d’ambre, d’opale,
Qu’importe le plus bel écrin ?
Toute fin est couleur du sort,
Teinte de pluie et de brouillard,
De ciel d’Hiver et de bois mort »…

Et voilà ce que, babillards,
L’étang et le ruisseau chantonnent,
Obstinément et sans émoi,
Au gré d’une averse d’Automne,
Après l’été d’un dernier mois.

                     ***

vendredi 26 février 2016

Amours Vénitiennes.



 

Du quai des Esclavons où dansent les gondoles,
Sous ce vent de tempête où les embruns s’envolent
C’est ton nom que j’épelle et que j’égrène en vain
Au pied du marbre blanc de ces palais hautains.

Mais tu ne l’entends pas et Venise se moque,
Maîtresse d’outre-temps, des amours que j’évoque,
Tous ces mots ne sont rien sous le ciel gris de fer
Qu’un murmure inutile au bruit sourd de la mer,

Et demain, Mardi-Gras, dans les fastes baroques
De la fête d’antan, il faudra que je troque
Mon regard de tristesse et mon cœur impatient
Contre un éclat de rire et ce rêve insouciant.

Je ne te verrai pas, marquise ou courtisane,
Sous la voûte aux échos d’amoureuses arcanes
D’une noble demeure, un soir sans lendemain,
M’adresser tout au moins un signe de la main.

Et ce que je désire et tout ce que j’espère,
Ce que je tiens de toi, tout ce que je révère,
Je le murmure encore au quai des Esclavons  
Quand minuit s’en revient et que les gens s’en vont…

                             ***





jeudi 25 février 2016

Nuit Blanche.






Nuit blanche avec comme tribune
Le bourg sous les nuages noirs
Qui posent comme un éteignoir
Sur la chandelle de la lune ;
Le bourg des fantômes absents,
Aux longues ruelles désertes,
Ses murs en enfilade à perte
De vue et moi le seul passant
Qui voudrait savoir comme on passe
Des bords du fleuve éteint des nuits
Aux sources d’où fut éconduit
Le vieil Adam que l’Ange chasse
Dans un coin sombre du tympan
De notre église paroissiale.
Qui sait où la « robe nuptiale »,
Que je voudrais revêtir, pend ?
Aussi  je tisse pas à pas,
Dans la nuit noire où tout sommeille,
La nuit blanche de ceux qui veillent,
Gueux et poètes d’ici-bas.

                 ***