J’étais là
en ce temps où seuls vivaient ici
Un peuple de
pêcheurs, d’artisans sans soucis
Et quelques
paysans gais et durs à la peine ;
La sève du
printemps s’écoulait en mes veines.
J’étais sur
la colline au temps où les chemins
Firent place
à la route et quand l’étranger vint
Je ne m’étonnais
point ; sur la plage la houle
Bruissait
toujours semblable, où chaque aube déroule
Les joyaux
scintillants de ses mille couleurs
Et, puis le
soir venu, teint de mille douceurs,
Mon tronc
portait heureux l’argent de son feuillage.
Mais il n’est
pas de ciel qui reste sans nuage,
Du bord de
chaque route il poussa des maisons
Dont parfois
la laideur insultait l’horizon
Et puis il vint
des gens, sans aucune culture,
Qui
saccagèrent tout en parlant de nature
Et je me
sentis vieux autant que malheureux.
Mais je suis
toujours là et je conserve un peu
De la joie d’autrefois
au fond de mes racines,
Sur mon
tronc tortueux des siècles se dessinent,
Oui, je suis
toujours là, et je demeurerai;
Les jours
suivront les nuits, je sais que je verrai
Le reflux de
ces mœurs à l’aube d’un autre âge,
Quand l’herbe
folle aura du pied de mon ombrage,
Tenace,
lentement reconquis les jardins,
Alors je
renaîtrai pour disparaître enfin !