jeudi 31 janvier 2019

Le vieil olivier.




J’étais là en ce temps où seuls vivaient ici
Un peuple de pêcheurs, d’artisans sans soucis
Et quelques paysans gais et durs à la peine ;
La sève du printemps s’écoulait en mes veines.
J’étais sur la colline au temps où les chemins
Firent place à la route et quand l’étranger vint
Je ne m’étonnais point ; sur la plage la houle
Bruissait toujours semblable, où chaque aube déroule
Les joyaux scintillants de ses mille couleurs
Et, puis le soir venu, teint de mille douceurs,
Mon tronc portait heureux l’argent de son feuillage.
Mais il n’est pas de ciel qui reste sans nuage,
Du bord de chaque route il poussa des maisons
Dont parfois la laideur insultait l’horizon
Et puis il vint des gens, sans aucune culture,
Qui saccagèrent tout en parlant de nature
Et je me sentis vieux autant que malheureux.
Mais je suis toujours là et je conserve un peu
De la joie d’autrefois au fond de mes racines,
Sur mon tronc tortueux des siècles se dessinent,
Oui, je suis toujours là, et je demeurerai;
Les jours suivront les nuits, je sais que je verrai
Le reflux de ces mœurs à l’aube d’un autre âge,
Quand l’herbe folle aura du pied de mon ombrage,
Tenace, lentement reconquis les jardins,
Alors je renaîtrai pour disparaître enfin !

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mercredi 30 janvier 2019

L'Hiver en retraite - Poème pour les enfants.




Monsieur l’Hiver se laisse aller,
Ce n’est pas tant le prix du givre
Qui le fait souvent reculer,
C’est qu’il aime se laisser vivre
Tout à fait comme vous et moi
Et que répandre de la neige
Dans la bise pendant trois mois,
C’est dur. Monsieur l’Hiver allège
Sa tâche aussi souvent qu’il peut ;
Les pieds au chaud dans ses pantoufles
Il s’assoupit au coin du feu.
Voilà pourquoi le vent qui souffle
N’est pas vraiment froid et qu’il pleut ;
Plus non plus la moindre gelée…
Monsieur l’Hiver n’est pas sérieux
Dit-on des sommets aux vallées,
On le dit des champs aux forêts,
Et puis des villes aux villages
Et des chaumières aux palais,
Mais Monsieur l’Hiver, à son âge,
Se fait à lui-même l’aveu
Qu’il a bien gagné à l’ouvrage
Le droit d’être enfin paresseux.

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lundi 28 janvier 2019

Comparaison mélancolique.




Il rêvait sur ses souvenirs
D’un temps passé depuis longtemps
Mais tout finit par se ternir,
Le bon, le mauvais, tout autant.

Il ne cessait de se relire,
La mélancolie a son charme :
Ici l’on esquisse un sourire
Et là on écrase une larme.

Il se trouvait assez âgé
-Lui-même aurait plutôt dit « vieux »-
Et le siècle bien trop changé
Pour imaginer faire mieux.

Il regardait par la fenêtre
Le jour monter et redescendre
Mais se souvenir est à l’être
Ce qu’à la charpente est la cendre.

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