samedi 28 janvier 2012

Feuillettes,Apoximes et autres Poèmes très courts. Ouvrage expérimental.

                             




En guise d’introduction :


Feuillette : petite feuille, ici poème à forme fixe bâti sur deux strophes et deux ou trois rimes avec répétition des deux vers à rime féminine de la première strophe, situés en deuxième et quatrième position, à la fin de la seconde strophe soit A1B1A2B2 /A3B3A4B4B1B2 mais A3C1A4C2B1B2 (suite des rimes masculines et féminines :m  f  m  f     m  f  m  f  f  f) est également licite.

Apoxime : contraction de « poésie-maxime », poème lapidaire au mieux en un seul vers (note : UNE apoxime ). Les apoximes peuvent s’associer entre elles sur une page pour évoquer un sens différent de celui qu’elles prendraient isolées.

Jeux à vendre : jeu où un premier intervenant donne le premier vers sous la forme : « Je vous vends etc… », le suivant devant compléter le poème pour former un quatrain ou un sizain (forme moyenâgeuse, voir Christine de PIZAN par Régine PERNOUD, Le Livre de Poche 1984).




Il me manque l’odeur marine
Et l’horizon où se dessine
Clochers, coupoles et frontons
Le long du quai des Esclavons.

Il me manque l’aurore heureuse,
Le soir, la brume lumineuse
Et la pierre d’Istrie aux marbres de couleur
Où l’histoire s’écaille et quelquefois se meurt.

      ***
Noël arrive doucement,
D’ombre et d’innombrables lumières
Aux nuits d’une foule de gens
Dont les grandes villes sont fières.

Quant à moi, sans aller bien loin,
Je trouve la campagne obscure
Où sur une couche de foin
Jésus dormait sans la vêture
D’ombre et d’innombrables lumières
Dont les grandes villes sont fières.

      ***

Vous m’avez demandé qui je puis être ?

Je suis le vent qui court aux sillons délaissés,
Je suis la rose jaune au fin fond du jardin,
Je suis l’attente et je suis le destin,
Je suis le blé qui sera moissonné,
Et je suis la neige amassée
Dans le silence de vos nuits.
Je suis la première hirondelle,
Je suis la grenouille du puits
Et je suis cette aube nouvelle
Qui un jour nous réunira.

      ***

C’est toujours affaire de temps,
C’est toujours affaire de quête,
De temps, de maîtresse et d’amant,
Voilà ce que dit la « Feuillette » !

A bonne ou bien mauvaise fin ?
Pour une nuit, pour une vie ?
Plus je vais, plus je m’en convaincs,
Tant qu’il en demeure l’envie,
C’est toujours affaire de quête,
Voilà ce que dit la « Feuillette ».

      ***

Je suis ici, tu n’y es pas,
C’est maintenant un vieil adage
Et voici que l’année s’en va,
L’Hiver est notre paysage.

Une pensée et pas un mot,
Notre amour même est une absence
Dont les lointains sont sans écho,
Une promesse de silence ;
C’est maintenant un vieil adage :
L’Hiver est notre paysage.

      ***

En ce temps là je vous aimais,
Vous me disiez que vous aussi,
Vous le disiez, je le prouvais ;
Vous n’aviez guère ce souci.

      ***

Qu’est-ce qu’une pensée
En matière d’amour ?
Si ce n’est pas assez
C’est un peu de « toujours ».

      ***

Combien de fois suis-je tombé
Dans ce périple à contre chance ?
Pourtant une fois relevé
Je rêve encore d’espérance.

Le rêve n’est jamais bien long
Et chaque nouvel échec pèse,
A force mes pieds sont de plomb
Mais chaque jour de cette ascèse,
Dans ce périple à contre chance,
Je rêve encore d’espérance.

      ***
Mon pauvre pays te voilà fauché,
Du moins le sommes nous ensemble
Et je te demeure attaché.

      ***



 
Les rouages du Temps grincent dans la tempête
Leur plainte aigue et triste et morne infiniment ;
Ne te retourne pas, malheur à qui s’entête,
Malheur à qui nourrit un rêve impertinent.

Craint l’amour délaissé qui tente de renaître,
Un sourire fané ne refleurit jamais,
La rivière est profonde et ses reflets sont traitres,
Laisse le cours du Temps s’enfuir comme il lui plait.

      ***

Le plus disert n’a pas raison,
Le plus court n’est pas le moins bon
Et qu’importe le plus habile ?

      ***

Plus que les autres ce soir là
Je me sentirai solitaire
Et malheureux et plus que las,
Ce soir d’un Noël bien précaire.

J’envie, c’est vrai, le tralala
Des paillettes et des dépenses,
D’autres admireront l’éclat
Soudain de ton sourire immense
Et je serai bien solitaire
Le soir de ce Noël précaire.

      ***

Daignez ne voir en tout cela,
Après tant de péripéties,
Qu’un rêve et l’on peut saisir là
La juste expression de nos vies.

Haine, désir, amour, dédain,
C’est l’éternelle farandole
Des mots et des sentiments vains,
J’y vois, riant comme une folle,
Après tant de péripéties,
La juste expression de nos vies.

      ***

Fou, fol, folie !
Inconséquent qui s’y
Frotte ou s’y fie ;
Une fois, ma foi m’a suffi.

      ***

N’entends-tu pas la nuit chanter
Au rythme des amours anciennes
Dont je sais encor la beauté
Que tant de mes strophes retiennent ?

Voici que je t’attends là-bas
Pour prendre ta main dans la mienne,
Ecoute bien, n’entends-tu pas
Ces notes lentes qui reviennent
Au rythme des amours anciennes
Que tant de mes strophes retiennent ?

      ***

Les premiers vers étaient ceux-là,
Cadence joyeuse et agile,
Moins souvent riches qu’un peu plats ;
Les premiers vers étaient ceux-là.

La joie aux suivants se voila,
Les derniers se font inutiles ;
Les premiers vers étaient ceux-là,
Cadence joyeuse et agile.

      ***

Quand Adalric renia sa fille
Il fit au monde un beau présent
Puisque son nom maintenant brille
Au panthéon du firmament.
Au pied des sapins noirs il coule
L’eau pure de la guérison,
« Odile » murmure la foule,
« Daigne entendre notre oraison. »

      ***

Je t’ai aimée même à travers
Ta folie et ton orgueil amer
Et tout le mal que tu m’as fait,
Je t’ai aimée, je t’aime et tu le sais.

      ***

Je laisserai le temps passer
Je ne tournerai pas la page
Qui dit les chemins délaissés
Où notre amour vit son bel âge.

Si loin qu’ils se soient enfoncés
Dans la nuit de tous les naufrages
Je revivrai sans me lasser
Nos rêves et bien davantage ;
Je ne tournerai pas la page
Où notre amour vit son bel âge.

      ***

Minuit passé, je pense à vous,
Non sans regrets, non sans colère,
Et puis à quoi bon après tout ?
J’étais et je reste sincère
Mais cela ne peut rien changer,
Nous n’avons plus rien en partage
Et nous voici deux étrangers,
Le passé sans doute est sincère,
Non sans regrets, non sans colère.

      ***

L’Hiver ne fait que commencer
Noël est un jour d’espérance,
Dont les soucis seront chassés
Par la grâce d’une présence.

De le sentir c’est bien assez
Pour aborder avec confiance
Les ornières et les fossés
Des jours de mauvaise apparence ;
Noël est un jour d’espérance
Par la grâce d’une présence.

      ***

Je vous aiderais bien si je savais comment,
Par malheur je ne puis revenir en arrière
Amender les raisons de ce triste présent,
Que me reste-t-il donc si ce n’est la prière ?

Je puis imaginer, avec votre chagrin,
Bien des accusations et des mots de colère,
S’ils sont immérités, votre peine m’atteint,
Quant à mon impuissance, elle me désespère,
Par malheur je ne puis revenir en arrière ;
Que me reste-t-il donc si ce n’est la prière ?

      ***



 
 
Je pourrais te parler toute la nuit,
Me rappeler, revenir en arrière,
Et regretter tant de vaines prières
Pour nous et ce qui fut et ce qui suit
Et tant d’amour mêlé de tant de peine
Et tant d’efforts et tant de volonté
Pour échouer ainsi, tout arrêter,
Tout oublier et tout renier Hélène !

***

Ce ne sont que des mots
Murmurés à l’oreille
D’une nuit sans repos,
Ils ne font pas merveille ;
Ce ne sont que des mots.

Vous savez ce qu’ils disent,
L’oublierez-vous bientôt ?
Et nos « oui » dans l’église
Dont persiste l’écho ?
Ce ne sont que des mots.

Je les dis à cette heure
Où nul n’écoute plus,
Ce faisant je me leurre,
Mes vers seront déçus ;
Ce ne sont que des mots.

Malgré tout je patiente
Et j’affronte l’Hiver,
En êtes-vous consciente ?
Non. Je prêche au désert ;
Ce ne sont que des mots.

***

Fi de la toile ou du satin,
Pas une nuit qui ne se passe
De la minuit jusqu’au matin
Hors de nos désirs qui s’enlacent.

C’est toujours un autre festin
Où chaque liqueur est nouvelle,
Dont le terme jamais atteint
Et nous épuise et nous appelle,
Pas une nuit qui ne se passe
Hors de nos désirs qui s’enlacent…

***

En poche pour le Nouvel An,
Sans parler vraiment de misère,
Il me reste assez peu d’argent :
La fin de l’année est amère.

Si cela ne vaut pas un chant,
Je ne veux pourtant pas le taire,
Je suis quelquefois terre à terre
Et le plus souvent en mangeant ;
Sans parler vraiment de misère,
La fin de l’année est amère.

***

Vous dirai-je à brûle pourpoint
Que je rêve de vous, ma chère,
Bien plus quand vous êtes plus loin ?
Non, je craindrais votre colère.
Que voulez-vous les hommes sont
Tels que la plupart d’entre eux n’accordent
Que peu de prix à ce qu’ils ont
A moins que quelqu’un d’autre y morde.

***

Nuit de nos silences obscurs….


Je suis,
Vous êtes
Et chacun se fuit.

***

Un autre jour se lève,
C’est un jour différent,
Bien trop loin du Printemps
Pour évoquer la sève
Et la douceur du vent
Mais celle qui me lit,
Celle-là me comprend
Et sait pourquoi j’écris
Qu’un autre jour se lève
Mais un jour différent.

***

J’ai donc trimé dix ans pour rien,
Il y aurait bien de quoi rire…
C’est la honte qui m’en retient ;
J’ai donc trimé dix ans pour rien.

Que je me fouts de ce qui vient,
Je ne saurais pas faire pire ;
J’ai donc trimé dix ans pour rien,
Il y aurait bien de quoi rire…

***

Moi je suis en l‘Hiver
Et je ris d’autrefois,
Scories des volcans d’une terre
Qu’en dormant je revois
Et qu’au réveil je perds
Pour vivre un autre choix.

***

Au bout de l’an la nuit, l’aube à celui qui suit.

***

L’Amour était si grand, le temps si court…

***

Dans la nuit du dernier jour de l’an
Mes songes effeuillent le vent
En vague-à-l’ âmes d’étincelles.

***

Que dire aux rêves souriants des vieilles utopies ?

***

Au dernier jour de l’an
Un mot d’après tout juste avant
Et puis ?

***

Je bois à la fontaine où l’amour s’est noyé.

***

Minuscules clartés, ampoules de Noël,
Sur un sapin de nuit
Au pied duquel
L’enfance m’a conduit,
Brillez ampoules de Noël,
Hier est si proche d’aujourd’hui.

***

Des soucis dans ma jardinière
Sont venus fleurir mon balcon.
Des soucis dans cette saison
Qui n’en est guère coutumière ?

C’est vrai, vous avez bien raison,
Chez moi, les ennuis prolifèrent,
Les soucis poussent sans façons
Quelque soit le temps qu’il peut faire.

***

Vite mon vers, allons, allons,
La fin de l’an, le temps nous presse,
Vite, un souvenir et passons,
Rions ou pleurons en vitesse.

Cet instant sacré n’est pas long
Et l’on recommence où l’on cesse,
Ce jour dit : « oui », l’autre dit : «non »
Déjà le quotidien s’empresse ;
La fin de l’an nous presse,
Rions ou pleurons en vitesse.

***

Heures obscures où chercher l’existence ?

***

Suprême inélégance, à soi-même qui se suffit ?

***

Attente, longue attente,
Je t’admire patiente
Et plus obstinée que la nuit.

***

Lorsque la nuit s’achève
Je vis enfin :
Le jour se lève.

***

Une nuit de dégoût,
J’ai veillé jusqu’au bout
De la pâleur de l’aube
Au bord d’un monde gris
Qu’aucun amour ne sauve.

***

Vous souvient-il de moi, Hélène,
Au jardin de l’Amour, au bosquet de vos peines,
Aux allées concertées
D’absence et de ronces plantées ?

Les rosiers sont à l’abandon,
Voici l’ivraie et le chardon,
Voici l’amour qui se désole
Parmi les herbes folles.

***

Ces vers d’ombre, sombres,
Sombrent sous le nombre
Des mots qui m’encombrent
L’âme de décombres.

***




D’un vieil arbre au début d’hiver
On voit tomber les feuilles mortes,
Adieu parure, tout se perd ;
Dites moi ce que Mai apporte.

Mille ans m’ont passé au travers
Si mes branches sont fortes
De tout ce que j’ai découvert
Je me sens las en quelque sorte ;
On voit tomber les feuilles mortes,
Dites-moi ce que Mai apporte.

      ***

Priez et priez de tout cœur
Quand vient cette heure de détresse
Où ce que l’on aimait se meurt,
Lorsque l’ombre grandit sans cesse.

Mère, au sein même du malheur,
Je prie, c’est ma seule prouesse,
Marie, daignez sécher mes pleurs,
C’est vers Vous que mon cœur s’empresse
Quand vient cette heure de détresse,
Lorsque l’ombre grandit sans cesse.

      ***

Ce matin le soleil brille
Sur les chemins de l’exil,
Hier, lointain, semble plus vil,
Demain promet et scintille.

Mais prend garde aux sentiments,
Leurs certitudes sont feintes,
Promesses jamais atteintes
Qui courent après le vent.

Ne te fie pas à l’image,
Aux « peut-être » si tentants,
Mais profite de l’instant ;
Cela c’est agir en sage.

      ***

Il était un amour, passion
Jurée d’une foi éternelle
Mais qui mourût d’inattention ;
Il était un amour passion.

L’amour n’est pas qu’une intention,
C’est ce que mon vers vous rappelle ;
Il était un amour, passion
Jurée d’une foi éternelle.

      ***

Hier beaucoup plus, aujourd’hui peu
Et cela depuis des années,
Le hasard est toujours un jeu ;
Hier beaucoup plus, aujourd’hui peu.

Un rêve que l’on jette au feu,
Une espérance condamnée :
Hier beaucoup plus, aujourd’hui peu
Et cela depuis des années.

      ***

Que dirai-je à ma mie
A six mois révolu
Qu’elle est au loin partie ?
Que j’en suis bien déçu
Et que je ne crois plus
Et que je ne crois guère
A tout l’amour qu’elle eut
Quand celui-ci m’enterre.

      ***

Quand les gens sont dehors
Je me retrais dedans,
Leur retour, à l’instant,
Me boute hors.

      ***





 
Au pied des ombres étendues,
Le soleil dit le vieil Hiver
Dont le temps passe et puis se perd ;
Printemps, j’attends votre venue.

Ne soyez pas trop courroucé
Si vous me voyez en avance,
De froid et de nuit j’ai assez
Qui me sont bien pauvre chevance
Et de la campagne si nue ;
Printemps j’attends votre venue.

      ***

Grippe-sous, grands joueurs d’argent,
Par vos beaux coups le nécessaire
Vient à manquer à bien des gens
Et tout avenir est précaire.

Croyez-vous que les mécontents
Dont l’effort a peu de salaire
Voudront, bétail obéissant,
Vivre pour vous dans la misère ?
Par vos beaux coups le nécessaire
Et tout avenir sont précaires...

      ***

Moi qui sais faire une chanson,
Je sais vous la faire aigrelette
Ou douce pour les enfançons ;
J’avais celle-ci toute prête.

Les butors méritent leçons
Et puisqu’ils n’en font qu’à leur tête,
Je la leur offre à ma façon :
Qu’on les noie dans la vinaigrette,
Je sais bien la faire aigrelette,
J’avais celle-ci toute prête.

      ***

Haïku.

Brouillard du matin ;
Sur le gris de la montagne,
Le noir des sapins.

      ***

Haïku.

La feuille s’envole
Aux vents furieux et amers
Venus de la mer.

      ***

Haïku.

Dans le soleil froid,
Sur les arbres qui scintillent,
Un corbeau puis trois.

      ***

Des sanglots, pas des cris puis un jour le repos.

      ***

Je hais la lente marche en ce marais.

      ***

La nuit c’est le moment d’écrire,
Le temps de se plaindre ou de rire,
Le bon moment pour raconter
Entre rêve et réalité,
Pour accepter, pour interdire,
La nuit c’est le moment d’écrire.

      ***

Nos soucis par les temps qui courent… I.

Le jour chacun me voit sourire,
A mon travail, auprès des miens,
Mais le soir venu je soupire
Et souvent le chagrin me vient :
Il faut assurer les études,
Les vacances, le quotidien…
Avec si peu la tâche est rude
C’est tout juste si j’y parviens.

      ***

Nos soucis par les temps qui courent… II.

Mes vêtements sont si usés
Que leur tissu est effrangé,
Le temps a percé mes chaussures,
Nul ne m’enviera ma vêture.
Me voir suffit à juger mon état
Et deviner mes embarras ;
Mon travail comme on le suppose
Ne me rapporte pas grand-chose.

      ***

Rose trémière au vieux jardin,
Ma joie vous avait pour emblème,
Les jours sont gris de mon chagrin,
Comme les matins naissent blêmes.

Quand l’amour redoute sa fin
Ce n’est sans doute plus le même
Que celui qui, de par l’or fin
D’un anneau scellant son destin,
Le rêvait royal ou bohême.

      ***

Je ne veux plus de ce métier,
Tout son galimatias me soûle,
Me voici prêt à l’oublier :
Ce sont quarante années qui coulent.

Je m’en vais joyeux le renier
Et ce vieux monde qui s’écroule,
L’enfouir au fond de mes papiers,
Que cette mémoire s’éboule,
Tout son galimatias me soûle ;
Ce sont quarante années qui coulent.

      ***

La lune d’hiver luit, la nuit dans son lit de brume.

      ***

Je m’ennuie de vous, du monde et de tout.

      ***

J’écris en fou, la raison m’absout mais à quoi bon ?

      ***

Ces jours ont une odeur d’égout
Au fond d’un cul-de-basse-fosse,
Heureux les sangliers et les poux,
Les manches et les poils de brosse.

      ***

Nos soucis par les temps qui courent… III.

L’horizon n’est pas rassurant,
Chacun vit des jours difficiles,
Un quotidien désespérant
Pour tous, fussent les plus habiles.

Chacun se dit en soupirant :
« Tous mes efforts sont inutiles,
Mes soucis sont toujours plus grands,
Mon foyer toujours plus fragile » ;
Oui ce sont des jours difficiles
Pour tous, fussent les plus habiles.

      ***

Le froid sera meurtrier cette nuit
Pour ceux qui dans aucun foyer ne vivent ;
Dans un ciel dégagé l’étoile luit
Loin au-dessus des toits, glaciale et vive.

      ***

Je vous vends l’amour fatal :
Peut-être un bien, peut-être un mal,
Peut-être plus que tout amour,
La peine et la joie tour à tour.

      ***

Les mois ont lentement passé,
L’espoir a choisi le silence,
Les vers mêmes se sont lassés
De toujours parler de l’absence.
Leur écho s’est amenuisé
De matins en soir solitaires
Et la peine a fini d’user
Ces amours inégalitaires.

      ***

Où donc est celle que j’aimais ?
Au loin en quel oubli tombée
Dont le temps lui-même se tait
En la tenant pour oubliée ?

En quel endroit que nul ne sait,
A quelque autre vie attachée
Et tout comme qui n’en peut mais
Délaissant ses amours passées,
Au loin en quel oubli tombées,
En les tenant pour oubliées ?

      ***

Maintenant, ma plume à la main,
C’est de loin que je vois le monde,
Un monde pour lequel je crains,
Un monde où tant de malheur gronde.

Je ne suis d’hier à demain
Qu’un rimailleur dont la faconde
Devant cela s’emploie en vain,
Que voulez-vous que j’y réponde :
C’est de loin que je vois le monde,
Un monde où tant de malheur gronde.

      ***

Ce matin je fais le lézard
Dans la pièce qui s’ensoleille,
Je ne fais rien mais avec art
Et c’en est presque une merveille.

De tout j’ai la meilleure part
Dont la paresse me conseille
D’user sans le moindre retard,
Je le fais tant que je sommeille
Dans la pièce qui s’ensoleille
Et c’en est presque une merveille !

      ***

L’amour, par essence,
Vit d’espoir et craint l’absence.

      ***

Que de choses qui furent
Pour si peu de temps,
Etes-vous sûre
Du bien présent ?

      ***

France, je ne sais où tu vas,
J’éprouve une grande inquiétude ;
D’autres aussi disent cela :
Demain n’est plus qu’incertitude.

L’argent manque et chacun s’en va
Le cœur lourd avec l’attitude
Des vaincus d’un prochain combat ;
J’éprouve une grande inquiétude :
Demain n’est plus qu’incertitude.

      ***

Tous les poètes sont des gueux
Ils ne sont donc pas fréquentables,
Sans vrai métier et gagnant peu,
Changeants, légers, voire invivables.

Pardonnez à chacun d’entre eux
Pour quelques vers inoubliables
Que vous vous rappelez, heureux,
Quand vous vous sentez misérables,
Quoiqu’ils ne soient pas fréquentables,
Changeants, légers, voire invivables.

      ***

Après ce quart de siècle enfui
Voici qu’enfin je vous retrouve ;
Le temps ne vous a guère nui
Comme notre amitié le prouve
Qui vient de renaître aussitôt.
Ce retour du passé m’amuse,
Je vous le dédie en ces mots ;
N’étiez-vous pas, antan, ma muse ?

      ***

Je vous vends ma nuit perdue
Et la brume au long des rues
Et le silence de mort
De cette ville qui dort.

      ***

Je vous vends l’attente vaine,
Le souci, l’amour en peine,
Les jours et les nuits trop longs,
La folie et la raison,
Les tourments, la crainte extrême
Et l’espérance quand même.

      ***

Point trop savant ne suis, je crois,
En la matière de bien dire
Mais je m’en excuse à bon droit
En ce que d’autres ont fait pire
Dont le style est plus maladroit
Que celui qui me fait écrire.

      ***

Dis-moi, reflet, pourquoi j’ai tant vieilli ?

      ***

Ici tout me condamne et moi aussi.

      ***

Allons, si l’amour est connu de toi,
« Je t’aime » à qui le diras-tu, Fortune,
Croissante et décroissante chaque mois,
Plus mouvante encore que n’est la lune ?

      ***

Des mots en cendres impalpables,
Voilà mon bien, il est de peu,
Et je crois, peu recommandable,
Mais qui le peut, qu’il fasse mieux.

Il n’est plus de rive abordable
Pour le vieil esquif de mes vœux,
Aucun demain n’est fréquentable
C’est hier qui m’en a fait l’aveu.

       ***

Ne me prenez pas pour un pitre,
Je ne le suis que par emprunt
Et parce que des autres titres
Je n’en espère plus aucun.

Après une attaque de mitres
J’ai perdu plus que mon latin,
Les hannetons ont leurs élytres
La poésie a ses pantins.

Chacun a trouvé son pupitre,
Je n’ai jamais trouvé le mien,
De moi qu’ai-je à mettre sous vitre ?
Hors de ces mots idiots, plus rien.

      ***

J’ai toujours les mêmes ennuis,
Jour après jour, nuit après nuit,
Si nombreux que j’en perds le compte.
Quelquefois je me les raconte
Sur une feuille de papier,
Non par peur de les oublier
Mais pour tenter de m’en distraire
Quand je ne sais plus trop qu’y faire.

      ***





 
Silence de la nuit, froid de l’hiver,
Je fais sans fin les cent pas dans la pièce,
Je vais de long en large et en travers
Et mes pensées ne sont pas en liesse.

Elles et moi nous voguons de concert
Sans qu’aucun fasse assaut de hardiesse
Au souvenir d’innombrables revers,
De tant d’erreurs comme de maladresses ;
Je fais sans fin les cent pas dans la pièce
Et mes pensées ne sont pas en liesse.

      ***

Je vous vends les matins qui chantent,
Le repos, l’argent le bonheur
Et même, si cela vous tente,
La fin de toutes les douleurs,
L’éternité, plus, je m’en vante,
La République et j’en ai peur,
L’honnêteté comme l’honneur.

      ***

L’an cinquante et huit de mon âge
Je me jugeai moins lourdement,
Pensant qu’en ces nombreuses pages
J’avais pris plaisir librement,
L’an cinquante et huit de mon âge.

Je m’en réjouis sincèrement,
Certain qu’ainsi faire était sage
D’avoir changé de voile au vent
Pour faire ici meilleur passage,
L’an cinquante et huit de mon âge.

      ***

Ils assemblent, maladroits,
Mille vanités anxieuses ;
Boursouflés, balourds étroits,
Caricatures envieuses,
Ne sont, vous l’avez compris,
Dans ces lignes malicieuses,
Pas vraiment de mes amis,
Je leur connais, sentencieuses,
Mille vanités anxieuses,
Caricatures envieuses.

      ***

Je vous vends le beau soleil
De ce midi de vermeil
Et l’hiver enfui peut-être ;
Fantaisie n’a pas de maître,
Devant ces lointains si bleus,
Au soleil j’ai fait ce vœu.

      ***

 
 
 
Je vous vends ce pauvre amour,

Il ne pèse plus bien lourd,
C’est une ombre, une misère,
Un mendiant, un pauvre hère
Mais il garde au fond des yeux
La claire flamme d’un dieu.

      ***

Les cigales sont des bavardes,
Le goût des fourmis est taiseux ;
Les secondes sont en la garde
Et de la Fortune et des dieux,
C’est la Misère qui regarde
Les premières au fond des yeux.

      ***

Je vous vends la fin du livre,
L’encre, l’auteur et le papier
Et puisque je vous en délivre
Tâchez de ne pas m’oublier.

      ***

lundi 23 janvier 2012

La Toupie.




Toutes choses reprennent,
Demain comme devant;
Rien de neuf que j'étrenne
Au premier mois de l'an.

Je dirais de ma vie
Qu'elle est un mauvais jeu,
Proche de la toupie
Qui tourne et bouge peu.

Mais j'ai moins le vertige
Que je n'ai de chagrin,
Un grand amour m'afflige
Dont l'absence est l'écrin.

Encore une semaine
Et puis encore un mois,
Les mêmes mots entrainent
Toujours le même émoi.

          ***

samedi 21 janvier 2012

L'Unique Chant.



C'est lui toujours, l'unique et même chant
Qui passe et s'enroule aux nuits de silence,
Mélancolique et toujours attachant
Et qui s'enfuit en psalmodiant l'absence
De mon aimée et de mon espérance.
Et moi qui l'écoute, ce chant de nuit,
De souvenir, de tristesse et d'errance,
Tout seul, je le déplore et m'en réjouis
Car ce qui fut, fut le plus beau
De ce qui ne se perd ni ne s'oublie,
Le bien précieux qu'aucun autre ne vaut,
Qu'on ne corrige pas, ni ne renie.
Le chant toujours en ses notes unies
Serpente au plus profond des temps obscurs
Où notre rêve aime à sa fantaisie
En cet écho qui passe tous les murs.

                     ***



Chanson d'Hiver.



Aube levée, matin venant,
Aux chemins où le froid m'étrille,
Sur le ciel bleu, les arbres brillent,
Le soleil est de givre blanc.

Un peu de brume l'entourant
Voici le clocher d'une église,
La crête où les sapins s'irrisent,
Le soleil est de givre blanc.

Les gouttes d'eau sont des diamants
Qui viennent perler aux brindilles,
Montagnes et plaines scintillent,
Le soleil est de givre blanc.

L'Hiver arrive maintenant,
Les bois échangent leurs guenilles
Pour cet argent qui les habille;
Le soleil est de givre blanc.

Chantez, chantez, joyeux enfants,
Cette lumière qui vous grise
Au refrain mordant de la bise:
Le soleil est de givre blanc.

           ***



samedi 7 janvier 2012

Vivaldi.




J'écoute Vivaldi mais qu'elle est loin Venise,
Inacessible et belle où mon rêve se brise
A chaque note enfuie, au bout du concerto,
Et dans minuit désert où tout est en repos
Je parcours en pensée un long itinéraire
Sous les frontons de marbre aux ombres funéraires
Quand la mer souveraine, aux canaux doucement
Redit toute la gloire et tout le dénuement
Et toutes les visions et toute la mémoire
Et les hésitations d'une très vieille histoire.

                    ***


vendredi 6 janvier 2012

Tristesse des Poètes.




C'est vrai, les poètes sont tristes
Car ils ont en tête la liste
Des jongleurs et des baladins
Qu'écrire a fait crever de faim.

Quelle époque leur est propice ?
Certains diront que c'est justice:
Un poète ne sert à rien,
Moi qui l'écris je le sais bien.

                ***

Premier jour de l'Hiver.



Troncs noirs sous le ciel sombre,
Branches comme des faux,
Saison des longues ombres
Avant le renouveau,
Un soleil éphémère
Sur un vol de corbeaux,
L'éclat des flaques d'eau
Dormant dans une ornière,
Les sapins vert-de-gris
Et la rousseur des chênes,
La pierre pour abri,
La neige pour étrennes;
Votre raison s'y perd
Et votre bon sens bute ?
Je vous décris l'Hiver
Tel, ce jour, qu'il débute.

         ***


mercredi 4 janvier 2012

Les Mots s'enchainent...



Je voudrais attacher les mots aux mots,
Chainons ferrés des strophes sinueuses
Qui se suivraient sans fin et sans défaut
Dans la prison des heures oublieuses.

Et chaque instant engendrerait la note
Dont chaque rime entamerait l'écho,
En cavaliers qui courrent, botte à botte,
Un conte ancien qui se perdra bientôt.

Refrain dansant comme une mélopée
Aux lieux déserts dans l'ombre qui se tait,
Je voudrais la complainte ou l'épopée
Qu'autrefois un jongleur se racontait,

Et ces vers de cristal, amours anciennes
Au siècle enfin des poètes défunts,
Le plain chant grégorien de quelque antienne,
Sur la flûte romaine, un air commun.

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lundi 2 janvier 2012

Soucis et Capucines.



A force d'en avoir, j'ai planté des soucis
Par je ne sais combien et dans trois jardinières,
En voilà un de plus mais la vie est ainsi:
Auront-ils assez d'eau, d'espace et de lumière ?

J'ai planté des soucis et quelques capucines,
En rangs ou un à un tout au bord du balcon,
L'appui de la fenêtre, au droit de la cuisine
Et pour être complet la fenêtre du fond.

Planter est important, c'est un geste d'espoir,
Un geste qui console, un geste qui conjure
Même si l'on devait, demain, manquer de voir
Le succès attendu des floraisons futures.

Car quelque soit la crainte et quelque soit le doute,
Ce geste est tout ensemble un début, une fin
Et la beauté d'une heure où les autres sont toutes,
Le sourire moqueur qu'on accorde au destin,

C'est le geste qu'il faut, le geste qui convainct,
La certitude offerte et la preuve qu'on donne
Que l'on vit aujourd'hui, que la mort c'est demain
(S'il est bien vrai qu'il faut que cette heure là sonne).

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dimanche 1 janvier 2012

Rondeau du Premier de l'An.


Feuilles d'Automne, arbres d'Hiver
Et les nuits froides sous la bise,
A vous les amours indécises
Mais à moi l'ombre où je vous sers.

A vous, mon coeur, en tant de vers,
Partout comme chose promise;
Feuilles d'Automne, arbres d'hiver.

L'effort, la peine et les revers,
La volonté que rien ne brise -
Il n'est d'amour qui se ravise-
Et tous en chemin de concert,
Feuilles d'Automne, arbres d'Hiver.

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