lundi 29 octobre 2012

De rue en rue.







Je vais sans but, de rue en rue,
Longeant les quais, passant les ponts,
Je vais de place en avenue,
De palais en vieilles maisons.
Je m'en vais à la découverte
D'une façade ou d'une cour
Que révèle une porte ouverte,
Pas après pas, jour après jour.
Le moindre carrefour m'invite,
La ville, du centre aux faubourgs,
Je la parcours et je l'habite,
En long, en large et tour à tour.
Je suis le passant qui regarde
Et je suis parfois l'écrivain,
Je suis le curieux qui s'attarde
Et le rêveur, la plume en main.
Et l'éphémère et la mémoire
Et le siècle au bout de l'instant,
La pierre où dort un peu de gloire
Et la pénombre et l'inconstant,
Sans les chercher, je les retrouve,
Sans les connaître, je les sais,
Et chaque promenade approuve
Le nouveau récit que j'en fais.

            ***

dimanche 28 octobre 2012

En Vers.





Voici en vers et contre tout
Mon amour comme une évidence
Qui franchira le garde-fou,
Ainsi, en vers et contre tout.
 
Rêves dessus, larmes dessous
Et plus de raison qu'on ne pense;
Voici en vers et contre tout
Mon amour comme une évidence:
 
 
 
Et vous le savez bien
Et vous le savez trop,
Je vous aime toujours,
Je reviendrai bientôt
Quoique ce soit pour rien -
Que le bonheur est court ! -
Car vous n'entendrez pas,
Car vous ne voudrez pas,
Le savoir me tourmente
Et ne me convainc pas.
Depuis que je vous chante
Que n'ai-je pas pleuré:
Le plaisir, l'espérance
Avec la vérité
Et la calme beauté
Des aurores naissantes
Et l'ombre tiède de la nuit,
L'ombre si caressante,
Le jour si étonné,
Ce qui précède et suit
Avec ce que l'on prend
Et tout ce que l'on donne,
Le rêve du printemps,
La peine de l'automne...
 
            ***


 

samedi 27 octobre 2012

Place de la Gare.






Il fait nuit place de la gare
Où la pluie fouette le vent,
Néon rouge d'un restaurant,
Octobre est proche du départ;
Sur les pavés l'averse fuit.
Elle brouille mon pare-brise
Où chaque rigole conduit
L'éclat d'étoiles indécises:
Phares, bistrots ou réverbères
Et moi j'attends l'heure du train,
Celui qui te ramenait hier
Mais non ce soir et non demain.

               ***

vendredi 26 octobre 2012

Veuvage.






Nos amours sont ce qu'elles sont:
L'encre des mots sur une page
Qui n'a connu qu'une chanson;
Nos amours sont ce qu'elles sont.

Je les vis de triste façon
Comme l'on vivrait un veuvage;
Nos amours sont ce qu'elles sont:
L'encre des mots sur une page.

                   ***



mercredi 24 octobre 2012

Le Vieux Colporteur.






Le ciel gris parle d'engelures,
Novembre, il est temps d'hiverner
Dessous couettes et couvertures.
Il est temps de s'édredonner
De fin duvet, de chaudes plumes
Et de s'enfouir sous l'oreiller.
En hiver quelle autre coutume ?
Décembre, la flamme au foyer
A tisonner sous la chandelle,
Bûches de chêne, de noyer,
Au craquement des étincelles.
Dehors il fera longtemps nuit,
Dehors il neige et le vent souffle,
J'attends que mon dîner soit cuit,
Les pieds au chaud dans mes pantoufles.
Je me garde autant que je peux,
Je sais trop ce qu'est la froidure,
J'ai bien connu les chemins creux
Et l'eau qui perce la chaussure,
Je sais ce que hurle la faim,
Je sais ce qu'avoir froid veut dire.
Le feu danse devant mes mains
Dans la pénombre d'un sourire...

               ***

mardi 23 octobre 2012

Le Jardin de l'Empereur.






Et voici que le froid augmente
Au fond des jardins effeuillés
Où la lumière invente
Des gris et des noirs oubliés
Aux branches d'un vieux chêne,
Aux malingres buissons,
A ce triste bouquet de frênes
Près de bouleaux à contre ton.
Voici qu'il y a plus d'espace
Du mur à la porte qui grince
Sur la rue où je passe,
Etirant, longue et mince,
L'ombre du promeneur
En ce parc délaissé
Où cent ans, tout à l'heure,
L'Empereur a passé.
Et la ville est silence,
Le temps incertitude,
Froide munificence,
Longue absence,
Hébétude,
Errant de feuilles mortes
En gravier déserté
Aux soirs de lassitude
Des jardins inventés.

              ***


lundi 22 octobre 2012

Les chemins silencieux.





Automne, feuilles mortes
Et chemins silencieux,
Déjà demain t'emporte;
Automne et feuilles mortes.

Amour, ferme la porte
Il ne reste en ces lieux
Qu'Automne et feuilles mortes
Aux chemins silencieux.

         ***

samedi 20 octobre 2012

Deux amants.





Deux amants. Écoute et rêvons:
Au milieu coule une rivière,
De rive à rive toujours, un pont;
Deux amants. Écoute et rêvons.

Faisons quelques pas et ce pont,
De bois, d'acier ou bien de pierre,
Rêvons que nous le traversons
Et qu'en oubliant la rivière
Au milieu nous nous embrassons.

Ce serait la bonne manière,
Ce serait la bonne façon
Pour deux amants d'user d'un pont.

              ***

vendredi 19 octobre 2012

Souvenir.




Lorsque j'étais petit ou pas bien grand,
Je croyais à mes jeux: j'étais poète,
Je versifiais avec des mots d'enfant,
Très maladroits, ce que j'avais en tête.
Douze tomes d'Hugo pour le destin,
Un seul, précieux, de Nerval pour le style,
Tout était dit, j'irais à bonne fin.
Ma rime était et bancale et futile,
Je claudiquais de strophes en sonnets,
N'importe ! Alors, je me racontais mon histoire,
La moindre idée et le moindre couplet,
Demain, bien sûr, serviraient à ma gloire...
Ces beaux jours là sont loin derrière moi:
J'ai choisi mon métier, gagné ma vie
Plus ou moins bien, bref, j'ai suivi la loi
De notre monde où l'enfant se renie
Pour devenir adulte et pour compter,
Compter l'argent que l'on gagne à grand-peine,
Tous les soucis, les fardeaux à porter,
Pour compter ses échecs, compter ses heures,
Enfin pour vivre ainsi que d'autres font
Et du poète enfant ne me demeure,
Vous le voyez, pas même un petit fond...


                      ***


mercredi 17 octobre 2012

Miroir, mon beau miroir...





Surtout pas de miroir chez moi,
Pas d'argenture qui m'accuse
En me montrant ce qu'elle voit,
Qui démasque mon imposture
Et contredit ce que je crois.
Qu'ai-je besoin qu'on me reflète
Toute ma fatigue et son poids,
Le cheveu qui blanchit ma tête,
Et les rides qu'on aperçoit
Sillonner partout mon visage ?
Si l'on me dit que cet émoi
N'est pas digne d'un homme sage,
Je réponds que, pour une fois,
De passer pour fou m'indiffère!
Ne sais-je pas à mon endroit
Plus que ne sait toute la terre,
Dont ceci que, même à l'étroit,
Je reste l'enfant de naguère ?
Surtout pas de miroir chez moi !

                 ***

mardi 16 octobre 2012

Oracle d'Automne.





Dans les jardins publics que l'Automne a vidé
Des enfants turbulents, des amants attardés,
Les larges flaques d'eau où les averses pleurent
Reflètent les jours gris dont nous comptons les heures.

Le crépuscule meurt dans le froid de la nuit,
Sur le quai silencieux où nul reflet ne luit
Tous les bancs sont déserts et la brume sinue
Entre les ponts de pierre où l'ombre est retenue.

Aux places de la ville il n'est plus de passants,
La flèche d'un clocher prend un air menaçant,
Le moindre carrefour dresse une croix sévère;
Sur le pavé glissant brillent les réverbères.

Que pouvons-nous encore, au mauvais temps venu,
Rêver du lendemain ? L'Amour a répondu:
Comme aux arbres d'Octobre où l'Hiver proche affleure,
Il n'y a feuille au vent qui bien longtemps demeure...

                        ***


lundi 15 octobre 2012

Rose d'Octobre.






Rose d'Octobre à la robe ternie,
Mon coeur vous chante en ce mot "nostalgie",
En ce jardin où vos soeurs défleuries
Marquent ce jour de leur mélancolie.

L'été s'oublie et sa promesse est loin,
La terre est nue où nous fîmes les foins
Et dans ce bois que le soir a rejoint
A votre nom l'écho ne répond point.

Brumes de l'aube où le présent s'estompe,
Trop indistinct chaque passant me trompe
Et mon espoir que ces fantômes rompent
En est réduit à vos sinistres pompes.

Rose improbable aux nuances du temps
Vous qui bravez la froidure et le vent,
D'un seul bouton je me tiendrai content:
Refleurissez où mon coeur vous attend.

                       ***

jeudi 11 octobre 2012

Feuilles d'Automne.








Comme la forêt s'éclaircit
De ce feuillage qui s'envole
Au vent froid des saisons, ainsi
Mon horizon des heures folles
Qu'enfin emporte et que saisit
Le cours indifférent des heures
Qui vagabondent vers l'oubli.
Sous le ciel gris d'automne meurent,
Sans même exaler un soupir,
Unis, sourires et souffrances,
Echecs, espoirs et repentirs.
Les mots ont perdu leur outrance,
Les souvenirs, leur acuité,
Les sentiments, leur importance,
Le pardon, ses difficultés
Et le regret, ses remontrances.

              ***

lundi 1 octobre 2012

La libre cigale...





Que faire d'autre que chanter,
Fusse chanter des choses tristes
Lorsque l'on ne sait pas compter ?
Si je suis un peu pessimiste
Cela tient à ma liberté,
Une guenille qui me coûte
Plus que je n'en puis raconter.
Et fleurit au milieu du doute.
Je ne suis pas bon en affaires,
En gloire, en gains et en profits,
Peut-être qu'en vocabulaire
J'ai mieux relevé le défi.
Je suis du peuple des cigales,
Des cigales sans illusions
Qui vivent souvent assez pâles
Et sans nourrir de prétentions.
 
             ***