dimanche 31 octobre 2010

Au Premier Novembre.




Voici pour votre anniversaire,
Je l'avoue un pauvre présent,
Pourquoi je ne puis pas mieux faire,
Vous le savez assurément.

Je vous offre un peu de tendresse,
Pâle reflet de mon amour,
Trois mots en guise de caresse,
"Un peu" à défaut de "toujours".

Croyez que la flamme demeure
Sous la cendre de ce foyer
Que vous délaissez sans qu'il meure:
L'amour ne sait pas oublier.

Ces mots qui sont moins qu'une lettre
Cependant vous disent beaucoup;
Au Hasard de vous les remettre
Et que ce jour là vous soit doux.

            ***

vendredi 22 octobre 2010

Le Banc.






Les feuilles ont couvert
La trace des allées
Et les bancs sont déserts,
Nos amours envolées.

Pensif sous le ciel gris,
Un passant solitaire
Qu'un banc vide a surpris
D'un rêve involontaire,

Peut-être un souvenir,
L'écho d'une souffrance,
Un printemps à venir,
Un deuil, une espérance...

Le parc est silencieux
Et les branches sont nues;
Suis-je déjà si vieux ?
Es-tu jamais venue ?

      ***

dimanche 17 octobre 2010

A Toi:




Sirène.























Avertissement.

Ce n’est pas l’histoire des ports
Où parfois les amants font voile
Lorsqu’ils craignent les coups du sort
Quand leur vaisseaux à pleine toile
Fendent la grisaille des flots,
Mais celle où dessous le ciel triste
La vague dit à demi-mots
Que des courses folles existent.

                ***


Le train s’en va, s’en va au loin,
Un train de nuit
Où vous pleurez, là, dans un coin
Et moi sur le quai de la gare ;
Sinistre Février, minuit s’empare
De quelques souvenirs
Et de vagues promesses
Que l’aube ne pourra tenir,
Je vais au bras de ma tristesse,
Je retourne chez moi.
Froid de l’hiver où les lampes scintillent,
Je vous aime et ma foi
Demeure à quai, un quai dont les rails d’acier brillent…

                ***



Si vous fuyez quand je m’approche,
Vous ne vous plaindrez plus de moi
Ni ne direz qu’Amour décoche
Des flèches d’un médiocre bois,
Si vous fuyez quand je m’approche.

Pour le reste, quoique déçu,
Je ne vous fais aucun reproche -
En ferais-je, l’auriez-vous su ? –
Et souris, les mains dans mes poches
Si vous fuyez quand je m’approche.

                ***


Ce n’est vraiment pas facile
De s’aimer ainsi de loin,
Mais s’en plaindre est inutile,
J’outrepasse et prend soin
De changer mon espérance
En courrier que je vais mettre,
Un de plus, avec constance,
Dans une boîte aux lettres.
Après cela j’attendrai,
C’est sûr, rempli d’impatience
Et je m’imaginerai,
Car j’excelle en cette science,
Les mots qui s’y trouveront,
Le sourire et la tendresse,
L’amour qu’ils exprimeront
Et plus que tout la promesse.

                ***


Celle qui le devrait n’est pas auprès de moi
Et je vis chaque jour, la sachant si lointaine,
La tristesse sans fin de l’attente incertaine
Où hier comme demain pèsent le même poids.

Je n’ai pas de plaisir à tout ce que je vois,
Mon regard est tourné vers cette route vaine
Qui ne peut m’emmener où mon  désir m’entraîne
Et mon âme se meurt de n’avoir point de choix.

Je puis parler sans fin car je parle au silence
Qui ne me contredit pas plus qu’il ne m’encense,
Je puis parler sans fin, elle ne m’entend pas.

IL est donc un amour au goût de solitude
Qui se moque des vers que je compose là
Puisqu’il fait malgré moi son terme d’un prélude.

                ***



Chaque nuit sa couleur
Et chacune son style,
Nuit noire des voleurs
Et nuit claire des villes,
Nuit de nos déceptions
Ou bien nuit de caresses,
Mais combien d’illusions
Avec elles s’empressent…

                ***



La suite est un trop long poème
Pour que je l’écrive aujourd’hui ;
Si je m’y essayais quand même
Cela prendrait toute la nuit.
Les vers y parlaient de tendresse,
D’amour et d’amants réunis,
Le thème était plein de promesses,
Tant pis, pour ce soir j’ai fini !

                ***



Quel est ton rêve ou ton désir ?
La nuit d’été couvre la plaine,
La route suit son bon plaisir
Et pour toi musarde à loisir.

Un temps pour voir, un pour saisir,
Double ballet qu’aucun ne mène ;
Quel est ton rêve ou ton désir ?
La nuit d’été couvre la plaine.

                ***


Que veux-tu donc que je te dise ?
Le soir et nous deux sommes là,
Mais lui glacial et nous très las,
C’est d’ailleurs pourquoi je m’avise
Que nous serions bien mieux au lit
Sous une couette présagée
Plus que moelleuse en ses replis
De chaleur enfin partagée.

                ***


Il y a tant d’incertitudes,
Tant d’obstacles à notre amour
Que je ne sais si quelque jour
Nous en vivrons la plénitude.

Ce ne serait rien d’être loin,
Ce qui me peine et qui m’irrite
C’est d’attendre ainsi, sans limites,
De rêver que je te rejoins,

D’espérer de toutes mes forces
Mais de ne vivre, sûr de rien,
Que les mots qu’un courrier contient
Et la promesse qu’ils amorcent.

Car nul mot ne vaut un regard,
Car nul mot ne vaut un sourire ;
Pour l’amour c’est cela le pire :
De n’en obtenir qu’une part.

                ***


Comme il arrive aussi, c’est un soir de tristesse,
Un de ces soirs sans fin où l’on donnerait tout
Pour un peu de chaleur, pour un mot un peu doux,
La rime est sans raison qui suggère « caresse ».

On voudrait oublier, mais, hélas, rien ne presse,
La mémoire se plaît à retrouver le goût
D’un bonheur disparu et, d’ordinaire flou,
Le souvenir soudain, s’exacerbe sans cesse.

Alors on prend sa plume, on écrit un sonnet
Pour tromper son chagrin, pour tromper ses regrets,
Sans trop qu’on s’y résigne un peu de temps se passe.

La solitude est là dans la nuit qui se tait,
Dans l’abandon de soi, dans l’amertume lasse
Et dans ce lendemain banal et qui le sait.

                ***


Viendras-tu marcher avec moi
Sous cette dentelle de givre
Dont s’ornent les branches des bois
Où le soleil pâle délivre
Mille reflets des feux d’hiver
En mille étincelles de glace ?
Il y aurait, où je me perds,
Au lieu de la mienne, deux traces
Mais aussi proches qu’il se peut
Et dans l’air froid nos deux haleines
Parfois se confondant un peu
Dans la grande forêt sereine.

                ***


Jamais, au grand jamais, Sirène,
Car tu m’attristes de nouveau,
Tu ne rimas mieux avec « peine »,
Jamais, au grand jamais, Sirène.

Sur la route où l’amour nous mène
Chanterai-je  par monts et vaux ?
Jamais, au grand jamais, Sirène,
Car tu m’attristes de nouveau.

                ***


Dis-moi pourquoi, chérie,
La place est vide auprès de moi,
Il fait nuit noire sur les toits
Et tout est rêverie.

Le temps ment-il encore,
N’ai-je pas entendu ta voix ?
C’est en hiver, un matin froid
Où l’attente m’ignore.

                ***


Ce fut un jour très comme il faut
Dont la nuit sera solitaire,
Ce fut un jour fait pour me plaire,
La nuit sera son seul défaut.

J’aurai préféré ta présence,
La discussion ou d’autres jeux –
Mais qui de nous fait ce qu’il veut ? –
Je m’arrangerai du silence.

                ***


Je n’ai pas autant de talent
Que vous voulez bien me le dire
Mais l’expérience seulement
De trente ans passés à écrire.

Je connais bien ces instruments
Et tous les effets qu’on en tire,
Rien de plus que cela vraiment
Et rien qui vaille qu’on l’admire.

J’attache bien plus de valeur
A des plaisirs d’autre nature,
Mais ceux-ci ne sont pas du cœur
Ni du pouvoir, je vous l’assure.

Il me suffit d’un oreiller
Pour me mettre d’humeur joyeuse,
Bon instrument pour oublier,
S’il est fait de plumes moelleuses.

                ***


Mille.

Mille couleurs, mille coutumes
Et mille peurs, mille amertumes,
Mais pour mille mots un silence,
Une mort et une existence.
Mille tourments pour quel bonheur
Mille sentiments pour un cœur,
Et mille espoirs et mille rêves,
Mille océans mais une grève
Où meurt l’instant avec le vent
En mille embruns certainement.

                ***


Rondel-Triolet.

J’écris ce soir, sur ma page, un « sans toi »
Qui me désole et pour demain j’espère.

Car tu viendras ou du moins je le crois,
J’écris ce soir, sur ma page, un « sans toi ».

Aucun chemin de l’amour ne va droit,
Aucun n’est sûr, certains sont mortifères ;
J’écris ce soir, sur ma page, un « sans toi »
Qui me désole et pour demain j’espère.

                ***



Je vous écoute sans vous voir,
C’est votre portrait que je trace
Des mêmes mots aux mêmes soirs,
Je vous écoute sans vous voir.

Après tout que puis-je savoir ?
A l’heure où tant d’autres s’enlacent
Je vous écoute sans vous voir,
C’est votre portrait que je trace.

                ***



Tout en nous promenant au bord de la rivière,
Que n’avons-nous pas dit, que n’avons-nous pas fait ?
Ce qu’à tous les amants en général il plaît
De faire ou bien de dire et de mille manières.

Ici c’est un baiser, là c’est une prière,
C’est peut-être un peu plus, après tout qui le sait ?
C’est conjuguer « aimer » à ce plus que parfait
Qu’ignore la grammaire et que l’amour conquière.

Au bord de la rivière, au bord de la forêt,
Tout le long du chemin ce sont tous les couplets
Du bonheur partagé que l’insouciance entraîne,

Et c’est au fond du cœur, c’est au fond du regard,
Cette tendresse enfin paisible et souveraine
Où la terre et le ciel chacun ont une part.

                ***


Le Lapin aux Pruneaux.

L’amour c’est bien et c’est très beau,
Étonnant, parfois remarquable…
Laissons le lit devant la table,
Parlons du lapin aux pruneaux !

Un mot me vient, c’est : « délectable »,
« Somptueux » ne serait pas faux
Et « merveilleux » très acceptable ;
Mon bonheur est dans tes fourneaux.

                ***



Plus rien à dire ou à chanter
Mais le silence avec l’attente,
Le courant qu’il faut remonter
Et cette progression si lente…

Tu vois, rien ne sert de gloser,
Ce sont là mes seules richesses,
Tout ce que j’ai à proposer,
Bien peu pour combler nos tristesses.

                ***


Des mots sans suite ni valeur,
Des mots qui n’ont ni queue, ni tête,
Un éclat de rire et trois pleurs
Sur une feuille toujours prête…
Et tous ces mots parlent de toi,
De toi ma Douce et mon Amère
Mieux que les mots d’une prière,
D’un hymne d’amour ou de foi.

                ***



Tu ne sais sur quel pied je danse,
L’un ou l’autre quelle importance ?
Tu doutes en parlant d’amour :
J’aimais hier, j’aime toujours.

Mais ces vers font piètre figure,
Ni mot, ni geste ne rassurent,
Tu ne vois que ce que tu crains
Et ton pire est toujours certain.

                ***


Courez mes jours, courez,
Du foyer à l’errance ;
Où donc ai-je égaré
Le rêve et l’ignorance ?
Courez mes jours, courez !

Chacun fait la grimace
Ou bien me rit au nez
Avant de fuir la place
Et de m’abandonner ;
Chacun fait la grimace
Et vous me souriez.

                ***


Si nous nous retrouvons tous deux
Que me restera-t-il à dire,
Voire à rimer ? Je crains le pire,
Le terme au bout d’un si long jeu.

Au fil de leurs péripéties,
Et pour ne point les oublier,
Combien n’ai-je pas détaillé
Nos amours en leur fantaisie,

Jours sombres ou jours de gaieté,
Aux grands hasards de l’existence ;
Je crains maintenant le silence
Comme un hiver après l’été.

                ***



Quelques pages et mon crayon
Telle est ma seule compagnie
A défaut de la vôtre au fond
Dont mon âme eût été ravie.

Les mots sont de vieux compagnons
Mais j’en perds peu à peu l’envie
Au point de trouver le temps long
Quand vous me laissez seul, ma mie.

                ***



Que me donneras-tu demain,
Puis-je l’entendre et toi le dire ?
Tes mots, ton parfum, ton sourire
Et ton amour jusqu’à la fin ?

Que me donneras-tu demain,
Avec ton désir, tes caresses,
Un bonheur qui n’aura de cesse,
Des jours qui ne seront plus vains

Puisqu’ils seront ornés de rires,
D’amusement et de tendresse,
Et s’il me faut enfin l’écrire
Puisque cette question m’oppresse
Que me donneras-tu demain ?
En fait rien d’autre que ta main.

                ***


Nous voici devant Vous, Dieu de concorde,
Dieu d’amour et d’espoir, Maître de tout,
Nous Vous le demandons, bénissez-nous ;
Le vent se tait et le navire aborde
Où Vous avez voulu qu’il trouve un port,
N’oubliez pas, Seigneur son équipage
Car sans Votre aide en ce rude passage,
Sans Votre amour, que vaudrait son effort ?

                ***



Deux pour aller un peu plus loin
Sur une route encore obscure
Vers l’horizon où l’aube point
Notre espérance nous assure
Que notre heure à son tour viendra
Que nos midis seront de gloire
Si nos matins étaient ingrats
Et que nous en ferons mémoire.

                ***



Lambeaux de vers, fragments de stance
Me trottent souvent par l’esprit,
Divers au gré des circonstances,
Et pour certains jamais écrits.

Refrains ou rimes de brocante,
Mont de piété des expressions
Pour une mémoire inconstante
A la merci d’une impression

Mais dont il durera j’espère
Au moins ce que j’écris pour vous
Dont le moindre mot est sincère
Et dont le moindre espoir est fou.

                ***


Premier Noël dans une autre maison
Grise sous le ciel gris, froide saison,
Froide à mon cœur, froide à mon espérance,
Terre d’attente aux sentiers de l’errance 
Aux mois d’hiver, où le jour dure peu.
Est-il encore une occasion de jeu ?
La même fête, oui, dont le lieu change,
Nous la vivrons, mais la vie est étrange.

                ***




A ce nouvel an qui commence,
A ceux qui se sont écoulés,
Sais-tu, Sirène, à quoi je pense ?
Le cœur a ses jours désolés,
Ses jours de tristesse et d’absence,
Mais « naguère » n’est pas « toujours,
Demain est une autre existence,
Aussi sourions, mon amour,
A cet an qui fuit en silence
Et peut-être un peu le cœur lourd
Des hasards de nos existences
Et puis sourions sans détour
A ce nouvel an qui commence.

                ***



Je me demande bien pourquoi
Des mots de reproche se logent
Où j’avais désiré pour toi
Ceux de l’amour et de l’éloge.

Ces différends sans importance
Pourquoi faudrait-il s’en fâcher ?
Avons-nous donc en abondance
Des jours pour ainsi les gâcher ?

                ***


Dehors s’étend la nuit de glace,
La chaleur garde la maison
Où chaque chose est à sa place,
Où je t’observe sans raison
Dans le calme de ce silence
Pour le plaisir de contempler
Encore ton image où danse
Ce bonheur que l’on m’a volé.
J’allumerai mon espérance
A cette flamme, si tu veux
Courageuse dans ta confiance
M’aider encore un petit peu.

                ***


A la fin d’un Automne gris,
Dans une ville d’Allemagne,
Je vous ai prise pour compagne ;
A la fin d’un Automne gris.

Je ne sais si bien m’en a pris,
Ce soir où le doute me gagne
Je fais défiler en esprit
Mes jours de bonheur et de bagne ;
A la fin d’un Automne gris
Je vous ai prise pour compagne :
Je ne sais si bien m’en a pris.

                ***


Vérone et l’ombre des Amants
Me parlent encor maintenant
Et Padoue l’universitaire,
Créneaux et tours dans l’aube claire,
Dôme d’or d’un ciel en beauté,
Brique rouge, horizons bleutés,
Ombre et lumière des ruelles
Où pavés et frontons appellent
Peintres, sculpteurs ou bien rufians,
Bourgeois, servantes, étudiants
Et vous aussi, dames altières
Podestats ou bien condottières…

                ***



J’ai connu Venise en amant
Et je l’ai connue solitaire
Puis séparé, la belle affaire,
Sans jamais m’en lasser pourtant !

Anciens comme nouveaux soucis
Fuyez le séjour de Venise
Vous n’avez rien à faire ici
Où je vais rêver à ma guise,

Rêver au bras de mon amour,
Au bras de mon amour unique,
La seule passion magnifique
De ce qu’il me reste de jours !

                ***



Je voudrais te parler Venise,
Mais les mots ne s’assemblent plus
Qui pour d’autres, je crois, devisent ;
Hélas mes rêves se sont tus.

C’est pourtant la même lumière
Au fronton des palais hautains,
Même gloire et même poussière
Qu’aujourd’hui je regarde en vain.

                ***


L’odeur de l’eau de la lagune
Et les couleurs de Murano
Devraient m’importer moins chacune
Que le plaisir d’un de tes mots.

C’est là ce que je voudrais croire
Mais sans y parvenir vraiment,
Mon cœur est lourd de notre histoire,
Je t’écris ce que je ressens.

                ***



Quand je t’ai découverte, à mon premier voyage,
Quel bonheur étonné, quel émerveillement,
Je t’aimais à jamais dès mon premier passage
Toi qui m’apparaissais belle éternellement.

Je voulais que pour toi les rimes qui me grisent
S’agencent sans effort et composent sans fin
Un portrait étonnant en des stances exquises
Qui te rendent justice au-delà du destin.

Parti, j’ai soupiré pendant des nuits entières
Au souvenir puissant de tes attraits perdus,
Combien j’ai regretté la divine lumière
Qui baigne tes palais orgueilleux et déchus.

Oui, je me suis langui du ressac où s’irise,
Entre les quais de marbre, à longueur de canaux,
L’immémoriale gloire où s’alanguit Venise
Que la lagune berce au rythme de ses eaux.

Puis je suis revenu vers toi, l’inoubliable,
J’ai voulu te revoir, moi le dépossédé,
Ta puissance demeure et je suis misérable,
Descendant pas à pas où rien ne peut m’aider.

                ***






La dame d’Italie
N’existe qu’en mon cœur,
Mon rêve et mon envie ;
La Dame d’Italie.

Vous eussiez pu, ma mie,
Lui voler la primeur :
La Dame d’Italie
N’existe qu’en mon cœur.

                ***


Vous souvenez-vous de Venise
ET de l’Assomption du Titien
Qui d’un mouvement aérien
S’élève du chœur de l’église ?

Vous souvenez-vous des canaux
Obscurs où la lune scintille
Et de ces quais déserts où brillent
De loin en loin, quelques fanaux ?

Dans le dédale des ruelles,
Vous souvenez-vous qu’un midi,
Auprès d’un pont, je vous ai dit
A quel point je vous trouvais belle ?

Et sur l’île de Torcello
Que baigne la mélancolie
Vous souvenez-vous ma chérie
De tant d’amour à demi-mots ?

                ***



Venant avec la mer, il souffle un vent sauvage
Qui soulève le sable et dessous le ciel bleu
Flamboyant de soleil, force à cligner des yeux ;
Un vent impétueux qui balaye la plage

Puissant comme l’amour et peut-être aussi sage
Puisqu’il chante avec nous le bonheur d’être deux,
De marcher côte à côte, ivres peut-être un peu
De tant de liberté cette fois en partage.

Et dans le vent salé, Saint Anne la Palud,
Marchant main dans la main, nous Vous prions émus
De nous faire durer ce beau moment de rêve,

De nous le prolonger autant que notre amour,
Que malgré nos soucis et par delà la grève,
Et par delà le temps, nous le vivions toujours.

                ***



Octobre et ses roses fanées,
La ville et ses trottoirs pluvieux,
C’est déjà la troisième année…
Octobre et ses roses fanées.

Quelle image s’est dessinée
De retrouvailles en adieux ?
Octobre et ses roses fanées,
La ville et ses trottoirs pluvieux.

                ***



Qu’il est plaisant de ne rien faire
Et de dormir l’après-midi ;
A cela nul ne contredit
On peut ajouter : « au contraire ».

Le plus paresseux m’applaudit
Mais il ferait mieux de se taire
Et c’est à tort qu’il s’enhardit
Lorsque ce n’est pas nécessaire :
Plutôt que de me hurler « oui ! »
Qu’il vaque donc à ses affaires 

Car sur la scène de ce lit
Où nous dormons en partenaires
Dans ce tranquille après-midi
Que nous importe le parterre !

           ***



Je t’aimais hier et je t’aime toujours,
Tel que je fus, tel encor je demeure
Et tous ces vers qui t’auront fait la cour
Comptent pour peu puisqu’il faudra qu’ils meurent
Sans doute un jour ; mais non pas mon amour.

Bien des amants me liront le cœur lourd
En découvrant que les mots sont un leurre ;
Savent-ils bien que le destin est sourd ?
Un temps viendra, sans doute, pour qu’ils pleurent,
Ils s’en iront, mais pas nous mon Amour.
Tel que je fus, tel encor je demeure,
Je t’aimais hier et je t’aime toujours.

                ***



Si ce n’est vous,
Je n’ai pas beaucoup d’autres joies
Et je n’en cherche pas vraiment ;
Chacun sa voie, chacun son goût,
Je n’ai pas de raisons d’être content, si ce n’est vous.

Il n’est de bonheur en ce monde
Si ce n’est vous,
Comme il n’est de tristesse aussi
Qui lui réponde,
Comme le sourire au souci,
Si ce n’est vous.

Un an, deux ans, vingt ans demain
Et plus encor si ce n’est fou,
A qui voulez-vous que j’engage
L’anneau que je porte à ma main
Si ce n’est vous ?

                ***



Dans ce long dimanche d’hiver
Je vais te raconter l’histoire
De celle à qui je fis ces vers ;
Dans ce long dimanche d’hiver.

On l’appelait… ? Ma foi je perds
Avec l’âge un peu la mémoire :
« Sirène » et ce qui est amer
C’est que nul ne veut plus me croire.

Je sais bien, moi, que nos amours
Furent belles sinon sereines,
Elles durent d’ailleurs toujours,
Tu ne l’ignores pas, Sirène.

S’il te plaît ne prend pas cet air,
D’où te vient cette jalousie
Alors que je déroule en vers
Ta propre histoire et notre vie
Dans ce long dimanche d’hiver.

                ***


Je chante ce que je compose
Et les mots me sont familiers
Comme peut l’être au jardinier
Chacun de ses buissons de roses.

C’est un très vieil amusement,
C’est un plaisir, une manie,
Plus qu’un besoin, mieux qu’une envie
Que je poursuis depuis longtemps.

Ce n’est que pour toi que je cesse
Comme aussi pour toi bien souvent,
Quand tant et tant de mots s’empressent,
Que pour te chanter je reprends.

                ***



Épilogue.

Avec le titre de cette œuvre
En quel lieu s’étonnera-t-on
Que l’amour malgré ses manœuvres
Y finisse en queue de poisson ?

                ***





Strasbourg en Automne.





De brume, d'eau, de feuilles mortes,
L'Automne s'en vient à pas lents,
Avec ce refrain que j'emporte,
De brume, d'eau, de feuilles mortes.







Il est des jours de toutes sortes
Voici ceux de pluie et de vent,
De brume, d'eau, de feuilles mortes;
L'Automne s'en vient à pas lents.




mardi 12 octobre 2010

Plus un mot.



                                             L'Automne avertit du silence,
                                             L'Hiver ne dira plus un mot:
                                             Le givre, la neige et l'absence.
                                             L'Automne avertit du silence.

                                             Aucun refrain n'y recommence,
                                             Qu'il soit paillard ou bien dévôt:
                                             L'Automne avertit du silence,
                                             L'Hiver ne dira plus un mot.




vendredi 8 octobre 2010

Au coeur de l'Hiver.


  Le long du quai des rêveries,
Au cœur de l'Hiver enneigé,
 Une ombre vague me sourie,
 Le long du quai des rêveries.

     Est-ce vous que j'ai tant chérie
      Mais qui pourrais-je interroger
  Le long du quai des rêveries,
Au cœur de l'hiver enneigé ?

***

mardi 5 octobre 2010

La Pièce Claire.






La Pièce Claire.














Avertissement.
Lorsque les textes sont écrits en vers « néoclassiques » les règles habituelles de lecture (l’e muet, élisions etc...) s'appliquent. Dans le cas contraire le choix est indiqué par () pour une élision et __ pour une prononciation.











Au Jardin.

























Premier Pas.

Ces rivières, et d’un,
Et de deux, ces chemins
S’en vont où bon leur semble
Et ceux qui leur ressemblent
Le trouvent opportun.

Les suivrez-vous aussi,
Comme on va en pèlerinage,
Comme on visite ses amis,
Comme on tourne la page
Et comme je l’écris ?                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  
                                                                                                             

                ***















Fantaisie.


Pour un iris et un jardin,
Un souvenir et un parfum,
Ou une aurore qui m’appelle
Et pour moins qu’une bagatelle,
Pour une enfance, une maison,
Un fleuve autant qu’une saison,
Pour un tilleul, une colline,
Pour les lointains que je devine,
Pour un sentier, pour un étang,
Et pour l’automne au bord du champ,
Pour le terme et pour les prémices,
Pour le regret, pour les délices,
Pour l’heure enfin, le mois et l’an,
Pour mille vers, un seul instant,
Pour ce que fut toujours ma vie,
Ce texte et  cette fantaisie.


                ***














Regrets de Loire.

Je pense à toi mon beau fleuve de Loire
Comme l’on pense à ce qu’on a perdu,
De l’avenir auquel je ne puis croire
Je ne peux espérer et n’attends plus.

Je n’aurai pas, à ma grande tristesse,
Retrouvé près de toi ce vieux jardin
Qu’ayant connu, mon cœur n’avait de cesse,
Où que ce fût, de retrouver enfin.

Souvent ici j’évoquais des images
Où se mêlaient rêves et souvenirs ;
C’est un retour après tant de passages
Que je voyais enfin nous réunir,

Mais ce retour le long de tes rivages
Ne viendra pas ; je n’irai pas demain
M’y promenant, chanter ces paysages
Que j’aurai donc aimés toujours en vain.

                ***













Crépuscule.


Dans la chaleur du crépuscule
Monte le parfum lourd des fleurs,
En un vaste conciliabule
Des plus étonnantes senteurs.

Le plus petit jardin s’enfièvre
D’une douceur bien à propos
Dont les rosiers du bout des lèvres
S’entretiennent à demi-mots.

Ainsi jusqu’à la nuit obscure
S’enlacent d’incessants couplets.
Mille rumeurs, mille murmures
De gazons tondus à bosquets

Avant que n’éclate un orage
Dont la force vient tout brouiller,
Faisant naître dans son sillage
La fraîche odeur du sol mouillé.   


                ***














Un vieux mur au soleil,
Un arbre familier,
Quelque chose dans l’air
Qu’on ne peut oublier
De plus doux que le miel,
Quelque chose de clair
Et de si familier
Et de si rassurant
Et de si désiré
Et de simple pourtant
Qu’on ne peut comparer
A rien de ce qu’on a.
Un demi souvenir
Une presque promesse
Qu’on voudrait retenir
Mais qui naît et se presse,
Et puis soudain s’en va,
Pour renaître sans cesse
À chaque nouveau pas.
C’est un parfum de fleurs
Ou celui d’un fruit mûr,
La pluie et son odeur
Dans une rue l’été
Une foule de gens,
Un éclair de vermeil
Un reflet vif-argent
Quelques mots racontés,
Un vieux mur au soleil,
Un arbre familier…

                ***










Je chante les jardins en fleurs,
Les hannetons et les brindilles,
Le soleil toujours quand il brille ;
Je suis un poète mineur.

Je suis un mauvais politique,
Amoureux mais non passionné,
Amateur dilettante né,
Socialement fort pacifique.

J'étais, je suis un touche-à-tout
Et qui se moque assez du reste
De l'engelure ou de la peste,
Des diamants autant que des choux.

Tout cela fait un personnage
Dont on jugera j'en ai peur
Qu'il n'a pas beaucoup de valeur,
Léger au point d'être volage ;
Je suis un poète mineur.

                               ***
























Il n'y a plus dans le jardin
De persil ou de romarin
Pas plus que de rose fleurie
Mais de la ronce et de l'ortie.

Pas de merle ou de rossignol
Mais des corneilles dont le vol
Vient endeuiller les branches mortes
Où les plus beaux printemps avortent.

Le jardinier est un bouffon,
Son jardin est à l'abandon.
Excusez-le puisqu'il avoue
Que tout ce qu’il essaie échoue.

Excusez ce pauvre artisan
Dévoué quoiqu'insuffisant,
S'il vécut beaucoup de paroles,
Il le sait bien et s'en désole.

                               ***

























Je me suis assis au soleil
En attendant qu'un jour se passe
Et le silence pour conseil,
Un moment de paix et d'espace,

Mais rien d'autre qu'espérez-vous ?
Cela suffit comme richesse
A vous  le reste, à moi le tout,
Qu'en vain vous poursuivez sans cesse.

Je dors, ou du moins on le croit,
Les yeux mi-clos dans la lumière ;
N'ai-je pas souri de mon choix
Le dos au chaud contre la pierre ?


                               ***





























À Cendrillon.

Il n'est pas, en vers, bien classique
De discuter d'un potiron ;
Qu'en dire qui paraisse unique ?
Que c'est un beau légume rond ?
Certes non, la chose est banale.
Que son orange flamboyant
Rend son apparence joviale ?
Est-ce vraiment enthousiasmant ?
Du tout, et ces vers sont atroces
Aussi vous dis-je pour finir :
Trouvez-moi un autre carrosse
Dont on parvienne à se servir
Pour en faire avec quelque usage
Un tour de main et peu d'efforts
Un aussi délicieux potage
Et puis dites-moi si j'ai tort.

***


























Sur le chemin où dorment les platanes,
Venez encore et marchons d'un bon pas,
Parlons un peu du temps qui nous condamne,
Sur le chemin où dorment les platanes.

La nuit sourit aux rêves qui se fanent
Que direz-vous à qui trop vous aima ?
Sur le chemin où dorment les platanes,
Venez et marchons d'un bon pas.


                ***

































Les feuilles vont mourir
Dans le jardin humide
Où les flaques sans rides
Ne cessent de grandir.
Et les marronniers d'or
À chaque aube nouvelle
Échancrent la dentelle
Qui cache leur tronc mort.

***
























Sur un rosier chargé de fleurs
Chaque rose dit l’espérance
Et chaque épine la douleur ;
Sur un rosier chargé de fleurs.

Si ce n’est ici, c’est ailleurs
Et toujours au gré de la chance,
Sur un rosier chargé de fleurs,
Chaque rose dit l’espérance.

                ***






















Dans la douceur du crépuscule
Que berce l’odeur des lilas
L’ombre d’un amour déambule
Qui sur le mien règle son pas.

La voûte du ciel est turquoise
Au bord lointain de mon jardin
Où la lune fera narquoise
Poindre son disque d’argent fin.

La fraîcheur monte de l’allée
Qui suit la courbe du gazon
Au rythme lent d’une soirée
Dessous d’obscures frondaisons,

Je vais la longue promenade
D’une ombre avec un souvenir
Au jardin de mes escapades
Où la glycine aime à fleurir.


                ***
























Il suffirait d’un seul pétale
De l’ombre même d’un parfum,
Certes demain dans l’aube pâle
Il suffirait d’un seul pétale.

Pour remonter l’eau qui dévale,
Pour retrouver le temps défunt,
Il suffirait d’un seul pétale
De l’ombre même d’un parfum,


                ***






























Voici les couleurs qui flamboient
Dans la lumière du matin
Sur le vaste manteau des bois,
Même début et même fin ;
Gloire à l’Automne qui revient.

Voici le sentier qui chemine
Si timidement sinueux
De la rivière à la colline,
Le sentier si simple et si vieux
Où marchaient autrefois les dieux.

Voici qu’il est question de plaines
Et qu’il est question d’horizon
Mais toutes les questions sont vaines
Ainsi que toutes les raisons,
Toujours et de toutes façons.

                ***





























Il y avait les pêches blanches
Et le carré des groseilliers,
L’été en ses plus beaux dimanches ;
Il y avait les pêches blanches.

Il n’y a plus de feuille aux branches
Ni de cœur à qui le confier ;
Il y avait les pêches blanches
Et le carré des groseilliers.

                ***





























La nuit règne un calme absolu,
C’est une toute autre existence,
Dans un univers inconnu,
D’isolement et de silence.
Au beau milieu des chênes verts
Qui couvrent toute la colline
Obscure où mon regard se perd,
Le Sagittaire se devine
Juste au-dessus de l’horizon.
Tout le ciel scintille d’étoiles
Dont l’éclat demeure sans nom,
Dans cet infini qui dévoile
Aux jours curieux qui sont les miens
L’ébauche enfin d’une réponse,
Un songe, un mot que je retiens
Pour l’espérance qu’il annonce.

                ***


















D’Avril en Mai.























J'en avais déjà trente-huit
Il ne m'en fallait plus que quatre,
Pas de quoi se laisser abattre
Lorsque l'on a jusqu'à minuit.
J'ouvris l'armoire aux vieux papiers,
Vieux souvenirs presque oubliés,
Ecrits, paroles narcissiques ;
Plus de poussière et de débris,
De documents, de vieilles pages,
Que de chansons ou que d'images.
On ne pouvait guère en tirer,
Et c'était là toute ma vie ;
Je ne pouvais pas en pleurer,
Il a fallu que j'en sourie.

***




















Aux premiers jours du beau printemps,
Assise auprès de la rivière
Sur les marches de vieilles pierres,
Vous dessiniez, j'allais chantant.

J'allais chantant cette façade
Que vous fixiez dans un dessin,
Et le soleil longtemps éteint
Partout ruisselait en cascade.

***





















N'en déplais(e) à la République
Ou n'en déplais(e) au Roi,
Mon langage est à moi.
Je me fous du tiers et du quart,
Des clés de sol, des harmoniques,
De la monnaie, de l'or en brique,
De tout autant et même en vrac,
D'Arsène le voleur en frac
Et même des ratons laveurs,
J'ajout(e) en plus et tout à trac,
Des paillassons et des noceurs,
Mais pour la langue c'est ma part,
C'est mon métier et c'est mon choix,
N'en déplais(e) à la République
Ou n'en déplais(e) au Roi
Et malheur à qui le critique.

***                                                                                                     
















De misérable à miséreux
Une syllabe, un univers
Mais il suffit d'un seul hiver
D'un seul hiver et c'est bien peu.

Il suffit d'un peu de malchance,
Il suffit d'un choix de travers,
D'avoir trop souvent fait confiance,
Quelquefois d'un simple revers,

D'une première calomnie
Ou d'une dernière injustice,
De votre droit qu'on vous dénie,
D'un mal dont on vous fait complice.

Sur une route malheureuse
UN seul faux pas vous met à terre :
De misérable à miséreux
Une syllabe, un univers.


***

















Ils sont tous là, autant qu'ils doivent être,
Fantômes du passé, fantômes du présent, fantômes du peut-être,
Au lourd déclin des jours
Qu'ils firent chacun d'eux-au nom de quel amour ?-
Plus sombres qu'il ne faut et plus mélancoliques.
Que cherchez vous aux rives édéniques
Ombres de la lumière,
Trublions d'autrefois ?

L'aurore naît altière,
Minuit n'a pas le choix.

***



















Allemagne 1930.
Les toiles de ce temps
Ont des couleurs sauvages,
Il s'y peint des visages,
Hâves et indigents,
Et d'affreux invalides,
Rasent des murs lépreux,
Et des putains sans feu
Passent le regard vide.

La ville dans la nuit
Est une sombre fresque
Peuplée d'ombres grotesques,
De lueurs et de bruit.
Un pâle enfant mendie
Devant un cabaret,
À travers les volets
Une musique aigrie,
Un brouhaha de voix
Et des bruits de vaisselle,
Que la faim est rebelle
Et qu’octobre est donc froid.

***












J'attends un rayon de soleil
Mais à venir celui-ci tarde ;
La nuit aux lumières blafardes,
L'espoir qui me tient en éveil
Me font penser à mille choses,
Mille plaisirs auxquels je crois
Que je pourrais toucher du doigt ;
Crainte de m'éveiller je n'ose.
Et les heures se moquent bien
Du refrain de mes litanies,
Balbutiements, monotonie,
Rimes de peu, strophes de rien,
C'est tout et que pourrait-on dire
D'autre de la banalité ?
Attendre par nécessité ?
C'est vrai, mais attendre est le pire.

***



















C'est toujours un essai,
Celui-ci sans façon,
Sans substance et sans fond,
Il faut, chacun le sait,
Fair(e) quelquefois semblant.
Semblant d'être sérieux,
Semblant d'être volage,
Ou semblant d'être pieux,
Semblant d'être content,
Et parfois d'être sage.

***



















Ce me serait un grand plaisir
Qu'un simple sentier de campagne
Pour librement le parcourir
Et l'insouciance pour compagne.

Ce me serait un grand bonheur
Qu'une course un peu vagabonde
Au rythme de ma propre humeur
Et des quatre saisons du monde.

Mais il faut franchir tant de murs,
Mais il  faut briser tant de chaînes,
Lutte acharnée où rien n’est sûr
Que ce besoin qui vous entraîne,

La connaissance d'un instant
Et la force d'une parole
Qu'il faut retrouver maintenant
De peur que le temps ne s'envole.

***















Un jour de plus, un jour de moins
Et c'est toujours la même histoire
À laquelle on ne veut pas croire :
Le terme n'est plus aussi loin.

Que ce soit en vers ou en prose,
Nul n'écrit dans l'éternité,
Les mots et les vers sont comptés
Comme d'ailleurs toutes les choses.

Oui, ce sont des banalités
Dont nos espoirs n'ont rien à faire
Et qui ne peuvent que déplaire,
Qui donc voudrait  les écouter ?

Je me les répète à moi-même
Quand le malheur courbe mon dos
Mais je les oublie aussitôt
Le jour où finit le carême.

***
















La Cascade.

Franges de cristal aux éclats de diamants, transparences bondissant(es) et perles de lumièr(e) aux arêtes des rochers, l'eau fuit et caracol(e) et la cascade gronde.

Des renoncules d'or poussent tout près des riv(es), sur fond de mousses vert(es) à l'éclat si profond qu'il paraît irradier.

Sous le ciel lumineux, entre les arbr(es) où les feuilles s'annonc(ent), s'enfuit et s'entremê(le) un écheveau d'argent dont le cours étincelle.

***















Dans ce fauteuil chaque matin
J'écris comme l'on fait ses gammes
De tout, de rien, de mon destin ;
C'est ce que ce métier réclame,
Car je ne suis qu'un artisan.
J'use des mots et des tournures
En exprimant et composant,
Comme des couleurs en peinture,
Ou comme fait un jardinier,
Quand il décide ses boutures,
Comme ferait un serrurier
Des rouages de ses serrures
Et je pourrais poursuivre ainsi,
Mais vous avez compris la chose ;
On ne trouve pas d'art ici
Seulement l'effort qui s'impose.
Heureux, je suis ce que je suis,
Sans en tirer la moindre gloire,
Hier ne valait pas aujourd'hui
N'en déplaise à votre mémoire.

                               ***














J'ai bien compris que tout s'achète
Y compris les moments de paix
Quant à n'en faire qu'à sa tête,
Le prix est tel que je me tais.

L'or a toujours fait le bonheur
En plus d'ailleurs de tout le reste,
Vous avez dit : « blasphémateur » ?
Les vérités sont indigestes...

Cessez d'apprendre à ces enfants
Non le monde, mais vos chimères,
Les règles d'un code étouffant
Et ses applications amères.

Rien n'est gratuit, rien n'est de droit
Et chacun n'a qu'une existence,
L'unique paix qu'on y reçoit
C'est notre mort en l'occurrence.

                               ***
















J'ai chanté ce foutu printemps
Et comment et combien
Du temps que j'avais les moyens,
Du temps que j'y croyais vraiment !
Ah, parlez-moi des papillons
Et des fleurettes,
Spécialement les pâquerettes,
N'oubliez pas les oisillons,
Les canetons et les canettes,
Les trottins et les trottinettes,
Ni les poètes ces couillons,
Qui ferait d'une vinaigrette
Un cru plus grand que l'ambroisie
Qu'ils n'ont jamais bue de leur vie.

                               ***

























D’un amour en Avril j’ai fait,
Ce n’était pas chose facile,
Le plus beau des amours de Mai,
Par après tout fut inutile
Et de l’amour la belle fleur
Fana, c’est une étrange chose,
Ce mois où les autres éclosent
En bouquets de mille couleurs.
On dit ma route originale
Mais je ne vis qu’à contretemps
Et crois que des heures banales
Me décevraient bien moins souvent.

                ***





















Cette colère qui me tient
C'est elle qui fait que j'avance,
Elle vaut mieux que l'espérance
Dans les malheurs qui sont les miens.

Il faut pour vivre de l'adresse,
Pour s'enrichir beaucoup de soin,
J'en avais peu, je n’en ai point
Mais soyez sûrs que je progresse.

Croyez que j'y mets de l'ardeur,
Que ma fureur est efficace
Je saurai me faire une place
En dépit de ces malfaiteurs,

Leurs mensonges feront ma force,
Leur honte fera mon bonheur
La volonté sera mon cœur
Et l'innocence mon écorce.
               
                ***
















Qui donc aime encore à parler ?
Souvent, je me tais et j'écoute
Mais cela ne fait aucun doute
Ce grand art s'est presque envolé.

On n’entend que, c'est bien dommage,
Propos grossiers ou sentencieux,
Mots ignorants ou orgueilleux,
Discours sommaire ou davantage.

Parler n'est pas que s'exprimer,
C'est aussi conduire une phrase,
Dans une harmonie sans emphase,
Douter avant que d'affirmer,

Nier mais avec élégance,
Prouver avec  sérénité,
C'est enfin savoir accepter
Quelquefois son insuffisance.

                               ***                                                      














La Lune était très belle
Sur la mer hier au soir
Où les ombres cisèlent
Des fragments de miroirs,

Et dans l'écume blanche
Au fil du vent marin
Où les rêves étanchent
Leurs espoirs sibyllins,

La Lune était très belle
Aux poussières d'embruns
Sur l'étrange dentelle
De ses rythmes défunts.

                               ***

















Pour tout horizon quotidien
Quelques trottoirs, deux ou trois places,
Cela ne fait que peu d'espace
Et ce peu là ne me vaut rien.

Des lointains habitent mes rêves :
La plaine à perte de regard,
L'âpre désert des montagnards,
L'océan bruissant et la grève.

Mais entre mes deux croisements
Je ne vois que quelques boutiques
Sous un coin de ciel ironique,
La ville banale et les gens.

Rêves d'azur ou de tempêtes,
Tout cela n'a pas cours ici
Je vis d'instants et de soucis
Et du quotidien qui s'entête.
                              
***
















Le calme avec les souvenirs :
Souvent la mémoire m'ennuie,
Sauf peut-être les jours de pluie ;
À quoi sert-il de retenir ?

Est-il un bonheur qui revienne ?
Tient-on beaucoup à conserver
L'écho d'une douleur ancienne ?
Hier n'est pas propice à rêver.

Faut-il toujours que l'on compare
Avec ce que l'on a connu ?
Non, c'est ainsi que l'on s'égare
Au vain profit de ce qui fut,

Et qu'au lieu d'une joie entière
On n’a qu'un plaisir affadi :
Notre conscience est bien trop fière
De ce que le passé lui dit.

                               ***















Inquiet toujours à tous les vents
Mais poursuivant quoi qu'il en coûte,
Car on se doute
Qu'aller me demeure un tourment
Lorsque mon désir le compare
À la fin de ce mouvement
Aux lieux où mon désir s'égare,
Et s'arrête content.

                               ***




















Le Soldat.

C'est toujours le même regard
Brillant d'audace et de jeunesse,
Entre l'enfant et le soudard
Et peut-être un rien de noblesse.
Le visage d'un inconnu
Que le temps rend énigmatique
À force d'être et n'être plus.
Image ou reflet ironique
Que Dürer vient de dessiner
Au plus beau moment de son âge
Et que je contemple étonné,
Après cinq siècles de passage,
Dans une aussi vive expression
Aux traits inchangés de la plume
Qu'au tout premier coup de crayon
De l'esquisse  que j'en présume.

                               ***
















Des noms défilent un à un
Et plus que ces noms des images
De bourgs, de champs et de villages,
Mémoire, oubli, plaisirs défunts,
Des villes et des paysages
Des jours depuis longtemps quittés,
Un grand soleil de liberté,
Quelquefois l'ombre d'un nuage,
Fragments de bonheur incomplet,
Et tant de merveilleux voyages
Qu'au fil des mots, qu'au fil des pages
J'évoque encore avec regret.
Tout refrain n'est que de passage,
Que l'aîné l'apprenne au cadet :
Comme à la chanson, ses couplets
Ainsi se succèdent les âges.

                               ***

















Une maison et un jardin,
Des oiseaux, des fleurs prolifiques,
Un grand amour pour seul destin,
Le rêve des vrais romantiques,

Le tout bien exprimé, bravo,
En vers un peu macaroniques
Par l'excellent Monsieur Hugo
Comment en oser la critique ?

Un jardin veut beaucoup d'efforts
Et de l'argent, comme la vie,
Pour une femme plus encor,
Pardon, Mesdames, je m'oublie.

Simple rêve de collégien,
Hugo, poète, était plus sage
Qui compta je ne sais combien
De toits et d'amours de passage.                       

                               ***














Que voulez-vous me dire encore
Que je ne sache pas déjà ?
Il ne s'en faut que d'un seul pas
Je me retrouverai dehors,
Car voyez-vous le monde et moi
Nous ne nous aimons guère ;
Nous n'avons pas les mêmes lois
Si nous faisons la même guerre.
Ne parlez pas, n’ajoutez rien,
La coupe est plus que pleine,
La bêtise qui vous convient
Je vous l’abandonne pour reine.
Et soyez pleinement heureux,
Repus d’une grasse paresse
Et de renoncements peureux,
Soyez heureux car le temps presse.                                                    

***
















Du matin jusqu'au soir il pleut
Dans la tristesse sans lumière
De ce printemps des plus miteux
Aux heures grises de misère.

Dans les matins fuligineux
Ou les chemins parlent d'ornières
On voit mars s'enfuir en boiteux
Et le gel ricaner derrière.

Ce sont des dimanches grincheux
Où le temps comme une rivière
Qui traîne ses limons boueux
Tarde et sinue à sa manière.

De jours borgnes en jours cagneux
C'est le printemps des fondrières,
Des basses-fosses, des mauvais lieux
Et des aurores putassières.                                   

                               ***























Quarante ans d'écriture
À fêter aujourd'hui
Quand la route est si dure
Au milieu de la nuit.

Pour des mots à la tonne
D'innombrables carnets,
Un vide qui résonne
D'inutiles effets.

Il faudrait en sourire
Et je n'y parviens pas,
Ce que je fus soupire
D'être tombé si bas.

À chaque instant l'on quitte
Un peu de ce qu'on eut,
Où donc est le mérite
D'avoir longtemps vécu ?                          

                               ***


























Chaque nouveau jour qui se lève,
Je livre un combat contre moi,
Si je l'emporte à chaque fois
La victoire d'un jour est brève

Et demain n'est pas assuré
De l'amer succès d'une lutte
Dont l'alternative est la chute
Que je ne peux pas ignorer.

Un vieux cri révolutionnaire
Que cette "Victoire ou la mort »
Mais qui résume bien mon sort
Et mon horizon ordinaire.

J'écrivis cela ce matin,
Du fond de mon cœur à ma plume
Coulait un fleuve d'amertume
Au gré malheureux du destin.                           

                               ***
























Huil(e) de ricin et ritournelle
Guérissent les chevaux de bois
Qui tournent quand on les appelle
Et vivent bien sans foie ni l'oie.

Du calme, je ne suis pas fou,
Ce ne sont que des mots absurdes
Dont je m'amuse et voilà tout
Avant d'aller faire une cure de
Silence.

                ***

































Quatrain de la Ménagère.

Depuis qu'il faut bien du pétrole
Pour produire un chou de Bruxelles,
Le coût des menus me désole
Mais je fais bien moins la vaisselle.

                ***




































Quatrain n°4, moins fou qu'il n'y paraît.

Quatrain numéro quatre
En forme de leçon:
Lorsque l'on veut s'ébattre
Il faut un hameçon.


                ***

































Quatrain n°5: ésotérique.

Dans un mouvement vague
Ou ce qui va revient,
Quel soupir se retient
Lorsque les mots divaguent ?


                ***



































Quatrain n°6: estival.

Murmure au vent d'un peuplier
Dormant au bord d'une rivière,
Un vieux refrain presque oublié
Qui parle d'ombre et de lumière.

                ***



















Quatrain 2. – Nuit. Cynique I.


La nuit exalte le plaisir,
Mais dans les caresses qu’on goûte
N’est-ce pas, il me vient un doute,
Qu’avant tout l’on n’y voyait rien ?

                ***






























Quatrain 2453 bis. –Cynique II.


Toute bonne conscience est prête
A leur allumer des bougies
Et c’est une grande conquête
Sur tous les malheurs de la vie.

                ***

























Aux heures d’un beau crépuscule
Où s’allongent les jours d’été,
La paix s’installe en majuscule,
Aux heures d’un beau crépuscule.

Le silence est un préambule
A l’immense tranquillité,
Aux heures d’un beau crépuscule
Où s’allongent les jours d’été.

                ***























Liberté.

Il n’y a pas vraiment de liberté,
Chacun de nous vit au bout d’une corde,
Chacun dépend s’il veut en profiter
De la longueur que le sort lui accorde.

Nos moyens et nos jours sont limités,
Tout le reste est de la philosophie,
Ce jeu qui met aisément de côté
Ce que chacun doit savoir de la vie.

On ne peut pas tout faire ou tout avoir,
Tel dont les mains se montrent incapables
A tant d’esprit qu’il peut tout concevoir,
Tel est brillant, tel autre irresponsable.

La « liberté » dépend de tout cela,
De nos moyens et de ce que nous sommes,
Tel rampe, vieux, qui plus jeune vola :
Depuis toujours c’est tout le sort des hommes.

                ***











A un Ami.

J’écris pour toi ces quelques lignes
A l’heure où ta mère se meurt,
Le Seigneur à chacun nous assigne
Une part de joie et de pleurs.

La route est toujours douloureuse,
N’en conservons que le meilleur,
Ta mère, elle, sera heureuse
Et son amour vit dans ton cœur.

Il est dur de perdre les siens,
Ce sont des deuils que nul n’oublie,
Mais demeure assuré du bien
Que propose toujours la  vie.

Sois certain de ce que tu vaux
Et de tout ce qui reste à faire,
Souviens-toi que le monde est beau
Puisque l’amour de Dieu l’éclaire.

                ***
















Le vent d'hier souffle aujourd'hui,
Entre rafales et murmures
J'écoute encore et me réjouis,
Le vent d'hier souffle aujourd'hui.

Lilas d'été, massif de buis,
Comme certains souvenirs durent;
Le vent d'hier souffle aujourd'hui
Entre rafales et murmures.

                ***























Sur les trottoirs où les feuilles pourrissent
Novembre marche et les ombres se glissent,
Lentes, le long des arbres dépouillés.
C'est l'heure grise aux rêves éveillés,
Instants précieux pour des songes d'automne
Au goût de mauve ou bien de belladone,
Brumes d'espoir, de tristesse ou d'oubli,
Sur un trottoir lorsque le jour faiblit.

                ***





















Savez-vous donc où je m’en vais ?
Je vais aux jours où l’on oublie
Où l’on espère, où l’on se tait,
Je vais aux sentiers de la vie,
Aux soirs et aux matins de paix
Où ne brûle plus l’incendie
Des lendemains ; le pire est fait
Et la fin nous réconcilie,
Quoique cela paraisse peu,
A ce qui reste de nous-même.
Le temps vient annuler nos vœux,
L’obscurité se fait poème.
C’est un sourire entre les mots
Que je vais où tout se délie
Sans un bagage sur le dos
Ainsi que l’âge m’y convie.
 


                ***


















Dans la forêt sont mes amis
Nourris de songes creux,
De rêves à l’envers
Et de jours indécis.

Les feuilles chanteront aux cieux
Une complainte dont les vers
Mériteraient bien d’être appris.

On y parle de cœurs radieux,
De notre horizon qui se perd
Et de jours indécis.


                ***
















Chacun tire la couverture à lui
Et la choisit de préférence
Comme appartenant à autrui,
C’est bien moins fatiguant je pense.
D’ailleurs pourquoi faire un effort ?
N’a-t-on pas droit à la paresse,
Comme on a droit de prime abord
A la santé, à la richesse ?
Au plaisir et à la beauté,
Au bonheur, à l’intelligence
Et même à la longévité
Sans parler de la différence…
Parlez-moi de droits convaincants
Et faites des économies
Pour les espérer en pleurant
Jusqu’à la fin de votre vie !


                ***















C’est un désespoir érudit
Où les mots remplacent les larmes ;
Des mots quand tout a été dit ?
Des mots dont la musique charme
Cette lancinante douleur
Qu’aucun autre moyen n’apaise,
Des phrases qui sont parfois sœurs
De la prière et de l’ascèse,
Seul moyen d’accepter ces jours
Et plus encore de les vivre.
Des mots changeants, en mille atours,
Sages ou fous qui me délivrent
De l’horreur de ce quotidien,
Des mots à la place du doute,
De ce qui fut et n’est plus rien,
Des mots dont le moindre me coûte.


                ***  






















Le fleuve en son cours immuable
Offre ses reflets merveilleux
Et sa chanson interminable
Qui court en ses couplets gracieux.

Le vent qui souffle psalmodie
Des contes qui n’ont pas de fin,
L’histoire d’innombrables vies
Au hasard de tous les chemins.

Voici l’heure où le jour se lève
Mais la terre dans son sommeil
Poursuit d’interminables rêves
Qui frissonnent sous le soleil.

Les mots se suivent et se mêlent,
Faible harmonie en contrepoint
D’une plus grande où se révèle
Ce qui ne fut jamais très loin.


                ***                                                      























Dix mots font tout mon répertoire :
Rêve, tristesse, ennui, mémoire,
Vent, solitude, soir et nuit,
Route et chemin.
    La strophe suit :

Aux solitudes de mes soirs,
Le rêve est couleur de tristesse
Et les chemins de ma mémoire
Et ses routes mènent sans cesse
Au vaste horizon de ces nuits
Où le vent berce mon ennui.

                ***                                                                     































Ô froides étendues
Des printemps malheureux
Où frissonne cette ombre nue
Sous le vent coléreux,
Qu'avez-vous encore à me dire
Que je n'aie pas déjà chanté ?
La rue qui le désire
En aura plus à raconter:
Rumeur de pavé à pavé
Et secrets de porte cochère,
Fantômes de passions
Au gris crépusculaire
De ces soirs de printemps perdus.
Mon cœur est un ludion;
Que pouvais-je ou qu'aurais-je pu
Dire ou peut-être taire,
M'en ferez-vous l'aveu,
Ô froides étendues
Des printemps malheureux ?


                ***

























Esquisses et Souvenirs. 









































La Ville en Août.



La ville en août est si déserte
Qu’elle a l’aspect d’un de ces bourgs
De campagne qui n’ont plus cours
Qu’en des romans qui déconcertent
Tant ils nous semblent étrangers.
Et cependant ce qu’ils décrivent
C’est le décor un peu figé
Des souvenirs qui nous arrivent
De l’époque de nos parents
Et la sensation est curieuse
D’un jour qui passe lentement
Et de ces heures silencieuses
Dans la lumière de l’été ;
Dans cette douceur alanguie
Sans doute un peu de nostalgie
Et le bonheur d’avoir été.



                ***






















Cendres.


Odeurs de fumée et de suie,
De sols humides et de pluie,
Fraîcheur banale des matins
Qui sont déjà presque une fin.
Voici plus d’une année enfuie ;
Ce monde quelquefois m’ennuie.
Il n’y a guère à se cacher
En vers pompeux, en mots léchés,
Ce que disent les feuilles mortes
Qui  s’accumulent à ma porte.
Dansez autant que vous voudrez,
Rêvez autant que vous pourrez
Si le sort peut y condescendre ;
Toute flamme finit en cendres,
Rien ne dure et pour tout berceau
Il faudra creuser un tombeau.



                ***





















Volupté.


Connaissez-vous la volupté,
Le soir, d’écouter le silence ?
La nuit s’en vient à pas comptés,
Les bruits meurent sans réticence.

Dans l’ombre et l’immobilité
Où l’esprit se nourrit d’absence,
Le temps enfin s’est arrêté
Dans le bonheur d’une évidence :

La certitude d’exister
Au bord de ce courant tranquille,
Un fleuve où se laisser porter
Sans faire d’efforts inutiles,

Loin de ce monde trop bavard,
Trop affairé d’indifférence
Et qui, de toujours en trop tard,
A dominé notre existence.

                ***






















Prémonition.


Mon chant s’étend sur de longues années
Egrenant lentement des jours obscurs,
Heures sans fin, sagement ordonnées
D’un quotidien banal et presque sûr

Mais les temps ont changé, voici des notes
Discordantes sans doute et à souhait,
Des mots rugueux dont le rythme dénote
Une crainte qui monte et non la paix.

L’horizon s’assombrit de ces querelles
Qui toutes sont à nos contradictions
Ce qu’au brasier seraient les étincelles ;
Une peur presqu’autant qu’une ambition.

Des grondements à l’aigu des stridences,
La fanfare du monde retentit,
La Mort n’est pas, comme on le croit, silence,
D’abord, mais ce vacarme consenti.



                ***


















La Route.



Un petit pincement au cœur,
Dans mes pensées un rien de doute,
Un encouragement moqueur,
Il faut bien reprendre la route.

Je croyais n’avoir qu’un foyer,
Chaque jour m’en découvre mille,
Auprès d’un arbre foudroyé,
Dans les vieilles rues d’une ville,

Sur le bord d’un champ labouré,
Au beau milieu d’une clairière,
Partout où l’on peut espérer
Et rire autant que la lumière.

Il arrive que certains jours
Ce ne soit pas aussi facile,
J’avance alors d’un pas plus lourd
Mais j’avance tranquille.

Je marche autant que je le puis,
Un désir unique me porte,
Je veux être ce que je suis
Sans me renier. Après, qu’importe ?


                ***















La Sieste.


J’écris ici pour dire peu,
Que dire à l’heure de la sieste
Où les mots cessent d’être lestes
Sous l’assaut d’un soleil fiévreux ?

Voyant la rime qui transpire
Les pieds choisissent le repos,
Tout ce que la strophe désire
C’est d’en terminer au plus tôt.

Comment remplirai-je une page
Dans cet univers somnolent
Où le temps s’écoule si lent
Que je ne connais plus mon âge

Et qu’il pourrait m’avoir coûté
Tout l’espace entre ma naissance
Et l’ultime instant redouté
Pour l’écrire sans assurance.


                ***



















La Pièce Claire.


Pas un bruit dans la pièce claire
Où je savoure ce moment ;
Mes livres sur les étagères
Sont alignés tranquillement.

Rien ne m’attend, rien ne me presse,
Dehors, où brasille l’été.
La ville est parée d’allégresse,
La rue fourmille en liberté.  

Chacun apportant sa nuance,
Mil silences règnent ici,
Ma paix n’a pas de souvenance,
Pas de regrets, pas de soucis.

Dehors s’enflamment les façades
Sous un ciel immensément bleu,
Je souris à la cantonade
Comme à mon tapis poussiéreux.

                               ***




















Tourment.



Je me livre à des réflexions
Dont la moindre est peu réjouissante :
Je vois ma vie abrutissante
Au-delà de toute expression,
De plus il ne m’en reste guère
Et je n’aurai pas l’occasion –
Comment nourrir quelque illusion ? –
D’en obtenir mieux que naguère
A titre de réparation.
Ce n’est pas, quoique l’on pense,
Que j’en aie fait grande dépense,
Je n’en eus jamais l’intention,
Mais j’ai trop vécu d’insouciance,
Ce qui me reste est sans passion,
Sans goût, sans but, sans expression
Et je l’aborde sans confiance.


                ***






















Venise.


A la lagune de Venise
Dans cette lumière indécise
Où la toute première fois
Je la vis comme je la vois,
Hélas, aujourd’hui si loin d’elle.
A tes canaux, à tes venelles
Où les reflets dansent la nuit,
Où dans l’ombre le marbre luit
Tout autour des places désertes,
A toi, l’immense et belle offerte
Au silence de l’abandon,
L’hommage des mots vagabonds.
A toi, Venise, ma maîtresse,
Mon remord et mon allégresse,
Irraisonné mais de plein droit,
Un amour aussi vieux que moi.


                ***






















Philosophie.


J’ai beau lire les philosophes,
Je constate à les fréquenter,
Que mon esprit manque d’étoffe
Pour saisir leur réalité.

Ils construisent de beaux systèmes
Qu’ils peuplent de termes brumeux,
J’en suis à reconnaître même
Qu’ils me dépassent tous un peu,

Et trouve beaucoup d’artifice,
A tant de classifications,
Tant de certitudes factices,
Comme tant d’approximations.

Cependant ils refont le monde
D’hypothèse en spéculation :
Leur logique est aussi profonde
Que le sont leurs contradictions.

                ***























Spleen.

Je n’ai pas de raisons d’écrire,
Je suis à court de sentiment,
Le cœur plus sec qu’un vieux sarment,
Sans inspiration pour tout dire.

Le temps passe et je n’attends rien,
Je fais ce que je peux : j’existe,
Sans être gai, sans être triste,
Peut-être qu’ainsi tout est bien.

Dans mon esprit le baromètre
Des émotions est au plus bas,
Bloqué sur l’index « calme plat »,
Comme le ciel à ma fenêtre,

Et le désir au fond de moi,
Mes rêves naviguent, bonasses,
En plein dans la mer des Sargasses ;
Je ferai mieux une autre fois.

                ***





















Nocturne I.


Voici la nuit qui s’en vient apaisée,
Clore la pluie et toute la journée
Et mille pas pour tant de va-et-vients
Et mille mots et tant de petits riens.
Une journée autant qu’une existence
Après laquelle aussi naît le silence,
Car chacun parle et puis chacun se tait,
Voici la nuit, l’obscurité, la paix.
Voici l’oubli, voici l’heure des songes,
Le flot obscur que toute errance longe,
Voici la porte au pied de l’horizon
Où l’âme enfin échappe à la raison,
Où le temps meurt, où les lois sont futiles,
Voici la nuit, si belle et si tranquille,
Le monde avant le monde et tous les choix,
Cette ombre enfin qui n’est autre que moi.

                ***

























Une tasse de thé,
Ce n’est pas la première,
Ma rime sans compter,
En est très coutumière.

Depuis bien quarante ans
Et sans que je m’en lasse,
C’est sûr en composant,
Je bois encor la tasse…

***



































Je m’endors sur mes propres vers,
C’est dire s’ils valent la peine !
Mais je fais de même aux concerts,
Lorsque les exposés s’enchaînent,
Dans les réunions de famille
Qui se prolongent trop le soir,
A deux au pied d’une charmille
Et même devant l’encensoir ;
Alors…

***
































Tambours et fifr(es), tambours et fifres,
Un carnaval au pas si lent
Ou les sorcières font les pitres
En grimaçant,
Tambours et fifr(es), au pas si lent
Que l'hiver aura tout le temps
De s'échapper au bout de l'aube
Par la cheminé(e) ou le toit.
Un carnaval en robe fauve,
De chandelles, de diamants noirs,
Qui serpent(e) aux rues de la ville
D'un pas mesuré et docile,
Tambours grondants,
Fifres piaillants
En une foule somnambule
Dont les longues lignes ondulent
Entre les pignons résonnants.


                               ***
























La Naissance du Printemps.


C'est l'heure où la lumière baisse,
Dans la grand pièce du salon
Sous ma plume des rimes naissent
Et pas un bruit dans la maison.

Je me suis promené en ville,
Cuivres, tambours et carnaval,
Balai en main, ouvrant le bal,
Les sorcières défilent.

Mais pour le printemps, pas de chance,
Le ciel est gris
Et les masques s'avancent
Entre les gens surpris.

Après-midi de promenade
Avant que de rentrer chez soi
Un samedi maussade
À l'heure où la pénombre croît…

C’est l’heure de jouer les sages
Dans un vieux fauteuil élimé
Qui m’aura fait beaucoup d’usage
Mais que voilà tout abimé.

C’est là, dans la demi-pénombre,
Que naît bien subrepticement,
Au coin de quelque meuble sombre,
Mon vrai Printemps.

                               ***











La Différence.

Oh, que vous êtes donc sérieux,
Jouant à vivre votre vie
Jusqu’à mourir d’en être vieux
Au terme de la comédie.

Un avocat, un président,
Un maître queux et une artiste,
Sont ce qu’ils sont absolument,
D’un bout à l’autre de la piste,

Pas un d’entre eux n’acceptera
De s’imaginer en nuage,
Sans destin et sans apparat,
Gonflé de vent et de passage.

Et moi d’ailleurs, pas plus que vous
Ou alors par intermittence
Comme il est normal chez les fous ;
C’est ce qui fait la différence.

                ***






















Mystère.

Mystère à mon goût trop profond,
Que ce qu’on est et se connaître,
S’il est possible à la raison,
Vaut-il vraiment de naître ?

Que de travail, que d’efforts et d’esprit,
Que d’interrogations pour, à vrai dire,
Un but dont je me moque, ayant compris
Que savoir est le pire.

Mon ignorance est le rempart
Puissant d’une bonne conscience
Qui veut un talent bien à part
D’hypocrite patience.

J’ai décidé de me moquer de moi
Et d’accepter que le temps me dévore
Tant pis s’il faut oublier autrefois 
Car cet oubli m’honore.

                ***























Sur le bord de la route (La Panne).


Dans certaines mésaventures
On peut bien maudire le sort,
Se lamenter et pester fort,
Rien n’y fera, la chose est sûre.

Mieux vaut trouver, si c’est l’été,
Un agréable coin à l’ombre
Et sans voir l’avenir si sombre,
Attendre avec sérénité.

D’un incident désagréable
On peut faire un sujet de vers
Et sourire du temps qu’on perd
A composer pareille fable.

Je m’essaye à ce moyen là
En attendant qu’on me secoure,
C’est ainsi que les heures courent
De mes ennuis jusqu’au-delà.

                ***




















C’est une Petite Histoire.

Ce soir spécialement m’agacent
La petitesse de mon sort,
D’où vient ma si petite place,
Les petits soucis de mon corps,
Le petit talent de mes rimes,
La petitesse de l’espoir
De jamais connaître les cimes
Et le peu que je peux savoir.
Il faut bien voir les faits en face,
J’ai réussi à tout rater,
Le sachant les heures qui passent
Se passent sans sérénité.
Lorsque je regarde en arrière
Où l’on ne peut pas revenir,
Ni par l’or, ni par la prière,
Je sais bien qu’il  faut m’y tenir.

                ***                                                                     

























Moine.

Je me sens moine à ma façon,
Quoique sans plus de religion,
Pour cette façon là de vivre,
Reclus au milieu de mes livres,
A conserver au temps présent
Les lois, les us, les règlements
D’un mode ancien de poésie,
D’autant que ce mode est ma vie.
Puisque me voilà presque vieux,
Je cherche à préserver au mieux
Moins un talent qu’un savoir-faire,
Un artisanat bien précaire.
J’empile, à peu près consciencieux,
De vieux volumes poussiéreux
Où dorment des voix inconnues
Ou parfois trop vite perdues.
Ils sont là pour qui s’en viendra,
Les trouvera et les lira,
Offrant pour l’amour de leurs pages
Son temps et son cœur au passage.

                ***
























Dans ces pièces vécut un homme
Qui ne croyait qu’en son passé,
Ainsi chaque chambre était comme
Un coffre où dormaient entassés
Des ors fanés et symboliques,
Mille témoignages glorieux,
Inutiles mais authentiques,
Mille bibelots poussiéreux.
Il vivait dans le crépuscule
Des souvenirs de son bonheur,
Trouvant aujourd’hui ridicule
Et le lendemain sans valeur.
Moi qui connais si bien sa vie,
Je ne sais comment il changea ;
Fut-ce par peur ou par envie,
Par ce qu’un dieu lui révéla,
Par raison ou par lassitude,
Je ne sais pas me l’expliquer,
Mais il changea ses habitudes
Et vit heureux et appliqué.

                ***                                                                     




















A NERVAL.

Trois cents francs pour survivre à l’hiver
Et puis mourir de trop les attendre, -
De quelle mort ! –Aller se pendre
Un matin plus que tout autre amer…

Car les vers les plus beaux ne nourrissent,
Ni ne réchauffent qui les écrit,
Le besoin manque souvent d’amis,
Le mauvais sort frappe avec malice.

Si l’été sait ce que dit l’espoir,
C’est l’hiver silencieux qu’on abandonne
Le combat et que cette heure sonne
D’achever faute, ici-bas, d’avoir.

Qui dira ce froid noir qui torture,
A l’aurore alors que l’on voit bien
Qu’il n’est plus qu’une chose de sûre
Cet échec et qu’il ne viendra rien ?

                ***






















Poème pour un Importun.


Combien, haussant le col, s’imaginent des aigles
Qui ne sont, tout glorieux, que de gloussants dindons
Et les plus malicieux s’ornant le cul fripon
De parures de paons plumés selon la règle ?
Il en faut plus, je crois, pour créer l’illusion
Qu’appellent de leurs vœux ces sentencieux compères.
Qu’on les prenne au sérieux, voilà ce qu’ils espèrent
Mais c’est peine perdue, on leur voit le croupion.
Que leurs dandinements remplis de suffisance
Nous fassent d’abord rire et non pas nous fâcher,
La sottise, après tout, est un moindre péché
Quand bien même on l’applique avec tant de constance.
Enfin, me direz-vous, vous pensez à quelqu’un ?
Eh oui, que voulez-vous c’est vrai, je le confesse,
Mais ma rime est finie et surtout le temps presse,
Je n’en ai plus assez pour nommer l’importun.

                ***
























Rimes d’Eté.


La chaleur monte de la ville,
Roulant ses vagues indociles
Au pied du bureau pénombreux
Où je somnole paresseux.
Un souffle parfois l’accompagne
Au parfum herbu de campagne,
De fleur séchée et d’horizon ;
C’est enfin la belle saison.
Il n’est pas question de bouger,
Ni même de l’envisager,
Mon plaisir à l’ombre s’allonge,
Entre le silence et le songe,
Il n’est pas question de compter
Leur temps aux heures de l’été,
A la douceur de l’insouciance,
Entre sommeil et nonchalance.

                ***























Il était une fois…     











































Rêve d'un printemps affolant
Où ton corps mieux qu'une corolle
Dirait le désir et l'extase
Et l'union plus qu'en une phrase
De cette brûlante souplesse,
Amour de perl(e) et de diamant
Pour une graine de tristesse,
Et de ce lointain grondement
Qui parl(e) à la terre d'ivresse
Et d'étoiles au firmament.
Poussière de notre tendresse,
Pour je ne sais quel dénuement,
Ni quelle effloraison rapide
Comm(e) un éclair où se décide
La conscienc(e) avec le tourment.

***


























Si je pense à vous,
Au seuil de la nouvelle année,
Je vous mets surtout
Au rang des amours surannées ;
Si je pense à vous.

J'en ai bien le droit,
Vous fuyez, hautaine et muette,
Sans espoir, je crois,
J'irai rire, seul à la fête ;
J'en ai bien le droit.

Oui, car l'on rira,
Je vous le dis, soyez-en sûre
Et l'on oubliera
Grands rêves et vieilles blessures,
Oui, car l'on rira.

Au douzième coup,
Le seul fait d'y penser m'enchante,
Je tordrai le cou
De tout ce que pour vous je chante,
Au douzième coup.


                ***



















Aube d'eau claire et de printemps
Au sortir des draps où se froisse
La nuit tiède qui parfois ment.
Voici que les heures s'accroissent
De lumière et de sentiments,
De joie et de gaieté nouvelle
Qu'aucune ombre ne nous défend
Et dans chaque instant je décèle
Tout juste audible, mais présent,
Comme l'écho lointain d'un rire.
Hier il en était autrement
Combien de jours ont été pires ?
Mon plaisir est un frôlement
Où la paix et la certitude
Dansent en faisant le serment
D'une moisson sans inquiétude.

                               ***


























Un triolet comme autrefois,
Te souvient-il de cette époque ?
Le temps était moins à l'étroit,
Un triolet comme autrefois.

Des portes du palais d'un roi
Aux fissures d'une bicoque,
Un triolet comme autrefois,
Te souvient-il de cette époque ?


                               ***































Prenez ce que je dis,
Prenez et comprenez.
Ce fut une passion
La seule qui vous pousse
Vous traîne et vous emporte.
Ce fut, car elle est morte ;
La mémoire m'est douce,
Amère en même temps,
Cruelle tout autant
Et combien inutile.
Laissez les feuilles du printemps
Et la rose d'automne,
L'aventure et le vent,
L'amour qu'on arraisonne.
Laissez c'est inutile,
L'amour féal d'un homme lige
Ou bien celui d'un conquérant,
Et maintenant la nuit
Qu'aucune aube ne suit.
Un temps pour chaque chose,
Le poète se tait
Pour que ses mots reposent
En paix.
***



















Il faut du temps pour abdiquer
La douceur des amours anciennes
Dont la fin ne peut s’expliquer,
Quelque heurt dont on se souvienne.

Il faut du temps pour délaisser
L’espérance faite folie
De pouvoir tout recommencer
Par quelque grand tour de magie.

Il faut du temps pour oublier
Le bonheur d’une compagnie
Dont on croyait, émerveillé,
Qu’il durerait toute une vie.

Je crois qu’il en faut tellement
Que la tâche est presque impossible
Et que je mourrai sûrement
Avant son terme imprévisible.


                ***                                                                     























C'est affreux comme le temps passe,
Je fus son amant et voici
Qu'il m'a fallu perdre ma place,
Je ne suis plus que son mari.

Non, ce n'est pas la même chose,
Ce n'est pas moins, c'est différent
Pourtant quand le premier s'expose
Que fait le second ? Il attend.

Le premier rêve de voyage,
D'amour, d'eau fraîche et d'absolu
Et le second fait le ménage,
Fait l'amour et n'en parle plus,

Le premier espère et se cache,
Le second ronfle dans son lit,
Le premier bâtit ou arrache,
Le second dans son bureau lit.

                               ***

























Dans la maison des routes closes
Au grand jardin planté de roses
Il n'y aura que vous et moi,
Antan, jadis et autrefois.
Mais sur l'horizon de passage,
Quatre-saisons d'un paysage
Et puis des souvenirs gigognes,
Parfums anciens d'eau de Cologne,
De savons  à la rose thé.
Ces noms et ces mots emportés,
Tout un ciel avec sa lumière
Et la vie à notre manière,
Comme un dimanche en ses atours
Un peu plus souvent qu'à son tour,
Qui le voudra verra en somme
Il y a là ce que nous sommes.

                               ***


























Ce sera le premier anniversaire
Qu'il me faudra fêter sans toi
Mais fêter est-il nécessaire ?
Je dis que non, il n'y a plus de quoi.

Tout a changé, je ne retrouve rien,
Je me perds dans un monde étrange
En cet incessant va-et-vient
Des jours heureux aux lendemains de fange.

Et puis, il n'y a plus rien à glaner,
Aux belles heures révolues
Va succéder, sans s’étonner,
La nuit sur cette misère étendue,

Avant l'oubli qu'offre seul le tombeau
Au moins comme un voile pudique
Masquant ce que le sort me vaut
De pleurs et qui n'est même pas unique.                           

                               ***



























Quel amour vécut de raison ?
Si telle en était l'habitude
On n'en ferait pas de chansons,
J'ai du moins cette certitude.

Et du nôtre que dira-t-on ?
Mi paillettes et bure
Haute-contre ou bien baryton,
Il fera curieuse figure.


                ***






























Mirabeau.

Je n'ai pas de pont Mirabeau,
A la rigueur, un pont sur l'Aar
Le long d'une rue sans lumière.

Mes amours ne sont pas si beaux
Que l'étaient ceux d'Apollinaire
Et je suis loin du pont des Arts.

Cette histoire est un  peu  sommaire,
Les ponts y ont bien trop de part,
L'amour y rime en porte à faux.

Oubliez-la donc, je préfère
Et je la reprendrai plus tard
Si je m’en souviens comme il faut.

                ***


























Déception partagée.

Vous voulez que je vous achète
Moi qui ne sais pas posséder
Et n’en fit jamais qu’à sa tête
Afin de mieux dilapider.

Vous voulez que je vous  séduise
Lorsque l’amour ne m'est plus rien,
Tout cela n'est pas à ma guise,
Finissons là cet entretien !


                ***                                      





























Et Toi.

Une fenêtre en pleine nuit
Qu'éclaire une lampe électrique,
Un souvenir d'angoisse
Et toi.
L'ombre partout si méthodique
Et la peine qui suit
Son éternel retour.
La mémoire qui pèse
Et la chaleur qui poisse
De torrides étés
Qui n'ont servi à rien,
L'angoisse trop fidèle
Sur les ruines des heures
Et toi.

                ***

























Au vent.

Plus rien n'a d'importance
Que le souffle du vent
Qui parle d'abondance
Et puis s'enfuit content.

Bourrasque de tempête
Ou refrain seulement
Il y va de conquêtes
Ou bien d'apaisement,

De contes et légendes
Ou de raisonnement,
D'horizons qui s'étendent
Ou de l'instant présent.

Il s'agit de l'automne,
Il s'agit du printemps,
De vous, - je vous étonne ?-
Et moi certainement.

                ***






















Nocturne II.

Veillant fort avant dans la nuit,
Comme j'en avais l'habitude,
J'ai mesuré ma solitude
A l'aune du temps qui s'enfuit.

Sans prononcer une parole,
J'ai compté tous mes souvenirs
Sans chercher à les retenir,
Je crois qu'il vaut mieux qu'ils s'envolent.

Ils meurent comme vous mourrez,
Comme ils s'en vont ainsi je passe,
En somme le monde nous chasse,
C'est aussi bien, vous le verrez.

                ***



























Il est bien difficile d'écrire
Que dirais-je de plus ?
La solitude est pauvre de sourire,
Mais non de sentiments.
Je regarde la rue :
Le monde et le temps passent à côté de moi :
Moi je n'en ai, au plus, qu'une portion congrue.
Nous aurions pu faire bien mieux.
Il y avait tant de possible
Et tant de temps en tant de lieux,
Que la chute est risible
Et l’échec peu glorieux.


                ***                                                                     





























Le long du quai où l'automne s'endort
Les marronniers penchent sur l'eau
L'octobre roux de leurs feuilles passées.
C'est un beau jour malgré le sort
Dont les bienfaits se sont lassés ;
N'ai-je pas fait tout ce qu'il faut ?
Je songe en marchant à pas lent
À nos rencontres fugitives,
C'étaient une plage en plein vent,
Dans une gare une étreinte furtive,
Trois pas ensemble au bord d'une rivière,
Dans un transept l'éclat d'une verrière...
Nous avons rêvé tous les deux.
La ville en automne est si belle
Où je m'en vais,
Évoquant un visage,
Une voix qui se tait,
Un amour de passage.


                ***























Je vous ai tant aimée… 

J’ai tant écrit pour vous, je vous ai tant aimée
Et j’ai tant espéré, hélas, en pure perte…
Je regarde, pensif, une rose fanée,
Mais le soleil décline et l’allée est déserte.

Mes rêves, mes efforts, mes espoirs et mes vers
Auront servi l’amour pendant ces huit années,
Vous en souvenez-vous à l’heure où tout se perd ?
Les serments d’autrefois sont partis en fumée.

Vous ne reviendrez pas, vous ne le pouvez plus,
Vous avez trop changé et chaque jour me blesse,
Vous n’êtes plus la même et j’ai trop attendu,
Et vous avez renié nos plus belles promesses.

Allons, ç’en est ainsi, l’Automne qui revient
Emporte nos amours sous l’or des feuilles mortes
Où  s’effacent nos pas sur des chemins anciens,
Voici  venir la nuit, je referme la porte.


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Au bois de Vincennes.

Un beau soleil éclaire l’or
Des parcs où la saison décline,
J’écris des amours orphelines
En des jours aussi doux qu’alors.
C’est le souvenir qui m’amène
Aux sentiers du bois de Vincennes.

Chaque arbre s’ornait de joyaux
Qui flamboyaient dans la lumière
Et dans cette forêt altière
Notre amour était sans défaut,
Il commençait, qu’on le comprenne,
En Automne au bois de Vincennes.

Je nous revois, main dans la main,
Heureux comme on ne l’est qu’en rêve,
Quand le monde alentour fait trêve,
Marchant au désert des chemins,
D’autres aujourd’hui qui les prennent,
Vont s’aimer au bois de Vincennes.

Mon Aimée, j’écris de ma peine,
Le temps a gagné cet assaut.
Que d’eau sous les ponts de la Seine,
Qui ne sont pas tous Mirabeau,
A coulé sans que nous ramène
Notre amour jamais à Vincennes.


                ***
















Soleil d'un midi de printemps
Qui brille en vain
Je n'ai pas grand chose à te dire.
Voudrais tu qu'en vers je soupire
De ne pas pouvoir profiter
Du trois fois rien de liberté
Que ton invitation suppose ?
Il y a longtemps que la chose
Ne compte plus vraiment,
Je vis ici et maintenant
Tant pis si ce n'est qu'un bureau
Loin du fleuve et loin du coteau
Dans un immeuble d'un quartier
Qui m'a déjà presque oublié.


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Lorsqu'il le faut il n'y a rien,
Et quand tu viens,
Est-ce encore la peine ?
Ce n'est pas qu'attendre me gêne,
Mais à quoi bon ?
L'amour est enfant de bohème,
Voilà qui nous donne le ton,
Mais pour autant, mais tout de même
Est-ce vraiment une raison
Pour faire tout à contre temps
Quand ce n'est pas tout le contraire ?
Je crois avoir connu des vents
Plus constants et moins téméraires
Et qui, quoiqu'au fond aériens,
Savaient garder les pieds sur terre,
S'ils n'étaient pas des plus conscients,
Je te l'apprends et le maintiens,
Ils ne soufflaient qu'à bon escient.


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Depuis que tu n'es plus présente
Chaque fenêtre se lamente
De ne plus croiser ton regard,
La maison pleure ton départ
Et je m'en vais de pièce en pièce
Leur rappelant sans cesse
Le bonheur d'être deux.

Depuis, nous habitons à trois,
La tristesse, ma solitude et moi.


                ***





























La chanson n'est pas douce,
Mon cœur ne l'était pas non plus,
La tristesse persiste,
Il n'est pas si mal d'être triste,
C'est au moins ce que j'en conclus.

On dirait bien dehors
Que les feuilles repoussent,
Bon Dieu, Seigneur, coquin de sort,
Le printemps nous revient,
À défaut de l'amour, l'envie,
Pauvres de nous, chienne de vie,
Je ne sais ce qui me retient...

Je ne sais ce qui me retient ,
Je ne sais ce qui vous convient,
J'ai fait et dit tant de bêtises...
Entendrez-vous celles que prise
Le cœur naïf des collégiens ?
Celles des amoureux transis
Qui sont, je crois, de tous les âges ?
Les perverses, les luxurieuses,
Et les simplettes de passage
Qui mériteraient des lazzi ?

Vous le savez -quelle importance ?-
Don Juan finit mal,
Qui n'avait pas moins de constance
Pourtant qu'un autre mâle.


                ***


















A la première nuit de juin
Je pris congé de ma tristesse
En y mettant beaucoup de soin,
A la première nuit de juin.

Je m’enfuis en tournant le coin
Avec un soupir d’allégresse :
A la première nuit de juin,
Je pris congé de ma tristesse.

                ***

































Hier et aujourd’hui.  (I)


Où donc est celle que j’aimais ?
Vaine question, nul ne le sait,
Elle vit, captive, sans doute,
Dans quelque royaume sans route
Auquel les mots n’accèdent pas.
L’amour se perd juste au-delà
De son impalpable frontière,
Il n’est promesses, ni prières
Qui  l’en fasse enfin revenir ;
Il n’en reste que souvenirs.
Demeuré seul dans l’ignorance,
J’égrène l’ancienne espérance
Au gré de jours indifférents
De soleil, de pluie et de vent,
C’est le même amour qui m’emmène
Aux quatre saisons de ma peine.




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Hier et aujourd’hui.  (II)

J’aimais, il y a bien longtemps,
La plus belle, la nonpareille,
La fleur de toutes les  merveilles
Qui maintenant s’effeuille au vent.

Où donc  es-tu, la plus aimée
Comme la plus amère aussi,
Mon seul amour et mon souci
De tant d’heures abandonnées ?

L’automne chante avec raison
Ces souvenirs d’une autre vie,
L’hiver change la symphonie
En requiem, en oraison.

J’aimais alors et j’aime encore,
Mais le temps des amours est loin,
Rentrez le blé, rentrez le foin,
Il n’est plus de fleurs pour éclore.



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Incertitude.


Je suis ici pour vous attendre,
Ne sachant pas si vous viendrez ;
Vous savez que pour entreprendre
Il n’est pas besoin d’espérer.

Notre amour vit dans la misère,
Il est cause de vos tourments.
Je crois vos souffrances sincères
Et je vous aime éperdument.

Vous vous affirmez incomprise
Mais ne me dites plus un mot
Que vos gestes ne contredisent
Entièrement tout aussitôt.

Je vous dois beaucoup d’injustice
Que je supporte vaillamment,
Aimant jusqu’à mon sacrifice
Je vous le pardonne aisément.



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EPILOGUE.


Mes mots, mes goûts, ce que je suis
Sont dépassés et j’en déduis
Que je dois apparaître étrange
Mais je m’en accommode et puis
Comment voulez-vous que je change ?

J’ai du descendre un jour du train,
Mon soir n’a plus de lendemain
Dont ce monde ci tienne compte,
Rien à tenter qui ne soit vain ;
Pourquoi devrais-je en avoir honte ?

Je poursuivrai comme je peux,
Comme je dois, comme je veux ;
Il me plaît d’être un phénomène
Pour moi tout seul (c’est assez peu),
Croyez-vous que cela me gêne ?

Mes mots, mes goûts, ce que je suis
Sont dépassés mais je poursuis.

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