lundi 28 février 2011

Le Second Livre des Triolets.

A H.


Ma colombe, ma mie,
Qu'il est loin le beau temps
De nos belles envies;
Tout se perd ou se vend...

Mais vous pleurez, ma Douce,
Mais vous pleurez pourtant ?
C'est vrai rien ne repousse
Dans les jardins d'antan.

        ***

A Toi.

Ces quelques vers seront pour toi
Puisque c'est à toi que je pense,
Autant aujourd'hui qu'autrefois;
Ces quelques vers seront pour toi.

L'amour ne connaît qu'une loi,
La grande douleur de l'absence.
Ces quelques vers seront pour toi
Puisque c'est à toi que je pense

           ***

Chanson folle.

De brume, d'eau, de soirs d'été,
Voici pour une chanson folle,
Un refrain, une farandole
De brume, d'eau, de soirs d'été.

Dans l'ombre où chante chaque note,
Chaque cascade a murmuré
Une prière peu dévote
A ses désirs énamourés.

Chantez à ceux qui se désolent
Ce que je vous ai raconté,
Les vers de cette chanson folle
De brume, d'eau, de soirs d'été.

          ***
Doute.

Je suis très mécontent des vers,
Des strophes, de la poésie
Et de tout le temps que j’y perds ;
Je suis très mécontent des vers.

Je me demande à quoi me sert
D’y consacrer tant de ma vie ;
Je suis très mécontent des vers,
Des strophes, de la poésie.

            ***

Selon Magritte.

Ceci n’est pas un triolet,
Il fallait trouver autre chose,
Le « trop souvent » use et déplait ;
Ceci n’est pas un triolet.

Ceci n’est pas un triolet
Mais en descend et je suppose
Que l’on s’en rend compte de près ;
Ceci n’est pas un triolet,
Il fallait trouver autre chose.

          ***

Printemps.

Printemps pluvieux, printemps timide
Pour un amour qui n’en peut mais
Et des jours qui s’écoulent vides ;
Printemps pluvieux, printemps timide.

En attendant que se décide
Le moment d’être heureux en paix,
Printemps pluvieux, printemps timide
Pour un amour qui n’en peut mais.

              ***
Été.

La première heure sent le foin,
L’été dans la campagne claire,
Jusqu’à l’horizon et plus loin ;
La première heure sent le foin.

Le matin naît aux quatre coins
Des jardins bordés de lumière ;
La première heure sent le foin,
L’été dans la campagne claire.

            ***

Il pleut à verse sur les toits,
Je lis ces vers de Marguerite
Vous savez bien, la sœur du roi ;
Il pleut à verse sur les toits.

Ceux que je lis parlent de foi,
A ce faire ils ont du mérite,
Il pleut à verse sur les toits,
Je lis ces vers de Marguerite.

          ***

Il fait bien gris pour un jour de printemps,
Les fleurs des marronniers tournent et volent,
L’averse bat les toits au gré du vent,
Il fait bien gris pour un jour de printemps.

Il fait bien gris et je me plains du temps
En marchant dans ce froid qui me désole ;
Il fait bien gris pour un jour de printemps,
Les fleurs des marronniers tournent et volent.

                       ***

Mon pauvre vieux faiseur de phrases,
A quoi sers-tu donc ici-bas ?
A rien, et tes écrits me rasent,
Mon pauvre vieux faiseur de phrases.

Il doit te manquer une case,
Croyais-tu vivre de cela ?
Mon pauvre vieux faiseur de phrases,
A quoi sers-tu donc ici-bas ?

               ***

Je suis assis à ne rien faire
Si ce n’est à le regretter
Quand d’autres sauraient bien s’y plaire ;
Je suis assis à ne rien faire.

Tout cela pour un bon salaire,
L’Etat dépense sans compter,
Je suis assis à ne rien faire
Si ce n’est à le regretter.

             ***

Dites moi que tout est fini
Pour qu’à la fin tout recommence
En oubliant ces mois ternis ;
Dites moi que tout est fini.

Hélas, nous voilà désunis
Jusqu’au cœur même du silence ;
Dites moi que tout est fini
Pour qu’à la fin tout recommence.

             ***

Chant d'été.

C'est un chant dans l'obscurité
Dont chaque note me rappelle
Un soir d'un merveilleux été;
C'est un chant dans l'obscurité.

Combien te revoir m'a tenté,
Ma très Aimée, ma toute Belle;
C'est un chant dans l'obscurité
Dont chaque note m'ensorcelle.

             ***

Des règles.

Des règles, soit,
Mais pas de lois !
Écrire est-il une corvée ?
La chose est parfois arrivée
Quand je la prenais au sérieux:
Je m"en moque et me voilà mieux.
C'est un peu de joie retrouvée
Dont je serais presque orgueilleux.

              ***

Troncs nus et branches dépouillées
Dans un trop lumineux hiver,
Sur le cordeau gris des allées;
Troncs nus et branches dépouillées.

Quelles fêtes déjà conviées
Chantent ce refrain doux-amer,
Troncs nus et branches dépouillées
Dans un trop lumineux hiver ?

              ***



Un matin pâle de l'Hiver
Sur le pavé d'une ville déserte,
J'ai fait le chemin à l'envers;
Un matin pâle de l'Hiver

Il ne nous reste rien d'hier,
Pas même une porte entrouverte
Un matin pâle de l'Hiver
Sur le pavé d'une ville déserte.

             ***

Honte.

J’ai jugé honteux de trahir
Ainsi tout l’amour qu’il vous porte
Et méprisable de venir
En sourire ici de la sorte.
Ne l’avez-vous pas accusé
Et désiré qu'on le punisse ?
Pourquoi ? Le pauvre avait osé
Vouloir qu'on lui rende justice !
Vous en fîtes auprès de moi
La plus odieuse des peintures
Ce procédé vil et sournois
Entre-t-il dans votre nature ?
Il vous appelait son amour
N’a-t-il aimé qu'une hypocrite,
Et pour clore ici mon discours
Un être fourbe et sans mérite ?

             ***

Jardins Obscurs.

C'est une longue rue déserte
Par une froide nuit d'hiver
Où grince le lacis de fer
Rouillé des grilles entrouvertes.

Les arbres nus dressent, inertes,
Leurs branches où l'ombre se perd;
C'est une longue rue déserte
Par une froide nuit d'hiver.

Ces jardins obscurs déconcertent,
Abandonnés autant qu'offerts,
Aux nuits qui les ont découverts
Après tant de saisons souffertes;
C'est une longue rue déserte.

           ***

La Vie.

Je sais que c'est une prison
Malgré la porte grande ouverte
Et ce faux-semblant d'horizon;
Je sais que c'est une prison.

Du bon sens à la déraison,
Ce n'est pas toujours une perte;
Je sais que c'est une prison
Malgré la porte grande ouverte.

            ***

Le bureau.

C'est toujours le même bureau,
C'est presque le même silence,
Les jours sont juste un peu moins beaux;
C'est toujours le même bureau.

Meurent les amours, il le faut,
Les paroles se font absence,
C'est toujours le même bureau,
C'est presque le même silence.

              ***

Le Chemin du Ciel.

Les feuilles s'en vont une à une,
Joncher le sol d'un or déchu
Avec un bruissement ténu
Dans le froid d'une aube opportune.

La brume étend aux carrefours
La pâleur de ses matins tristes
Où les rues deviennent des pistes
Sur un fond gris d'arrière cour.

Sous les marronniers dépouillés
Qui tordent leurs branches austères,
Le ciel est bien loin de la terre
Surtout quand on y va à pied.

             ***

Les mots.

Un monde que peuplent les mots,
Ceux qui savent, ceux qui bredouillent,
Philosophes ou camelots,
Un monde que peuplent les mots,

De faux dogmes, de vrais ragots
Parfois au point que l'on s'embrouille;
Un monde que peuplent les mots,
Ceux qui savent, ceux qui bredouillent.

                 ***

Après l'Orage.

L'orage sombre a fui,
Par la fenêtre ouverte
Je respire la nuit;
L'orage sombre a fui.

La fraîcheur qui le suit
Danse d'un pas alerte,
L'orage sombre a fui,
Le vent l'a reconduit
Par la fenêtre ouverte.

        ***

Marais.

Le marais redit sans cesse :
L'ombre est ma chanson,
Combien de reflets s'empressent
Parmi les ajoncs ?

Novembre me tisse d’or
Entre ses averses,
L’été lumineux m’endort
Et le vent me berce.

         ***

Mea Culpa.

La patience n'est pas mon fort,
Pas plus que le sens du commerce,
Cela peur expliquer mon sort;
La patience n'est pas mon fort.

Tant pis, je m'en réjouis encor
Malgré tout ce que je traverse;
La patience n'est pas mon fort,
Pas plus que le sens du commerce.

              ***

Nocturne.

C'est une nuit qui sent l'été,
Le rêve et la légèreté
Et l'insouciance et la gaieté,
C'est une nuit qui sent l'été.

Il y danse mille folies
Pour mille vers de fantaisie;
C'est une nuit qui sent l'été,
Le rêve et la légèreté.

          ***

Question.

Et de ce jour ci que dit-on ?
Un jour de neige, un jour de pluie,
Un jour de peu mais de bon ton;
Et de ce jour ci que dit-on ?

Un jour de mieux que rien, sinon
Que ses heures se sont enfuies;
Et de ce jour ci que dit-on ?
Un jour de neige, un jour de pluie.

             ***

Répons.

Un triolet pour une rose ?
Et pourquoi pas pour un muguet,
Un baobab ou autre chose ?
Un triolet pour une rose ?

Quoiqu'on en dise je l'ose
Quitte à essuyer les sifflets.
Un triolet pour une rose
Et pourquoi pas pour un muguet ?

             ***

C'est une idée, un triolet
Qu'avec aisance je compose
Cette fois-ci pour un muguet;
C'est une idée, un triolet.

Comment être le plus complet
Et ne pas verser dans la glose ?
C'est une idée, un triolet
Qu'avec aisance je compose.

        ***
Saluez...

Saluez votre famille pour moi
Et je vous prie, saluez la mer,
La vague, les embruns m'étaient chers,
Peut-être viendrai-je une autre fois...

Allez marcher le long de la grêve
Où nous avons poursuivi à deux,
En un autre temps, le même rêve
Qui ces jours ci survit comme il peut.

Ici, sans doute, il n'en reste guère,
Du moins au cœur de notre présent,
Car dans nos deux mémoires se terre
Ce qui ne tourne pas avec le vent,

Ce qui ne s'enfouit pas sous la pierre,
Ce qui ne brûle pas au bûcher
Et ce qu'aucun argent ne conquière:
L'amour que rien ne peut arracher.

               ***


Hiver, Hiver, que me dis-tu ?
Que les semailles sont lointaines,
L'espoir plus que souvent déçu
Et toutes amours incertaines.

Hiver, Hiver, que me dis-tu ?
Tu me demandes, je réponds:
Que le plus beau des chants s'est tu
Et qu'il est des peines sans fond,
Qu'il est des printemps mal reçus
Et des étés froids sans moissons.

Hiver, Hiver, que me dis-tu ?
Qu'une femme pleure en sa peine
Des heures qui ne viendront plus,
Que les semailles sont lointaines,
L'espoir plus que souvent déçu
Et toutes amours incertaines.

               ***

Surdité.

Autant en emporte le vent,
C'est une assez vieille habitude
Quand je parle nul ne m'entend:
Autant en emporte le vent.

Un courant d'air indifférent
Balaye ainsi ma solitude:
Autant en emporte le vent,
C'est une assez vieille habitude.

              ***
Toute la nuit.

De l'abandon, de la tendresse
Et devant nous toute la nuit,
Dont les fils de l'écheveau tressent
De l'abandon, de la tendresse,

Et dont les mots sans fin caressent;
La douceur d'un regard et puis
De l'abandon, de la tendresse
Et devant nous toute la nuit.

               ***

Un seul amour.


Il n'y avait qu'un seul amour
Qui ne dura que sept années,
La tristesse dure toujours;
Il n'y avait qu'un seul amour.

Sept ans c'est, je trouve, bien court,
Pour une parole donnée,
Il n'y avait qu'un seul amour
Qui ne dura que sept années.

            ***

A Lire.

Lirez-vous encore ceci,
Il n'y a guère que huit lignes,
C'est un message assez concis;
Lirez-vous encore ceci ?

Vous êtes loin, je suis ici,
Vous aimant - mais à quoi bon ainsi ?-
Lirez-vous encore ceci,
Il n'y a guère que huit lignes...

             ***

Comme il se doit un mois d'Avril,
Un rien d'amour, un grand sourire,
Tous les deux tissés fil à fil,
Comme il se doit un mois d'Avril.

Le thème n'a rien de subtil
Pas plus que ce que je désire,
Comme il se doit, un mois d'Avril,
Un rien d'amour, un grand sourire.

              ***

Chanson passagère.

De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère,
Refrain de joie au fil de l'eau,
De cascades ou de ruisseaux.

Quand chaque rime fait assaut
De reflets joyeux, de lumière,
De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère.

            ***

Danse.

Entre le ciel et l'horizon,
Dessinant de lentes spirales,
Dansent mollement des flocons,
Entre le ciel et l'horizon.

Mélancolique et de saison,
Tombe la neige virginale
Entre le ciel et l'horizon,
Dessinant de lentes spirales.

           ***
Douleur.

Une strophe pour la douleur
Qui ce soir sans répit m'assaille,
D'elle ou de moi qui est l'auteur ?
Une strophe pour la douleur.

Et pour un sourire moqueur
La seconde comme trouvaille;
Une strophe pour la douleur
Qui ce soir sans répit m'assaille.

           ***
Gel.

Au bord de ce ruisseau glacé
Poussent des joncs couleur de paille
Près d'arbres tors et dépouillés,
Au bord de ce ruisseau glacé.

Ornés de givre et de grisaille
Poussent des joncs couleur de paille
Que l'hiver a pris dans ses mailles
Au bord de ce ruisseau glacé.

               ***



Hier.

Un matin pâle de l'Hiver
Au long d'une ville déserte,
J'ai fait le chemin à l'envers;
Un matin pâle de l'Hiver

Il ne nous reste rien d'hier,
Pas même une porte entrouverte
Un matin pâle de l'Hiver
Au long d'une ville déserte.

           ***

Il pleut.

Il pleut sur la plaine d'hiver
Au fond d'un matin de grisaille
Où la forme des bois se perd;
Il pleut sur la plaine d'hiver.

Tristesse des chemins déserts
Aux champs sans espoir de semailles,
Il pleut sur la plaine d'hiver
Au fond d'un matin de grisaille.

            ***

La Mort.

La Mort a si belle tournure
Qu'elle a voulu se marier
Mais la tombe est pleine d'ordure;
La Mort a si belle tournure...

Et la belle qui n'en a cure
Cherche toujours un fiancé,
La Mort a si belle tournure
Qu'elle a voulu se marier.

          ***

Les Mille Couplets.

Les bois décharnés de l'hiver,
Le rocher gris, grise la mer,
Le ciel où le regard se perd,

La lande où le vent se désole,
Où le jour lentement s'étiole
A l'heure où les corbeaux s'envolent,

Et le chant des mille couplets,
Mille ans et bien plus de regrets;
Chante encore, moi je me tais.

Chante l'orée et le passage,
Là bas la tour, là le village,
Et l'assemblée et le naufrage,

La fiancée, l'attente en vain,
Et le guerrier et le marin,
Un seul début, combien de fins ?

Chants des Anciens, chant de mémoire
Aux mille couplets dérisoires
Pour qui l'entend et peut le croire.

Chante encore, moi je me tais,
On dit qu'il vient, est-ce bien vrai,
Et que la légende renaît ?

Depuis les cloches englouties,
La bruyère autrefois fleurie
Et le port des Âmes Péries,

Au bord des amers, les embruns,
Il chante ainsi, mon cœur défunt,
Mille couplets qui n’en font qu’un.

             ***

Liberté.

Il n'y a qu'une liberté
Dont toutes les autres dépendent:
L'or sur lequel on peut compter;
Il n'y a qu'une liberté.

Mon âge m'a fait écarter
Les faux auxquels tant condescendent:
Il n'y a qu'une liberté
Dont toutes les autres dépendent.

          ***

Ma Muse.

Ma Muse, dites-moi, que cherchons-nous encore,
Que valons-nous vraiment et que faisons-nous là,
L'âge nous a vêtu, ses rides nous décorent,
Nous avions tant ! Qui sait quand le tout s'envola ?!

La jeunesse nous offre une courte créance,
Par après, plus jamais, nul ne nous fait crédit;
Au jour inéluctable où lever la séance
Nous sommes débiteurs et voilà tout est dit.

        ***

Matin d'été.

Dans la lumière d'un matin
Qui sent les fleurs et l'herbe sèche
La ville a pris l'air d'un jardin;
Dans la lumière d'un matin.

Pour ce bonheur d'un jour de juin
Tout l'univers semble de mèche
Dans la lumière d'un matin,
Qui sent les fleurs et l'herbe sèche.

          ***

Mon jardin.

Mon jardin ne reviendra pas,
Pas plus que ne fera l'enfance,
La joie d'alors qui se leva
Est maintenant en déshérence.

Quant à l'insouciance des jours,
Quant à la paix des certitudes,
Leur temps fut encore plus court
Comme leur destin fut plus rude.

On ne perd pas que ses cheveux
Au fil tranchant du temps qui passe,
Heureusement cette vie lasse
Et la cendre étouffe le feu.

          ***

Poitiers.

Je me souviens de nos paroles
Et je me souviens de Poitiers
Mais les mots les plus beaux s'envolent;
Je me souviens de nos paroles.

Plus que tout ce qui me désole
C'est que vous puissiez oublier,
Je me souviens de nos paroles
Et je me souviens de Poitiers.

      ***

Regret.

Nul ne sait que j'existe,
Poète, auprès de "vrais" auteurs
Et cela me rend un peu triste,
Nul ne sait que j'existe.

Qu'on juge un jour de ma valeur
Est-ce en quoi mon bonheur consiste ?
Nul ne sait que j'existe,
Poète, auprès de "vrais" auteurs.

      ***

Retour.

Mélancolie au rythme d'un retour,
Petit matin sous un ciel de décembre,
La joie et le plaisir sont courts;
Mélancolie au rythme d'un retour.

Sur l'horizon des mauvais jours,
Petit matin sous un ciel de décembre
Dont le froid me raidit les membres:
Mélancolie au rythme d'un retour.

       ***

Sans.

Il n'a pas eu beaucoup de chance
Ce grand amour dont nous rêvions,
De l'hésitation à l'absence,
Il n'a pas eu beaucoup de chance.

Quelle valeur a l'espérance
Après tant et tant d'illusions ?
Il n'a pas eu beaucoup de chance
Ce grand amour dont nous rêvions.

      ***

Souvenir.

Du Louvre jusqu'à Saint-Germain
Danse encore un peu de tendresse
Et le temps siffle mon refrain,
Du Louvre jusqu'à Saint-Germain.

Le souvenir est-il si vain
Dont tant de douceur me caresse ?
Du Louvre jusqu'à Saint-Germain
Danse encore un peu de tendresse.

        ***

Un Quatrain.

C'est un quatrain délimité
Par le cours de la rime
Et sa brièveté
Mais où mon amusement prime

Et, vous m'en voyez révolté,
C'est là que mon vers se termine.

***

Une croix.

Tombe la neige sur la ville
Dans cet hiver toujours plus froid
Où nul espoir ne se faufile;
Tombe la neige sur la ville.

Sous les toits blancs, l'ombre immobile
Et dessus mon cœur une croix,
Tombe la neige sur la ville
Dans cet hiver toujours plus froid.

        ***

Une année s’allonge et passe,
Voici le lys en haillons,
Il s’en faut que je me lasse;
Voici le lys en haillons.

Le combat laisse ces traces,
Allons donc et guerroyons,
Une année s’allonge et passe,
Voici le lys en haillons.

       ***

Au décès d’une « vedette ».

Le monde pleure un histrion,
Tout le reste est sans importance,
Pleurons mes frères et prions ;
Le monde pleure un histrion.

Malheur à qui dira « rions »,
C’est l’heure des condoléances,
Le monde pleure un histrion,
Tout le reste est sans importance.

      ***

D’un mot je ferais cent poèmes,
Cent mélodies et cent refrains
Pour l’amour de celle que j’aime,
D’un mot je ferais cent poèmes.

Elle m’attend et quand bien même
Je resterais ici, contraint,
D’un mot je ferai cent poèmes,
Cent mélodies et cent refrains.


      ***

Dans ces piles de vieux papiers
Je trouve bien plus de poussière
Que de bons moments oubliés ;
Dans ces piles de vieux papiers.

J’espérais glaner par milliers
Des souvenirs pleins de lumière,
Dans ces piles de vieux papiers
Je trouve bien plus de poussière.

      ***

Comme fait le vent je murmure
Une chanson dans l’air du temps,
Peut-être que chanter rassure ;
Comme fait le vent je murmure.

De bonne ou de mauvaise augure,
Des notes pour chaque moment ;
Comme fait le vent je murmure
Une chanson dans l’air du temps.

       ***

Octobre ici.

L’eau qui fuit sous le pont de pierre
Reflète les marronniers roux ;
Telles amours, telles rivières,
Que nous demeure-t-il du tout,
De nos tendresses singulières ?
L’eau qui fuit sous le pont de pierre.

Octobre a beau jeu d’être doux,
Je sais ce qu’il laisse en arrière
D’espoir et de désir jaloux ;
L’eau qui fuit sous le pont de pierre
Reflète les marronniers roux.

         ***

Octobre ailleurs.

Au bord de la Loire un mardi
Où tout le vignoble chatoie,
C’est une douce après-midi,
Au bord de la Loire un mardi.

Octobre, en sourires, finit,
Teinté de paix, teinté de joie,
Au bord de la Loire un mardi
Où tout le vignoble chatoie.

         ***

Un soir d’Automne au vent trop doux,
Nuages gris, mélancolie,
Mes vers, la nuit et puis c’est tout ;
Un soir d’Automne au vent trop doux.

Bribes, souvenirs par à coups,
Que me reste-t-il de ma vie ?
Un soir d’Automne au vent trop doux,
Nuages gris, mélancolie.

***

Hiver quand donc finiras-tu ?!
Je n’en peux plus d’aubes glaciales,
De soirs de neige revêtus ;
Hiver quand donc finiras-tu ?!

Maudits soient les glaçons têtus
Qui brillent aux midis trop pâles ;
Hiver quand donc finiras-tu,
Je n’en peux plus d’aubes glaciales !

          ***

Belle, qu’êtes-vous devenue ?
Dans ce rêve dont je reviens
L’amour était une avenue ;
Belle, qu’êtes-vous devenue ?

De grande route entraperçue
En sentier qui ne mène à rien,
Belle, qu’êtes-vous devenue
Dans ce rêve dont je reviens ?

           ***

A haute voix je lis un livre
Qui fleure bon le vieux papier,
C’est là ma façon de bien vivre :
A haute voix je lis un livre.

Ce plaisir auquel je me livre
Est solitaire et sans loyer ;
A haute voix je lis un livre
Qui fleure bon le vieux papier.

         ***

Beau souvenir que celui d’une rime
Où se cache encor l’émotion
Quand tout le reste autour s’abîme ;
Beau souvenir que celui d’une rime.

Jeux de mots, de vers et de mimes
Servant toujours une ancienne passion :
Beau souvenir que celui d’une rime
Où se cache encor l’émotion.

          ***

Les jours où nul soleil ne brille
J’ai du moins l’éclat de vos yeux
Et l’or de ce vin qui pétille,
Les jours où nul soleil ne brille.

Vos yeux comme deux escarbilles
S’ils sont de rire ou bien furieux,
Les jours où nul soleil ne brille
J’ai du moins l’éclat de vos yeux.

           ***

La route enfin et librement
Qui se suffit à elle-même
Et l’art de voyager content ;
La route enfin et librement.

Je m’en vais où souffle le vent,
Je ne change pas trop de thème :
La route enfin et librement
Qui se suffit à elle-même.

           ***

Parfois je me trouve miteux,
Parfois je me trouve génial,
Le plus souvent entre les deux ;
Parfois je me trouve miteux.

Écrire des couplets vieux-jeu
C’est un amusement spécial,
Parfois je me trouve miteux,
Parfois je me trouve génial.

             ***

Je ne vois même plus la foule
Qui défile sur les trottoirs,
Un autre temps pour moi s’écoule ;
Je ne vois même plus la foule.

C’est mon passé que je déroule ;
En arpentant sans fin le soir
Je ne vois même plus la foule
Qui défile sur les trottoirs.

           ***

Écris donc un conte de fée
Car l’aube est froide et l’hiver long,
Le monde a perdu la raison
Et tu sais le poids des années.

Oublie les heures envolées
Et les amours de noir voilées ;
Écris donc un conte de fée.

Une belle histoire animée
D’esprits farceurs et sans façons,
De follets, de nains rubiconds,
D’une princesse bien aimée ;
Écris donc un conte de fée.

          ***

Tu te regardes dans la glace
Et tu ne te retrouves plus,
Qui donc a pu prendre ta place ?
Tu te regardes dans la glace.

C’est une longue marée basse
Sur la grève des jours déçus ;
Tu te regardes dans la glace
Et tu ne te retrouves plus.

           ***

Ne me parlez pas de famille
Et ne me parlez pas d’amour
Ce soir où les étoiles brillent ;
Ne me parlez pas de famille.

Mes vers à l’occasion s’habillent
D’un pessimisme sans détours ;
Ne me parlez pas de famille
Et ne me parlez pas d’amour.

           ***

Dans l’ombre claire d’un noyer
Il passe lentement des heures
De chaleur à tout oublier,
Dans l’ombre claire du noyer.

De partout on voit ondoyer
L’air brûlant où midi demeure ;
Dans l’ombre claire d’un noyer
Il passe lentement des heures.

          ***




J’ai regardé couler le fleuve
Aux étés de ces quarante ans,
Chaque heure est-elle vraiment neuve
Ou le simple reflet d’antan ?
J’ai regardé couler le fleuve.

Si le même souvenir m’abreuve
Comme l’eau qui s’en va chantant,
J’ai de mon âge autant de preuves
Que ce flot m’offre en s’enfuyant,
Parfois ma plume se sent veuve
De ses plus merveilleux élans ;
J’ai regardé couler le fleuve.

           ***

Sous un ciel d’un bleu de faïence,
Sur un beau coteau de Quercy,
Mon vers exerçait sa patience ;
Sous un ciel d’un bleu de faïence.

Usant un peu son expérience
Au jeu des poèmes concis,
Sous un ciel d’un bleu de faïence,
Sur un beau coteau de Quercy.

           ***



Pour quelques mots de religion
La flamme a noirci bien des pierres
Dans l’une et l’autre direction ;
Pour quelques mots de religion.

Clochers ruinés, malédictions,
Âmes de poudre et de colère,
Pour quelques mots de religion
La flamme a noirci bien des pierres.

           ***

Les chemins sont peu fréquentés
Qui vont de village en village
Dans la lumière de l’été ;
Les chemins sont peu fréquentés.

Les murs de châteaux dévastés
Me racontent d’anciens orages ;
Les chemins sont peu fréquentés
Qui vont de village en village.

         ***

Budléïa.

Devant un « arbre à papillons »
Je souris à ma propre enfance,
A ce jardin où nous jouions
Devant un « arbre à papillons ».

Ma grand-mère inventait des noms,
Je m’en souviens parfois par chance,
Ainsi de « l’arbre à papillons »
Où me sourit ma propre enfance.

       ***

Galiot de Genouillac.

Galiot fut Écuyer de France,
Grand Maître de l’artillerie,
Au vieux temps des lys et des lances ;
Galiot fut Écuyer de France.

Bon chevalier, plein de vaillance,
Sans vanité ni ladrerie,
Galiot dut Écuyer de France,
Grand-Maître de l’artillerie.

Ses canons gagnèrent au roi
Bien des combats mais non Pavie
Dont il acquit et à bon droit,
C’était au péril de sa vie,
Grande gloire et belle prestance ;
Galiot fut Écuyer de France,
Grand-Maître de l’artillerie.

          ***

La pluie goutte sur le noyer
Murmurant son refrain nocturne
Où passent des mots oubliés ;
La pluie goutte sur le noyer.

Et les heures traînent les pieds
Aux coins de ce lit taciturne ;
La pluie goutte sur le noyer
Murmurant son refrain nocturne.

           ***


La nuit s’enfuit, je pense à toi,
Les jours passés sont inutiles,
Demain ne peut-être qu’un choix ;
La nuit s’enfuit, je pense à toi.

Pour nous les chemins sont étroits
Et les souvenirs sont futiles ;
La nuit s’enfuit, je pense à toi,
Les jours passés sont inutiles.

          ***

C’est bien ainsi qu’il faut passer son temps :
A réfléchir pour trouver une rime,
A composer un vers soigneusement ;
C’est bien ainsi qu’il faut passer son temps.

Futilités, sottises, boniment,
Je crois, que tout le reste et même un crime…
C’est bien ainsi qu’il faut passer son temps :
A réfléchir pour trouver une rime.

           ***
Triolet en répons.

Heureux le rêveur bien nourri
Qui sacrifie à sa paresse
En s’occupant de ses écrits ;
Heureux le rêveur bien nourri.

Les autres n’ont pas ce souci,
La nécessité les oppresse ;
Heureux le rêveur bien nourri
Qui sacrifie à sa paresse.

           ***

Suite.

Pauvre chère et cœur las,
La critique est facile,
J’ai connu tout cela :
Pauvre chère et cœur las.

Entre ronce et lilas,
Quand tout est difficile
Et que plus rien ne va
Quand le peu qu’on a file,
Pauvre chère et cœur las,
La critique est facile ;
J’ai connu tout cela.

        ***

Combien me font défaut
Les jardins de Verlaine
Et des vers de Rimbaud
Combien me font défaut ?


De Villon me défaut
L’argot des tirelaines
Et le « Desdichado »
Et les chimères vaines
De Nerval, en un mot,
Je le vois avec peine,
Combien me font défaut
Les jardins de Verlaine
Et les vers de Rimbaud.

         ***

Je me suis mis à la retraite
D’un métier choisi par erreur,
Je suis parti comme un voleur ;
Je me suis mis à la retraite.

Je suis parti de bonne humeur
Mais sans que « fortune soit faite »,
Je me suis mis à la retraite
D’un métier choisi par erreur.

         ***

Le dit du Thérapeute.

Conserver quelque inhibition
Est source de paix et de joie,
C’est une sage précaution :
Conservez quelque inhibition.

Hélène sert ma suggestion :
Évitez le ménage à Troie ;
Conserver quelque inhibition
Est source de paix et de joie.

         ***

Je vis de rêves et de peu
N’ayant ni pouvoir ni subsides,
N’est-ce pas ce qu’on nomme un gueux ?
Je vis de rêves et de peu.

A l’âge où l’on est déjà vieux,
Mes jours et mes poches sont vides ;
Je vis de rêves et de peu
N’ayant ni pouvoir ni subsides.

        ***

Tombe la neige sur la ville
Dans cet hiver toujours plus froid,
De l’aube au crépuscule hostile
Tombe la neige sur la ville.

Les arbres noirs dorment en files
Dans un demi-jour maladroit ;
Tombe la neige sur la ville
Dans cet hiver toujours plus froid.

        ***

L’Hiver de l’Amour. I.

Le premier de mes triolets
Disait le bonheur de t’écrire,
Je m’en souviens non sans regrets ;
Le premier de mes triolets.

Celui-ci n’est pas guilleret,
Crains que le suivant ne soit pire !
Le premier de mes triolets
Disait le bonheur de t’écrire.

           ***

L’Hiver de l’Amour. II.

Janvier est un mois très avare
Et de tendresse et de douceur
Et les sourires s’y font rares ;
Janvier est un mois très avare.

Faut-il que l’hiver nous sépare ?
Faut-il qu’il nous glace le cœur ?
Janvier est un mois très avare
Et de tendresse et de douceur.

        ***

L’Hiver de l’Amour. III.


J’écrivis ceci par tristesse
Le soir d’un dimanche d’hiver :
Il n’est pas d’amour qui ne blesse ;
J’écrivis ceci par tristesse.

Mais le dernier que l’on caresse
Est aussi celui qui vous perd,
J’écrivis ceci par tristesse
Le soir d’un dimanche d’hiver.

            ***

Tôt le matin, le long des quais
A l’heure où hiver se complaît
Aux cendres bleutées du silence,
Un passant lentement s’avance,
Tôt le matin le long des quais.

Depuis le temps, je le connais,
Il va marchant sans impatience,
Tôt le matin, le long des quais
A l’heure où hiver se complaît
Aux cendres bleutées du silence.

Et quant à dire ce qu’il fait
Et quant à dire ce qu’il pense
Peu vous importe et je me tais

Tôt le matin, le long des quais.

             ***

A une Petite Chienne.

Adieu la flamme et l’étincelle
Et l’espérance de l’amour,
Le froid et l’hiver pour toujours
Et plus jamais de fleurs nouvelles.

L’aube où la lumière est si belle
N’est plus pour toi, j’ai le cœur lourd ;
Adieu la flamme et l’étincelle
Et l’espérance de l’amour.

C’est bien en vain que je t’appelle
Car la mort n’a pas de recours,
Il n’y aura pas de retour,
Que les larmes aux mots se mêlent ;
Adieu la flamme et l’étincelle.

           ***

Pèlerin.

Après ce chemin sous l’averse,
Salut au maître de maison,
Mettrez-vous ce tonneau en perce
Après ce chemin sous l’averse ?

Béni soit l’échanson qui verse,
Fusse un peu plus que de raison ;
Après ce chemin sous l’averse,
Salut au maître de maison.

             ***

Sous le ciel d’un printemps nouveau
Il coule une source d’eau claire,
Aux reflets d’argent sans défaut ;
Sous le ciel d’un printemps nouveau.

J’écoute chanter le ruisseau,
Le monde vaque à ses affaires ;
Sous le ciel d’un printemps nouveau
Il coule une source d’eau claire.

            ***

Triolet pour la solitude
Et le silence de la nuit
Pour un peu plus qu’une habitude ;
Triolet pour la solitude.

Ces heures là sont les plus rudes
Quand le meilleur a déjà fui ;
Triolet pour la solitude
Et le silence de la nuit.

          ***

Un mot d’amour, un jour d’été,
Pour faire une stance fantasque
Que le vent saura t’apporter ;
Un mot d’amour, un jour d’été.

Des vers joyeux à raconter
Comme un carnaval et ses masques ;
Un mot d’amour, un jour d’été,
Pour faire une stance fantasque.

              ***

Balcon.

Je n’ai pour jardin qu’un balcon
Et pour l’orner trois jardinières,
Il faut se faire une raison
Je n’ai pour jardin qu’un balcon.

Mais c’est assez peu dans le fond
Pour qui rêve lilas, bruyère,
Roses, tonnelles et rivières ;
Je n’ai pour jardin qu’un balcon
Et pour l’orner trois jardinières.

                ***

Je passe mes nuits à écrire
Et tous mes jours à m’attrister
Que cela ne puisse suffire ;
Je passe mes nuits à écrire.

Finalement et c’est le pire,
Je ne fais rien de qualité
Mais je parviens à en sourire
Quoique ce soit en aparté ;
Je passe mes nuits à écrire
Et tous mes jours à m’attrister.

                 ***

Et dans le registre amoureux,
Mon cœur, mon horizon, ma chère,
Un triolet de plus, c’est peu,
Mais dans le registre amoureux.

Demain je nous vois bienheureux
C’est du moins ce que me suggère
La cendre qui couvre le feu :
C’est dans le registre amoureux,
Mon cœur, mon horizon, ma chère…

               ***

Allons faire une promenade
Par les chemins gris du printemps.

Malgré le froid d’un ciel maussade
Allons faire une promenade.

Mai derrière cette façade
S’annonce déjà, je le sens ;
Allons faire une promenade
Par les chemins gris du printemps.



               ***

Les jardins sont fermés de grilles,
De branches, d’ombre et de buissons,
L’Hiver est vêtu de guenilles,
De glands, d’écorce et de frissons ;
Les jardins sont fermés de grilles.

Qu’à peine un rai de soleil brille,
Les feuilles viennent aux bourgeons,
Les fleurs semblent des escarbilles,
Tous les champs rêvent de moisson
Et les jardins fermés de gilles
S’ouvrent aux enfants polissons.

            ***

Dédicace.

Encore un poème d’amour
Fait en forme de dédicace,
C’est un hommage mais bien court.
Encore un poème d’amour.

Pour qu’il soit le premier un jour
Il est à la dernière place ;
Encore un poème d’amour
Fait en forme de dédicace.

            ***

lundi 21 février 2011

Folies.


J'ai peu à dire ou n'en ai pas envie,
Je suis un fou
Et voilà tout,
Car rire, enfin, sans doute c'est folie.

J'ai peu à dire ou n'en ai pas envie,
Car pour le coup
Aimer m'est doux;
Aimer aussi, sans doute c'est folie.

J'ai peu à dire ou n'en ai pas envie,
Forgez des clous,
C'est votre goût
Puisque prier, sans doute c'est folie.

J'ai peu à dire ou n'en ai pas envie,
Mais couchez-vous
Dans quelque trou
Car vivre, hélas, c'est sans doute folie.

                ***

Strasbourg. - Une Université Wilhelminienne.



Sur fond d'hiver navrant et gris,
Par les allées wilhelminiennes,
Désertes cette après-midi,
Tout un siècle passé s'inscrit.

Les triangles noirs des frontons
Surmontent les porches sévères
Des instituts campés d'aplomb,
Glorieux de leur sciences austères

Et glorieux de ce reich allemand
Dont les puissantes certitudes
Dans la pierre à chaque passant
Disent la force et l'habitude.

Jéna, Heidelberg ou Berlin,
De gré sombre et de brique rouge,
Le savoir autant que le Rhin
Sont allemands et rien ne bouge.

                ***

mercredi 16 février 2011

Utopies et Chansons. Folio 5. Utopies.


Les Deux.


L’une des deux m’est bien connue
Et j’ai beaucoup écrit sur elle
Quant à l’autre, quoique nouvelle,
Elle n’est pas la bienvenue.

Elles se valent toutes deux
Et ce ne sont pas des amies ;
Je vis avec come je peux
Des heures longues et subies.

Je les connais sans le vouloir,
Chacune d’entre elles s’installe
A sa guise et voudrait pouvoir
Obtenir plus que sa rivale.

Faisons sortir le loup du bois :
L’une se nomme « Solitude »
Et l’autre « Fatigue » et ma foi
L’une et l’autre sont aussi rudes.

La première a gâché mes nuits
Et la seconde mes journées,
Par leur faute toute paix fuit
Et toute harmonie est ruinée.

Comment chasser hors de chez moi
Ces deux souillons, ces deux harpies,
Empoisonneuses sans émoi
Des moindres moments de me vie ?

Quant à les noyer dans le vin
Il y faudrait plus grand qu’un foudre,
Les jeter au vent du Destin :
Qui saurait les réduire en poudre ?

             ***

Jamais siècle ne vit un tel torrent de mots
Ecrits ou prononcés par tant et tant de sots,
Sots au nombre desquels, c’est certain, je me compte
Et de l’admettre ici, je n’en ai pas moins honte.
Des mots remplis d’orgueil et de fatuité,
Des mots plein d’ignorance et d’agressivité,
Des mots fourbes, clinquants, coléreux et sordides,
Des mots de convention et surtout des mots vides.
Que lèguerons-nous donc, tous les autres et moi,
A nos pauvres enfants ? Quelques vagues émois
Cultivés à plaisir et des forfanteries,
Beaucoup de lieux communs et de coquetteries
Et mille brimborions que nous disions sérieux ;
J’espère qu’en leur temps ils sauront faire mieux !

                         ***

J’ai voulu vivre et penser librement,
Nul n’aura pu régenter ma conscience,
Hors moi, ni m’imposer son jugement ;
J’ai voulu vivre et penser librement.

A qui fait autrement, je dis : « bon vent »
Sans proposer une nouvelle audience ;
J’ai voulu vivre et penser librement,
Nul n’aura pu régenter ma conscience.

                 ***

Je voudrais bien parler un peu,
De mes livres, de mes amours,
De la fuite des jours
Et des souvenirs de mes jeux.
Je voudrais parler de ma vie
De mes espoirs
Et de mes utopies
Surtout à cette heure du soir
Où l’on allume les lumières,
Où l’on se prépare à la nuit
Où l’on retrouve d’ordinaire
Les siens, mais moi j’en suis réduit
A l’écrire sur une page,
Faute de mieux
Et faute d’entourage :
C’est ainsi que l’on devient vieux.

              ***

Je repars le sac sur le dos
Pour aller gagner ma pitance
Mais c’est en rêvant de repos
Que je traverse ainsi la France
Et c’est en maugréant aussi :
Combien d’autres vivent tranquilles,
Combien d’autres sont sans soucis
Quand je vaque aux tâches serviles
Qui viennent assurer mon sort ?
Mais pour d’autres la vie est pire
Et vous me dites que j’ai tort ?!
Taisez-vous ou laissez-moi rire !
On se compare à ceux qu’on vaut,
On ne juge la réussite
Que de ceux qui vous sont égaux
Et qui n’ont pas plus de mérite !
On se rebelle avec raison
Contre cet injuste partage
Qui donne aux uns une prison,
Aux autres tous les avantages !

              ***

Grisaille du temps et de l’esprit
Comme il est séant aux mois d’automne
Que le froid trop précoce assaisonne ;
C’est le contraire qui m’eût surpris.

Pour demain, premier du mois d’octobre,
C’est vrai, l’Hiver revient d’un pas lent,
Pour le six : c’est un enterrement
Qu’il faut rappeler par des mots sobres.

La tristesse est un pêché tentant,
Il s’en faut de beaucoup qu’il nourrisse ;
Je le laisse, il fut longtemps le vice
Que je cultivais en plaisantant.

Je n’ai plus les moyens qu’il me coûte.
L’Hiver sera quiet, indifférent :
J’espérais mais aujourd’hui j’apprends,
Je savais hier, aujourd’hui je doute.

                 ***

Faiseur de strophes et de vers
Peux-tu me dire à quoi tu sers ?
De tous ces mots de toutes sortes,
De ces chansons que tu m’apportes,
Dis-moi ce que je puis tirer ?
Je t’y vois rire ou soupirer
Mais qu’ai-je à faire de tes peines,
De tes plaisirs ou de tes gênes ?
Je dois vivre et le monde est dur,
Il faut manger et puis, c’est sûr,
Mes propres soucis me tourmentent ;
Ce n’est pas l’art qui me contente,
C’est ma compagne et nos enfants,
Ce sont mes loisirs et l’argent,
Le vin parfois, la bonne chère
Et non la rime qui t’est chère.

              ***

J’ai rêvé à bâtons rompus
D’un beau jour d’éternel printemps,
L’aube sans doute m’a déçu
Et la journée pareillement.

De froide averse en ciel trop gris,
De trottoirs à perte de vue,
En malheureux. De malappris,
En malvenus
Et de bureaux en avenues,
D’embouteillages,
En temps perdu,
Mon rêve et ses belles images
Et tout ce que j’avais conçu
Ont fait naufrage.

Mais quoiqu’il en aille autrement,
Je ne me tiens pas pour battu,
Ainsi ce soir en m’endormant,
Sans crainte du moindre imprévu,
Le monde sera comme avant.

            ***

Mon bonheur se nourrit de soleil et d’espace,
De silence et de paix, d’histoire et de beauté
Bien au-delà des mots ; il n’y est point de place
Pour la vaine amertume ou la rigidité,
L’étroitesse d’esprit, l’inutile colère,
Pour la fausse piété ni pour l’humiliation.
Mon bonheur se nourrit d’espoir et de lumière
Comme de connaissance et puis de réflexion…
Mon bonheur s’est nourri et se nourrit de livres,
De toutes formes d’art et du verbe harmonieux
Des poètes aimés dont les vers me délivrent
Du poids de mes chagrins jusqu’à m’ouvrir les cieux.
Ma prière est de Foi, mon amour est tendresse,
A ma propre mesure et si c’est là trop peu,
Du moins n’ai-je pas fait d’étonnantes promesses,
Ni joué de ces jeux dont l’honneur est douteux.

                       ***


Une pénombre douce
Où l’automne sourit,
Le long d’un trottoir gris
Jonché de feuilles rousses,
Un vague promeneur
Dont le pas déambule,
Tranquillement flâneur,
Au bout du crépuscule.
Chaque rue a changé
Et ce n’est plus la ville
Qu’elle offre à partager
Mais un rêve tranquille
D’ombres et de clartés,
Un beau jour qui se fane
Au refrain murmuré
De quelque vieux platane
Tout de nuit décoré.

        ***

Avec quels mots, dans quel langage
Rendre tout ce que je ressens
De la beauté d’un paysage
A l’heure où le soleil descend
A travers l’ombre des feuillages
De roux et d’ors incandescents ?
Que puis-je écrire sur ma page
Pour dire cet apaisement
D’un instant où l’on envisage
Le monde aussi tranquillement ?
Alors la vie est ce voyage
Heureux, mélancolique et lent
Où les tristesses de passage
Ne vous causent plus de tourments,
Un flot que de calmes rivages
Voient s’écouler paisiblement.

             ***

Sonnet du Départ.

Je repars à nouveau sur des chemins de pierre
Où le pas sonne haut dans le désert du monde,
La nuit est sans façon, la lune est rubiconde ;
Je m’en vais retrouver des routes familières.

Car de mots sourcilleux en phrases casanières,
L’existence manquait quelque peu de faconde,
Il fallait qu’un effort à tant d’ennui réponde ;
Il était plus que temps de passer la barrière.

L’humour a son gardien que l’on nomme raison,
Les censeurs, quelqu’ils soient, ignorent l’horizon,
Je n’avais qu’un désir : retrouver le hasard,

Retrouver le sourire et les goûts ingénus
Des surprises sans fin où le cœur a sa part ;
Je reprends le chemin autrefois reconnu.

                   ***

La neige se précipite dans la nuit
En lourds flocons que le vent hâte et poursuit
Entre les ombres froides au bord des rues.
Dans la nuit d’hiver une ville inconnue
S’endort au fond d’un silence chatoyant
Dessous un manteau de cristal ondoyant
Tout pailleté d’or au pied des réverbères.
Dans ce monde ouaté d’heures éphémères
Des traces de pas qui ne vont nulle part
Donnent tout le sens de la vie et de l’art.
Sous un ciel noir d’une profondeur immense,
Quelle preuve garde-t-on d’une existence
Qui sans cesse se rêve autant qu’elle se ment ?
Il neige toujours, il neige obstinément.
Le vent danse, le vent fait des glissades,
De toit en toit, de balcons en façades,
Un vent glacial et qui rit largement ;
Il neige toujours, il neige obstinément.

                 ***

J’aimerais faire une visite
Au bord brumeux de l’océan
Où la vague et le vent s’irritent
Sans fin de battre le néant.

Un petit tour sur ces falaises
Où tant de nuages s’en vont,
Où les grains défilent à l’aise
Du plus lointain de l’horizon.

Par un jour de perle et d’opale,
Dans la douceur d’un faux printemps,
Sur la grève semée d’or pâle,
Une promenade à pas lents.

Une balade sans paroles
Afin de goûter le présent
Et si quelque ombre s’en désole,
Ce n'est pas celle que j’attends.

         ***

Deux Figurines.

C’est un marquis d’Ancien Régime
Qui, la fleur à la main, sourit,
A quelque dame qu’il estime
Ou bien dont son cœur est épris.

Dans leurs sourires délicats,
D’une grâce un peu désuète,
Semblent passer tous les appâts
Des Parcs où s’abritaient leurs fêtes.

Tous deux ont l’élégance ancienne
D’un monde trop civilisé
Qui s’amusait quoiqu’il advienne
Et dont les jours étaient aisés.

A deux figurines en bois
Je dois quelques mots de tristesse
Et l’évocation d’autrefois ;
Adieu marquis, adieu comtesse.

              ***

A La Loire.

Au plus profond de cette nuit
Pourquoi faut-il que le vent pleure
Qui vient de la mer et s’enfuit
Vers le pays où je demeure ?

Chaque rafale qui gémit
Plaint sûrement quelque tristesse
Qu’elle n’exprime qu’à demi
Et qui passe et renaît sans cesse.

Et chaque fois que je l’entends
Qui s’en vient battre ma fenêtre
Il me semble que je comprends
Ce que cette plainte peut-être.

Il est certain que je m’en vais
Moi qui devrais être si proche
Et que la Loire qui le sait,
A sa façon, me le reproche.

Que d’eaux ont passé sous les ponts
Que nous avons connus ensemble,
L’averse et le vent pour chanson,
Je quitte ce qui me ressemble.

               ***

Dans ma chanson le rythme est lent
Parce que la nuit est tombée
Et qu’il faut aller doucement
Voire même à la dérobée.

Il doit être près de minuit
Et c’est l’heure où les mots chuchotent,
Le jour est loin, un autre suit,
Et de vieux souvenirs chevrotent,

Mélanges d’hier et d’aujourd’hui
Qui s’en viennent passer le seuil
De ma chambre au fond de la nuit,
Certains joyeux, certains en deuil.

Ligne à ligne, en chaque couplet
Les banalités qui s’égrènent
Tissent ma vie au grand complet
Sans m’apprendre où demain m’emmène.

                   ***

Un poète ignoré en somme
Et sa chanson autant que lui
Comme une ombre au milieu des hommes
Qui devait exister sans bruit.

C’est la chanson de ce poète
Qu’aucun autre n’a entendu,
Dans un bar ou dans une fête,
Qu’aucun théâtre n’a connu.

C’est la chanson inentendue,
Qui passe aux quatre coins des jours
D’une existence inaperçue
Et c’est une chanson d’amour.

D’un amour profond pour quelqu’une
Dont vous ne saurez pas le nom,
Ce serait chose inopportune
Pense l’auteur, non sans raison.

                 ***

Je suis ce que je suis : un baladin charmant,
Un raseur ennuyeux, un espiègle, un faquin,
Un souffle de sottise, un fantôme attachant,
L’épine d’un rosier, trois planches d’un sapin,
Un sillon dans le champ, au chemin une ornière,
Et l’on peut se vanter de pareille carrière.

                 ***

Début de Journée.


L'aube, pas un chat dans les rues,
Sur l'eau, reflets de quais déserts,
Néons d'une ville inconnue,
Au fil du flot noir qui se perd.

Et quelque part une lumière
Qui pointe au bord de l'horizon
Et pâlit au plomb des verrières
De quelque plus haute maison.

Le silence, quoique précaire,
Des carrefours indifférents
Et la pénombre qui s'éclaire
Et peut-être un souffle de vent,

Un souffle mais un souffle à peine
Comme un petit mot rassurant
Mais que seuls quelques uns comprennent
Qui souffrent des heures durant.

               ***

lundi 7 février 2011

Utopies et Chansons. Folio 4. D'habitudes.



Cauchemar.


Le paysage disparaît
Et voici le moment critique
Où le rêve que je faisais
Devient abscons autant qu’unique.
Suis-je encore hier ou bien demain ?
Que veulent dire ces images
Que je déteste et que je crains
Au point de m’éveiller en nage,
Le cœur étreint par une peur
Dont je ne sais pas l’origine,
L’esprit empli d’une rumeur
Ample, confuse et vipérine ?

***

Dans la cour était un lilas,
Au temps joyeux de mon enfance,
Je ne sais qui me le vola ;
Dans la cour était un lilas.

La joie et l’enfant sont bien las,
La fleur n’est plus que souvenance,
Dans la cour était un lilas,
Au temps joyeux de mon enfance.

***

Je donnerai pour ma jeunesse
Et pour son insouciance aussi,
Tout l’amour avec ses caresses,
L’argent, la terre et ses richesses
Et je crois bien le paradis.

Pour ces instants de mon enfance
Qui ne pourront mourir jamais,
Je donnerais avec confiance
Tout l’avenir et l’espérance,
Ce dont je rêve et ce que j’ai.

Je donnerai Rome et Byzance,
Toute l’histoire et tous les rois,
Le ciel et tous les vins de France,
Si seulement j’avais le choix,
Pour retrouver mon insouciance.

***

Voici que j’ai peur d’être seul,
Seul dans la vie et dans la mort
Après tant d’espoirs et d’efforts,
Tant de mots et de prières
Et cette maison pierre à pierre
Et tout ce qu’ont bâti mes mains.
Voici que j’ai peur d’être seul
Bien plus qu’hier, moins que demain
Avec au fond des yeux ces larmes
Dont l’amertume a tant de charme
Pour ceux qui ne manquent de rien,
Voici que j’ai peur d’être seul
Quand le crépuscule revient.

***

Une fois que je serai mort,
Devant les vers que je m’entête
A composer, non sans effort,
Qui donc dira, hochant la tête,
Que l’œuvre n’était pas si vaine,
Qu’en la masse de mes écrits,
On trouvait parfois du Verlaine,
Et du Corneille et du Péguy,
Un petit peu de Lafontaine,
Et du Voltaire tout au fond,
Un rien de Nerval mais qu’entraînent
Du Bellay, Ronsard et Villon ?
Belle louange mais posthume
Que je remâcherai amer,
En songeant comme de coutume :
« Et rien de moi, dans tous ces vers ? »

***

Allons, assez de choses tristes,
Que les mots dansent à ma voix,
Pour cent pirouettes, en piste,
Allons, assez de choses tristes.

Je ne vous en fais pas la liste,
Toutes se pressent, j’ai le choix,
Allons, assez de choses tristes,
Que les mots dansent à ma voix.

***

Il me faut avouer
Qu’il ne m’est pas étrange
Que deux siècles échangent
Quelques mots pour jouer.

Vous croyez que j’invente ?
Mais du coup, si j’ai tort,
Ce ne serait alors
Qu’un rêve qui me hante ?

Un rêve, une vision,
Avec en paysage
Ou la porte des Lions,
Ou le port de Carthage ?

Tanit la phénicienne,
Atropos ou la fin,
Rhéa la plus ancienne,
Diane au nez aquilin,

La ruine des Incas
Et la gloire de Rome,
L’ombre de Treblinka,
Le charnier de la Somme…

***

Ecrire et quoi de plus vraiment ?
J’y trouve mon contentement.
Ma joie est quelquefois si vive
Que s’il fallait que je m’en prive
Je serais le plus malheureux
De tous les rimailleurs de peu.

***

Voici l’aurore et le chemin,
Voici l’horizon sans limites
Et le bâton de pèlerin,
Voici l’aurore et le chemin.

Voici l’offrande avec le vin
Au seuil d’un foyer que l’on quitte,
Voici l’aurore et le chemin,
Voici l’horizon sans limites.

***

Un soir banal, un banal quotidien,
Ma chambre, un lit et puis des habitudes,
Une lampe un peu faible et trois fois rien,
Un soir banal, un banal quotidien.

Et je suis là, ne sachant plus très bien
Que dire ou que penser, sans certitude,
Un soir banal, un banal quotidien,
Ma chambre, un lit et puis des habitudes.

***

Parfois on perd toute maîtrise
Du temps dont on voulait user.
On a beau faire et beau ruser,
Le fourbe, quoiqu’on organise,
Sait vous filer entre les doigts
Et voici que le soir arrive
Sans qu’on ait fait quoique ce soit
Sinon flotter à la dérive.
Dans tout cela c’est un peu comme
Si l’on descendait d’un sommet,
La pente vous entraîne en somme
Et vous fait courir à regret.

***
Chanson.

Ce n’est qu’une chanson
Qui parle à sa façon
Pour tromper le silence,
Pour habiter l’absence
De ceux que nous aimons,
Ce n’est qu’une chanson.

Refrain fait de peu de paroles
Qui virevolte et qui s’envole
Au gré de l’humeur du moment,
Un refrain que moi seul j’entends,
Refrain fait de peu de paroles
Mais toute chanson n’est pas folle.

Matins et soir, soirs et matins,
Autant hier, autant demain,
Unissant les jours de ma vie
En une même mélodie,
Quatrains, quintils ou bien sizains,
Autant hier, autant demain.

***
Mes jours deviennent difficiles,
Certains plus que d’autres le sont,
Mais je les vis, d’autres le font,
S’en attrister est inutile.

Je voudrais en les décrivant
Qu’il demeure de leur passage
Ces vers, fussent-ils décevants,
A titre au moins de témoignage.

Ils sont pour mes heures de plomb,
Ils sont pour mes heures de pluie,
Ils sont pour certains mois si longs
Que même la mort s’y ennuie.
***

De toutes mes activités,
Je n’ai gardé que la façade,
Faux-semblant d’une liberté
Qui me donne cet air maussade.

Au pire il n’en sortira rien,
Au mieux il n’en sortira guère !
Je prends chaque jour comme il vient,
Aucun ne vaut ceux de naguère.

***

Le jour désespéramment fuit
Où toutes choses se confondent,
Je hais la longueur de ces nuits
Où l’hiver me cache le monde.

Tout comme également je hais
Ma triste condition présente
Et cette peine que je tais
Sans qu’elle me soit moins violente.

***

Les jours se suivent sans grands liens,
Les mots se répètent, s’empilent
Toujours et ne disant plus rien,
Car les mêmes phrases défilent,
Inlassable écho d’un refrain
Aux frontières de la folie
Et je sais par quoi contraint :
Devoir, usage ou utopie.

***
Je vois bien que l’heure s’avance
Et me trouve très en retard,
Aurai-je assez de temps par chance
Pour finir avant mon départ
Ce qui me reste de l’ouvrage ?
On ne m’a pas trop demandé
Mais je n’ai pas su vivre en sage
Et sur le chemin j’ai traîné.
A l’heure où mes moyens déclinent
Il vaudrait mieux hâter le pas,
Pourtant je parle, je badine
Et je perds mes jours à tout va.
Aussi puisse le ciel m’entendre
M’accorder à moi, pauvre sot,
Avant que de finir en cendres,
D’achever mon œuvre en repos.

***
Je dis que le combat n’est rien,
J’affirme qu’attendre est bien pire,
Quand il faut prendre ce qui vient,
Quoi que ce soit, et ne rien dire.

Quand les moyens vous font défaut
Et que toute action vous échappe,
Quand même les rêves sont faux
Et que le dégoût vous rattrape,

Quand les matins sont épuisés
Et quand toutes les nuits sont lasses,
Quand tous les recours sont usés,
Quand l’espérance même passe.

***

Au Vieux Jardin. Rondinet.

Au vieux jardin de nos amours
La ronce a remplacé la rose,
C’est ainsi que le temps dispose
Des « jamais » comme des « toujours »,
Dans l’allée le chardon s’impose
Autant que l’herbe folle accourt
Au vieux jardin.

Ainsi va-t-il de toute chose,
Celles-ci ont le temps plus court
Dont la valeur pesait plus lourd
Et tout se fane, portes closes,
Au vieux jardin.

***

Il est temps d’aller me coucher
Puisque je ne sais plus que dire
Et que l’on voit ma main lâcher
Ce qui lui servait à l’écrire.

Le sommeil est toujours vainqueur,
C’est en vain que je lui résiste ;
Pour en chasser la pesanteur
Je ne trouve rien qui m’assiste.

Dans les caresses de l’amour
Ou dans le plaisir d’un bon livre
Je chercherais en vain secours ;
Il n’y a rien qui m’en délivre !

***

De faux printemps en vrais hivers
J’ai parlé de moins de sourires
Que de larmes mais l’on se perd
A n’envisager que le pire.

Pour parvenir à me distraire
Un rayon de soleil suffit,
Il n’en faut pas plus pour me plaire ;
Une belle aube me ravit,

Je peux rêver d’un crépuscule
Jusqu’au-delà de la minuit,
Ce sont des émois minuscules
Mais c’est là ce qui me séduit.

Vous qui manquez d’une minute
Pour sentir l’odeur du printemps
Votre pauvreté le dispute
En tout à votre aveuglement.

***

Pseudo-Virelai.

Sous les arbres dépenaillés
Passe un automne enguenillé
En maudissant cette grisaille.

Il fait un temps à s’ennuyer,
A tourner en rond, à bâiller
En maudissant cette grisaille.

Il fait un temps à se brouiller
Avec ce temps bien dévoyé,
En maudissant cette grisaille.

Un temps tout de gris barbouillé
Où l’on déambule mouillé
En maudissant cette grisaille.

Ceci formé vaille que vaille
N’est pas un virelai qui m’aille,
Je ne peux vous le conseiller,
En maudissant cette grisaille.
***

Des chemins de ce temps
Aucun ne me ressemble.
Moi je ressemble au vent
Aux rêves qui s’assemblent.

Je ressemble au néant,
Aux sources vagabondes,
Aux pierres des géants,
A l’orage qui gronde,

La nuit, aux feu-follets,
Le matin à l’aurore
Et le soir au regret,
Mais à quoi d’autre encore ?
Je ressemble à l’amour,
A la feuille d’automne,
A la gloire d’un jour
A ceux que j’abandonne.


***