jeudi 31 décembre 2015

Chanson du Bout de l'An.



D’un pas pressé ou d’un pas lent
Nous arrivons au bout de l’an
Où le même espoir nous emmène,
D’un pas pressé ou d’un pas lent
Les jours s’en vont en longue chaîne,
Ils sont de douceur ou de peine
Et quelques-uns d’amour violent ;
Nous nous en souvenons à peine
En arrivant au bout de l’an.

Un peu paillasse sur la scène,
Je ne sais trop quoi autrement,
De peu de joie en grande gêne
Il faut bien vivre et le voulant
Pourtant (volonté vaine)
Que de regrets et tellement
Qu’on s’en étonne. Aussi comprenne
Qui le pourra. Moi, je me mens.

Que le flot commun vous entraîne,
Le même temps coule en nos veines,
Qui s’en soucie énormément ?
Chacun sa coupe vide ou pleine:
D’un pas pressé ou d’un pas lent
Nous arrivons au bout de l’an.

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samedi 5 décembre 2015

Ma République de Papier.






Grandes pièces d’ombres empreintes
D’un univers en demi-teintes
Que j’ai nommé sans sourciller :
Ma République de Papier,
Papier des pages qui font vivre
Mes mots et papier de mes livres,
L’étagère suit le rayon
Et chaque jour est un brouillon.
Je vis un peu dans la poussière
Mais le matin, dans la lumière,
Elle danse sans s’arrêter
Bien au-delà des jours d’été.
Je vis un peu hors des coutumes
Des mœurs et des passions qu’allument
Les grandes affaires du temps
Mais, voyez-vous, je vis content.

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vendredi 4 décembre 2015

La Sentinelle.






L’extrême fin d’après-midi,
L’hiver s’habille d’or fané
Dont le faible éclat se dédit
Au pied des ombres quand, peiné,
Le jour trop court cède la place
Au cerne bleu du crépuscule.
Passants, dites-moi qui vous chasse ?
Dites-moi ce qui vous accule
A rentrer si vite chez vous ?
Du froid, de l’ombre ou du repas,
(Mais peut-être n’est-ce pas tout)
Lequel hâte le plus vos pas ?
Je me dis quand je vous regarde
Qu’on doit quelque part vous attendre ;
Tant mieux pour vous, moi je ne garde
Au cœur aucun souvenir tendre.
L’attendriez-vous d’un soldat,
D’un mercenaire dont l’emploi
Est de veiller sans autre état
D’âme que cette unique loi ?

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mercredi 2 décembre 2015

Le Comptable.






Le sévère Vieillard qui compte nos instants
Ne les compte jamais de semblable manière :
Quand ils nous sont très doux, ils durent peu de temps,
Quand ils nous sont cruels, ils n’ont pas de frontières.

Aux rivières des jours qui nous sont incertains,
Nos larmes sont de crue et nos rires d’étiage,
Et chacun, malgré tout, le dernier pas atteint,
N’entame qu’à regret son tout dernier voyage.

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mardi 1 décembre 2015

Volupté.






Le temps qui coule en gouttes de pluie,
Trottoirs luisants et toits de suie,
Et bruisse en ruisseaux, dit l’automne
Mais dites-moi qui s’en étonne ?

A pas pressés ceux qui s’en vont
Ne disent pas – je crois – « rêvons »
Puisqu’ils s’en vont à pas pressés,
A reculons, déjà lassés

Dans ce temps d’automne maussade
Aux interminables façades,
De rue obscure en rue obscure,
Vers un destin dont ils n’ont cure,

Puisqu’ils s’en vont et moi seul, non,
Qui rêve à ma fenêtre un nom
De tendresse et d’or et d’été,
De joie, d’amour, de volupté.

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