mardi 25 novembre 2014

La Fileuse.




Je file au rouet de ma peine
L'écheveau des jours de chagrin;
Tourne rouet, de cette laine
Nous ferons un manteau de crin.

Aux matins froids, aux soirs d'attente,
Tisse l'écharpe des soucis
Et pour les années mécontentes,
D'un fil rêche, des gants aussi.

Tourne rouet, tourne ma haine,
Au cœur de mes hivers transis,
La neige a recouvert la plaine,
Voici que l'âge a tout saisi.

La roue se voile et le bois grince,
Depuis la quenouille au fuseau
Le fil que j'ai tissé trop mince
N'attends plus qu'un coup de ciseau.

                      ***

Dans un bistrot parisien.




C'est dans un bistrot parisien
Que j'écrivis ceci, pour rien,
Pour passer un moment pénible:
Celui-ci et celui qui vient,
Pour trouver une idée risible,
Pour chasser la nuit qui revient
Et ce vieux doute incoercible
Qui depuis tant d'années me tient.
C'est dans un bistrot parisien
Et sur l'un des coins d'une table,
Ne me sentant pas vraiment bien,
Le coeur malheureux, ô combien,
 Et l'apparence assez minable,
Que je composais cette fable.
Il est des jours quand vient la nuit
Où la mémoire insupportable,
Sans cesse et sans pitié, vous nuit,
Où vous vous sentez misérable
Ne serait-ce que d'exister,
Où la foule qui vous entoure
Vous offre l'aspect contrasté
Des joies qui chez vous n'ont plus cours...

                ***

mercredi 19 novembre 2014

A l'Inconstance.





Vous rêviez de l'Automne
                Mais lorsque l'heure sonne
On vous voit regrettant
                Le passage du temps.

Devant vos forêts teintes
                D'or, à demie éteinte
Votre joie alanguit
                Vos chants de son souci.

Encore une semaine
                Et ceux-ci vous emmènent
Jusqu'à vous attrister
                En rêvant de l'été.

Vous êtes l'inconstance,
                Moi de même et mes stances,
Si leur ton vous a plu,
                Ne visent rien de plus.

               ***

mardi 18 novembre 2014

A Paul Verlaine.





C'est un poète, ou du moins il le dit,
A la manière
De ceux qui n'iront pas en paradis.
Absinthe et bière
Et plus souvent peut-être qu'à son tour,
Souvent l'ivresse
Qui n'est chez lui peut-être qu'un détour
De sa tristesse.
Peut-être... Oui... Comment savoir cela ?
Avec ses rimes,
Ses vers moins vagues cette fois que las
Et puis les cimes
Sont si loin, maintenant, derrière lui;
Comme l'envie
De revenir quand vraiment tout l'a fui,
Même la vie.

                    ***

lundi 17 novembre 2014

Dépouillement.




Voici venir l'Hiver
Par les grands chemins clairs
Qui courent la campagne
Au bord d'un ciel désert.

Dans les bois dépouillés
Qu'aucune ombre ne gagne
Le vent est oublié,
Le silence est entier.

L'horizon est lointain
Où les plaines allongent
Leur canevas sans fin
Comme un vitrail éteint

Et l'air glacial et vif
A balayé les songes
Dans les jardins pensifs
Des midis trop tardifs.

           ***


lundi 10 novembre 2014

Oublier la nuit.





L'Hiver s'est éloigné le temps de quelques heures,
Dehors le vent tempête et la nuit nous unit.
Dans son chant douloureux, je ne sais ce qui pleure:
Quelque espoir avorté ou quelque amour puni,
Quelque rêve meurtri ou quelque douleur vide,
Fille de tant d'oubli, qu'elle en devient refrain
De couplets attristants, devenus insipides;
Mais dans cette chanson, pourtant que de chagrin...
Et nous qui savons trop comment on se sépare
Et comment on se trompe et comment on se fuit,
En écoutant levent qui dans l'ombre s'égare
Nous pouvons nous réjouir en oubliant la nuit.

                         ***

mercredi 5 novembre 2014

Rivage de Novembre.





Rivage de Novembre
Au pied d'un clocher gris,
Nos jours si mal écrits
Que la saison démembre
S'éparpillent au vent
Dans l'or de tes feuillages
Et le fleuve en rêvant
Le reflet d'un visage
L'oublie au même instant.
Il fuit comme la feuille,
Il passe tout autant,
C'est l'amour que l'on cueille,
C'est l'amour qu'on attend,
C'est aussi qu'on le veuille
Ou non, le mauvais temps
Et le froid qu'il accueille.
Quel est le souvenir
Qui ne se change en songe
A force de vieillir
Et parfois en mensonge ?
Amants, heureux amants,
Vous saurez que l'Automne,
Comme vous faites, ment
Et ne trompe personne.

          ***