Rendez-vous.

(Île d'Ouessant - Bretagne.)

Je m’en vais au-devant de moi

Très loin, par-delà les années,

Maître à bord ayant fait ce choix

D’une étonnante traversée,

Je m’en vais au-devant de moi.

D’aujourd’hui comme d’autrefois

M’arrivent les mêmes pensées,

Je ne veux pas changer de loi

Mais vers ces rives délaissées

Je m’en vais au-devant de moi.

D’aucuns quand ils portent le poids

De trop de peines amassées

Sombrent ayant perdu la foi ;

Je n’ai cure de la journée,

Je m’en vais au-devant de moi.

Le cœur heureux comme il se doit,

Ma crainte à cette fin chassée,

Sachant au mieux ce qui m'échoit,

Toute autre chose abandonnée,

Je m’en vais au-devant de moi.

                               ***      
 

De bon augure.

J’ai fait un rêve et je vous assure

Que je le trouvais bel et bon

Voire même de bon augure

S’il faut en juger par le ton.

Le sujet n’en est pas profond

Mais vous et moi n’en avons cure ;

Le monde s’y tenait d’aplomb,

Par malheur nul songe ne dure…

Les arbres doucement murmurent

Au souffle d’un vent vagabond,

Bruissant de toute leur parure

Les arbres doucement murmurent.

Dans l’ombre des forêts obscures

Le soleil éteint ses brandons[1],

Les arbres doucement murmurent

Au souffle d’un vent vagabond.

                               ***    
   

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[1] Brandon : N. masc. Torche allumée, fragment enflammée provenant d’un feu. Voir : https://www.cnrtl.fr/definition/brandon

Perdre sa rime.

Me voici seule en ce vallon,

Hélas, je n’ai plus rien à perdre[1] 

Après la fuite d’Apollon ;

Me voici seule en ce vallon !

Ainsi se plaint sur le sablon

L’amoureuse nymphe de l’Erdre :

Me voici seule en ce vallon,

Hélas, je n’ai plus rien à perdre !

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[1] Perdre : il est classique d’affirmer qu’il n’existe aucune rime à ce mot en français hors du fameux « Merdre ! » que JARRY fait pousser au personnage du Père UBU dans UBU Roi.

Tous les habitants de la région de Nantes savent que c’est inexact, il y a aussi celle-ci : l’Erdre, rivière affluent de la Loire qui la rejoint à Nantes.