lundi 28 novembre 2011

Le Lansquenet.






Je vais où se trouve l'argent
Car ainsi font les mercenaires,
Riches un jour, pauvres souvent,
Pour qui se vendre est nécessaire.

Non, je n'ai pas toujours chez moi
De quoi nourrir une famille,
Quand on n'a rien, l'hiver est froid,
Le ventre crie et les yeux brillent.

Ma femme ignore les bijoux
Et mes enfants sont en guenilles;
Je vends ma vie et voilà tout
Et comme les autres je pille

Et comme les autres je mens,
Et comme les autres je tue,
On n'a ni coeur, ni sentiments
Quand la misère est si têtue.

Je sais bien le sort qui m'attend,
Je n'en ai ni regret, ni cure
Mais qui nourrira mes enfants
Après ma dernière blessure ?

            ***

dimanche 27 novembre 2011

Sonnet pour Hélène (de Surgères).



Hélène, dites moi, vous que chantait Ronsard,
Pourquoi vous résistiez à toutes ses avances;
Henri règnait alors, c'était la Renaissance,
Les poètes parlaient de l'amour avec art.

Je ressens cette histoire où je n'ai point de part,
Oui, Ronsard vous aimait, vous aviez cette chance...
Sans doute cet amour ne fut-il qu'espérance,
Peut-être hésitiez-vous, un jour il fut trop tard;

Ronsard vînt à mourir. Hélène de Surgères
L'accompagne depuis comme une ombre lègère
Qu'on ne peut séparer de celui qui l'aima.

Hélène dites-moi que votre âme regrette
Cet amour qu'en son temps Ronsard vous déclama
Et que votre ombre au moins a payé votre dette.

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samedi 26 novembre 2011

Les Nuits.



Les nuits sont douces quelquefois
A nos souvenirs délaissés,
A nos plaisirs, ils ont passé,
A nos amours, comme il se doit,
A combien d'anciennes faiblesses,
Combien de vaines fantaisies,
Combien de songes et d'envies,
Combien d'illusoires tristesses...

        ***

lundi 21 novembre 2011

L'or de l'Automne.


Voici l'or de l'Automne où l'espoir des amants
Redit à mots couverts de glorieux antans
Qui ne reviennent pas, qui reviennent peut-être,
Vers ces chemins heureux dont ils ne sont pas maîtres.


Prenez, je vous en prie, au moins ce que j'apporte,
Dans l'ombre de ce soir, l'éclat des feuilles mortes
Où le soleil se couche avec un chatoiement,
Le reflet calme et doux de ce soleil couchant,


Et l'oubli bienfaisant dans ce soir où s'apaise,
Avec l'attente vaine, un aussi vain tourment,
Croyez qu'au souffle enfin de ces mots sur la braise,
La flamme d'autrefois reprendra son élan.

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La Tortue (pastiche parnassien).




Du fond de la pelouse, au pas d'une sagesse
Vieille comme le temps et bien plus que l'humain,
Son cou ridé tendu sous son regard hautain,
Elle va lourdement, elle avance sans cesse.

Phoebus s'en vient orner et d'opale et d'onyx
Chaque écaille soudain de sa rude cuirasse
Dont le centre est d'un noir plus profond que le Styx;
L'herbe courbe le front devant sa carapace.

Conquérante blasée, en marquant chaque pas,
Elle avance toujours tel un cataphractère,
Ce combattant de fer qui, pilier du combat,
Sait qu'il ne peut dévier de cette gloire austère.

La voilà parvenue à ce dernier carré
D'épinards verdoyants et de tendres laitues,
Trésor des potagers, délices des tortues,
Qu'au terme de sa marche, elle va dévorer.

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jeudi 17 novembre 2011

Le Pont.



Franchirez-vous le gué, passerez-vous le pont ?
Je suis de ce côté de la vive rivière
Où la campagne est belle et vaste l'horizon,
Où même les forêts sont baignées de lumière;
Franchirez-vous le gué, passerez-vous le pont ?

Ou vous en irez-vous, comme d'autres s'en vont,
Sur la route infertile et sous un ciel austère
D'aigres matins frileux en soirs tristes et longs
Pour amasser de l'ombre et cultiver la pierre ?
Franchirez-vous le gué, passerez-vous le pont ?


Au pays indigent où rire est un affront
Vous avez vu combien aimer est chose amère,
La loi que l'on y sème au hasard des sillons
Ne produira jamais de jardins sur vos terres,
Vous y verrez toujours l'ortie et le chardon.
Franchirez-vous le gué, passerez-vous le pont ?


On trouve sur ma rive et en chaque saison,
La fleur qui pousse au cœur de ces âmes altières
Qui ne séparent pas l'amour et la raison
Et cette liberté qui sait tant de prières,
Il n'est que quelques pas, le chemin n'est pas long;
Franchirez-vous le gué, passerez-vous le pont ?

                         ***

Onze Novembre.


Ma barbe de huit jours me dévore les joues
Où la crasse d'un mois achève de sûrir;
Le cessez-le-feu sonne et je sors de la boue;
René, Louis, Marcel achèvent d'y pourir.

Quatre enfants orphelins, trois femmes qui sont veuves
Et ce clairon qui sonne au milieu du brouillard;
Comprenez-vous pourquoi ces notes là m'émeuvent ?
Je vivais en enfer et il n'est pas trop tard.

                         ***

Treize.


Heur et malheur d'un même amour
En combien de tristes détours !
Laissez-moi croire à notre rêve
Et que les larmes seront brèves,
Ne désespérez pas de nous,
En dépit de tous les à-coups:
A trois semaines du huitième,
Dix oublié, onze à sa fin,
Je vous le redis, je vous aime:
Autant hier, autant demain.

            ***

lundi 7 novembre 2011

Ombre.




Il n'y a rien autour de moi
Que cette grande paix de l'ombre
A l'heure où l'après-midi sombre
Dans la nuit d'automne et le froid.

Il n'y a pas une parole
Car les heures ont épuisé
Le temps et ces jours sont usés
Que rien ne réjouit ou désole.

La poussière ne tombe plus
Aux rangs ternis des étagères
Et les pages se font légères
Aux livres qu'on a déjà lus.

A peine un halo de lumière
Aux bras d'un fauteuil élimé
Et le silence trop aimé
Des solitudes casanières.

Allons que diras-tu de toi ?
"Dehors la nuit d'automne est sombre,
Hors cette grande paix de l'ombre
Il n'y a rien autour de moi."

             ***

dimanche 6 novembre 2011

Frère Ange (compagnon de St-François d'Assise).



Voici, je m'appelle Ange et j'ai suivi François,
Et j'ai vu son amour et j'ai vu sa misère,
Je me suis enivré de la même prière
Et n'ai pas regretté, fusse un instant, mon choix.

Pauvre ainsi que le fut le Seigneur sur Sa croix,
Je fus un moine heureux près du saint qui naguère
Se dépouilla de tout, non pas pour vivre austère,
Mais pauvre sur la terre où les pauvres sont rois.

Je ne possède rien, pas même la mémoire
De ce père béni dont certains se font gloire
Et dont le souvenir en mille endroits se vend.

C'est dessus le marais qu'était la Portioncule
Et le monde triomphe et le marais s'étend;
Ange est un grand vieillard parfois bien ridicule...

                      ***


NB: la Portioncule est une petite église d'Assise que François et ses compagnons remirent en état au début de leur ordre.

Les Jours.


Les jours ont fui comme fuit la rivière
Et beaucoup d'ombre et trop peu de lumière
En ont marqué le cours si vagabond,
L'espoir parfois a ce goût d'abandon
Et l'éclat chatoyant de l'inutile.
Les jours ont fui, mille par mille,
L'esprit voudrait, l'espérance conduit,
Et puis après ? Les jours ont fui.

            ***