mercredi 24 février 2016

Place du Marché.






Sur la grand-place, orgueil d’une petite ville,
Où l’hiver pâle du soleil bat le pavé,
Siècle après siècle un même quotidien défile,
Rien ne semble à venir et rien n’est arrivé.

Au marché, pour les courses,
On échange trois mots,
Porte-monnaie ou bourse,
Anciens francs ou nouveaux,
Livres tournois, euros
Qu’importe à l’ail des ourses,
La Bintje ou le poireau ?

Quant aux grandes nouvelles
D’un petit monde clos,
Qu’on parle de pucelles
Ou bien de damoiseaux,
De filles, demoiselles,
Chauds lapins ou puceaux,
On apprend, on révèle
La même ritournelle.

Qu’on l’appelle « échevin »
Ou qu’on l’appelle  « maire »,
La rumeur ordinaire
Parle de pots de vin,
« D’influences », « d’affaires »
Et chacun et chacune
Devant cette « misère »
Se fait juge ou devin.

Ainsi s’en vont les jours, des jours vaille que vaille,
Semblables, sans façon, inchangés, incomptés,
Sur les pavés usés de toutes les cités
Où l’Histoire s’endort comme les murs s’écaillent.

                             *** 

Le Bouquet.






C’était un soir dans un musée
En je ne sais plus quelle année
D’une si longue et vaine attente,
Je vous écrivis la présente :

« Ce bouquet pour la Très-Aimée, 
La lointaine, si bien nommée,
En cette espérance rimée
Qu’un jour le Hasard lui présente
L’image de ces fleurs absentes,
De ces fleurs, comme elle, charmées
Qu’on ne les cueille ou ne les sente…
Ce bouquet pour la Très-Aimée. »

                               ***

« De ce bouquet, ma Très-Aimée,
Qu’ailleurs il pleuve ou bien qu’il vente,
La fleur ne peut être abimée.
En mon cœur, quoique il se contente
De votre image sublimée,
L’espérance est aussi constante. »

Cette dernière est plus récente,
Mais le même amour me tourmente,
Et la prochaine est préparée
Déjà pour une autre soirée.

                               ***


mardi 23 février 2016

Le Chêne aux Biches.






I.

Le ciel est morne, l’air est gris,
Au fond des bois où le soir tombe
Une chouette pousse un cri ;
Le crépuscule est une tombe
Où le dernier soleil descend
Au bras d’une gracieuse morte:
Cette heure au bonheur caressant
Que maintenant la nuit emporte.

II.

Souvenez-vous, souvenez-vous
De ce grand chêne où quelques biches
Semblaient se donner rendez-vous
Toujours le même jour que nous...
Hélas, aujourd’hui le sort triche,
Nos belles amours sont en friche,
J’y viens envers et contre tout.

III.

Des rus aux sentes bocagères,
Nymphes des bois, esprits des eaux,
Elle n’est plus qu’une étrangère
Et moi le seul et dernier sot
Qui pour errer se remémore,
Dans les baisers qui ne sont plus,
L’avenir dont il rêve encore,
Comme s’il demeurait l’élu.

Avec vos amants,  j’imagine,
Vous rirez d’un cœur désolé ;
Il n’est sylvain, il n’est ondine
Qui ne voudrait m’en consoler.

                               ***

lundi 22 février 2016

Du Vent dans les Vignes.






Je serais plus heureux
Si le grand vent qui souffle, en soufflant,  emportait
Toutes mes déceptions et celui que j’étais,
Tous ces jours qui s’en vont seraient moins douloureux ;
Je serais plus heureux.

Et je vivrais en paix,
Sans penser à jadis, sans rêver à demain,
Sans craindre l’existence et la mort en sous-main ;
Ce monde n’aurait plus du tout le même aspect
Et je vivrais en paix.

Mais le vent qui m’écoute
Ne peut faire envoler que des amours légères,
Les miennes sont de fonte à tout vol étrangères,
C’est tout ce que j’en dis et dont sourient la route
Et le vent qui m’écoutent.

En marchant dans les vignes,
Qui dormaient plus que moi dans cette aube d’hiver,
Pour vous distraire un peu, je composais ces vers
Et je vous les offris, quoiqu’ils n’en soient pas dignes,
En marchant dans les vignes.

                       ***
 

dimanche 21 février 2016

Sur le Pont Saint-Martin.






J’étais ce soir vers les dix heures,
Songeur, sur le pont Saint-Martin
Où votre visage demeure
Dans le crépuscule incertain
Comme un soir aux heures fanées,
Un de ces beaux soirs imprécis
D’un autre temps, d’une autre année
Où vous y étiez vous aussi.
Et nos jeunesses langoureuses
Avaient encore un avenir
Et nos amours étaient heureuses
Que rien n’aurait pu contenir.
J’écrivais, vous étiez ma Muse,
Les passants passaient en riant,
Pardonnez-moi si je m’amuse
De nous revoir aussi confiants
Car vous et moi, sans rien en dire,
Savons ce qu’il faut en penser ;
A l’heure où les jours se retirent
Les mots ne savent plus danser…

                     ***