vendredi 7 juin 2019

La Triste-Amour.




Du haut de la plus haute tour
D’où l’on voit venir à la ronde
Tous les chemins des alentours
Avec les horizons du monde,
Tous les jours, et dix mois durant,
Il a scruté le paysage,
Rêvant son rêve murmurant
D’espoir et de désir
Mais sous le souffle de l’autan[1],
Sous la caresse du zéphyr[2],
Il n’a vu passer en courant
Que l’ombre des nuages
 Indifférents.
« Si ce n’est ce soir », pensait-il,
« Ce peut être à l’aube demain ».
Dix mois sont passés, inutiles,
Son espoir est demeuré vain.
Alors une aube de novembre,
Dans le gris d’un petit matin
Où il gelait à pierre fendre,
A son attente il a mis fin.

La Mort est toujours accueillante,
En l’emportant, elle lui dit,
Sourire aux dents :
« Celle que tu croyais perdue,
Mon pauvre amant,
Ce vendredi
Est revenue… »

Depuis lors la plus haute tour
Qu’on appelait « La Surveillante »
S’est appelée « La Triste-Amour ».

                               ***       


[1] L’autan (n.m.) est d’abord un vent du sud-est qui souffle dans une partie du sud de la France. Ce terme désigne également, par extension, un vent violent ou de manière poétique un vent annonciateur d’orage (voir : https://www.cnrtl.fr/definition/autan ).
[2] Le zéphyr (n.m.) désigne, au contraire, un vent d’ouest doux et agréable (voir : https://www.cnrtl.fr/definition/z%C3%A9phyr ).

mercredi 5 juin 2019

Visiteurs.




Promenons-nous, main dans la main,
Dans les jardins de la marquise,
Je crois qu’un sourire est de mise
Ou bien nous visitons en vain.

Dans un château de porcelaine
Glisse un souvenir engageant,
Ce portrait nous dévisageant
Evoque une époque lointaine.

Ne pouvons-nous rêver un peu,
Me voici Prince et vous Princesse,
Ce nos biens et nos richesses
Et sur ces tableaux nos aïeux.

Mais si vous êtes vraiment reine,
Je ne serai jamais qu’un gueux
N’ayant pour vous servir un peu
Que son amour et que sa peine.

Ainsi mon rêve tourne court
Mais cela ne m’importe guère
Tant qu’au-dessus de cette terre
Nous vivrons heureux chaque jour.

                               ***



Illusions.




Depuis combien de temps n’avais-je pas écrit
Dans mon ancienne chambre où j’ai pourtant appris
Tout ce que je connais en matières de stances ?
Je m’y revois si bien et les images dansent
Si vives devant moi que je crois retrouver,
Pour un instant, la gloire et les succès rêvés
Dans les beaux soirs d’été, les fenêtres ouvertes
Sur mille grands destins et leurs routes offertes…

                               ***