lundi 9 janvier 2017

Chanson à Boire.





Sinistre hiver de tout ce temps
Et sinistre hiver de mon âge,
De nuit, de jour, si mécontent
Et le pire est dans les parages…

Déboucherai-je un des flacons
Qui vieillissent dedans ma cave
Pour que le temps me soit moins long,
Pour alléger ce qui m’entrave ?

Je boirai le premier canon
A la santé de ce vieux monde
Et à la mienne, le second :
Il faut que je me dévergonde.

Je boirai le troisième au fond
A la santé de mes sottises,
Le quatrième sans raison
Afin d’en jouir à ma guise.

Quant au cinquième, il sera bu
A la très amère mémoire
De tout ce qu’autrefois j’ai cru
Mais le sixième pour la gloire.

Le septième, le plus précieux
Au nom de toutes les merveilles,
L’Amour compris -qu’est-il de mieux ?-
Que la prudence déconseille.

Hélas, ce sera le dernier,
Non que mon ange gardien veille,
Mais il n’en est, sans rien rogner,
Que sept au fond d’une bouteille.

                               ***

Le Diable et l'Ecriture.






Il y a un diable et, c'est certain,
D’humour grinçant et sardonique ;
Dieu, que se moquer est ludique
Et qu’être un homme est incertain !

Je me regarde et je me plains,
Le brouillard rit-il de la brume ?
Le peu que je tiens en mes mains
A chaque page se consume.

L’écriture je m’en convaincs                                
Peine à vous tenir compagnie,
Tout comme goûter seul son vin
N’embellit pas beaucoup la vie.

Il ya un diable et ce pendard
Inventa, je crois, le langage ;
Au mot « amour » il a sa part
A voir à quoi la chose engage.

C’est de même à lui que l’on doit,
J’en suis certain, le mot « poète »,
L’homme qui fait qu’on prête foi
Aux mirages qui nous entêtent.

Nous pourrions poursuivre longtemps
En prenant la mine sévère,
Nous ferions bien rire Satan
Que tous les écrivains révèrent.

                               ***

samedi 7 janvier 2017

Un Quai de Gare.






Le froid, un soir d’automne, un quai de gare,
Un train pris seul pour retourner chez soi
Où rien ne vous attend… Sans crier « gare ! »
La peine qui revient – qui sait pourquoi ? –
Plus lancinante encore et plus aigüe
Qu’elle ne savait l’être à ses débuts.
Promesse vaine, espérance déçue,
Et cet amour demeuré tel qu’il fut.

Fétus, fantômes inutiles,
Tremblements d’ombres dans le vent,
Souffles et murmures futiles,
Longue tristesse et sanglots lents...

Et si pourtant rien ne se renouvelle,
Rien ne revit, ne reste ou ne revient,
Combien au fond de bêtise se mêle
Au culte vain de ces chagrins anciens !
Que voulez-vous, c'est avec cet automne,  
Un bouquet gris de souvenirs aphones
Et l'absence où ce train vous reconduit.

                               ***

Le Cycle des Amours Déçues - XL: Parabole.






Je donnais mon cœur à Clorinde ;
Pour le charme de son visage
Je fis des vers dignes du Pinde,
Elle n’en fit pas grand usage.
J’inventais pour elle des mots
De flamme, elle passa son âge
A m’accuser de tous ses maux
Comme aussi des miens au passage.

C’est pourquoi, rencontrant Sophie,
 Je sautai volontiers le pas
Et je lui consacrai ma vie.
Sophie, elle, ne trahit pas
L’espérance qu’on met en elle,
C’est son prénom qui veut cela :
Chimère, elle est d’autant plus belle
Et je n’en serai jamais las.

                               ***

vendredi 6 janvier 2017

Juste.






Juste une lampe à lire
Et partout la pénombre
Des soirs où l’on désire
Oublier les jours sombres,

Ceux dont le pas est lourd
Et ceux qui raccourcissent,
Ceux qui sont sans amour,
Ceux qui le rétrécissent.

Un livre sous les yeux,
Jaune dans le halo
De la lampe et si vieux
Qu’il dit d’étranges mots.

La nuit, très loin dehors
Achève de tomber
Sur un Automne d’or
Et des champs embourbés,

Un petit bout d’averse
Réduit à l’essentiel
Où le soleil qui perce
Dessine un arc-en-ciel.

Une lampe tout juste
Et combien de pensées,
Certaines qu’on ajuste
Et d’autres délaissées.

                        ***