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jeudi 30 avril 2020

Un bref instant.




Un regard ce serait bien trop, je pense
Mais un coup d’œil ? Un coup d’œil et c’est tout,
Un trois fois rien, une seconde où danse
Pour vous seul quelque chose de doux
Et rien de plus, bien sûr, bien sûr, tout juste
Une étincelle de complicité
Et puis une légère inclinaison du buste :
Un bref instant vous avez existé.

                      ***

jeudi 6 février 2020

Souvenir d'exil - Suite.




Dix-sept heures, mon thé, une chambre d’emprunt,
Quatre murs étrangers sentant le marécage,
Un automne présent par défaut de chauffage
Et moi, parti de loin, dont c’est le lot commun.

Moi qui n’ait rien de sûr, moi qui suis de passage,
Moi qui sait que les mots, eux, seront importants
Mais jamais le stylo et l’endroit pas vraiment,
Moi qui suis presque heureux de ne pas être sage.

Ce soir est silencieux, demain est inconnu,
Je n’ai guère avec moi que ce fardeau d’absences
Qu’un nouveau lit endort avec indifférence
En des lieux qui jamais n’en ont rien retenu.

Ces chambres, pauvrement, accueillent l’éphémère,
Ce qui ne bâtit pas et ce qui n’attend rien ;
L’instable et le hasard, voilà ce qui est mien,
Je voulais un foyer et je vis du contraire.

Quand parfois la tristesse, en s’invitant le soir,
Me fait ressouvenir de mes rêves insignes,
J’ai pour ami de cœur tous les mots que j’aligne
Et pour me consoler leur chant joyeux ou noir.

                               ***   
    

mercredi 29 janvier 2020

In memoriam.



(Venise.)

Je n’ai pas oublié la dernière heure,
Trente cinq ans au hasard du destin
J’ai poursuivi d’identiques desseins :
Il ne faut pas que notre idéal meure.

On nous disait : « Vous n’êtes pas sérieux,
Croyez-vous que l’on peut vivre une vie,
Vraiment, de roman et de poésie ?
L’argent seul compte et ce monde est sans Dieu. »

Ils avaient tous la Raison pour maîtresse
Et quel bon sens chaque jour les guidait !
Nous les suivions et le reste attendait
Mais leur Raison faisait notre détresse.

Tu es parti en emportant ces mots
Qui nourrissait ta plus chère espérance,
Une œuvre en vain, demeurée en souffrance
Que je reprends pour l’achever bientôt.

                        ***