mercredi 9 novembre 2016

En Souvenir des Marronniers du Quai.




Vous avez si nombreux flâné sous mes ombrages,
Peut-être quelquefois aimé sous mon feuillage,
Et le blanc de mes fleurs a cent années durant
Annoncé le Printemps à l’Hiver expirant.

Puis ces feuilles dorées qu’à regret j’abandonne,
Cent fois le long du quai ont marqué vos automnes,
Sous mes branches noircies cent hivers ont passé
Où les canaux gelaient près de mon tronc glacé.

J’ai grandi comme font mes frères des montagnes,
Donnant, cent ans durant, comme un air de campagne
Au triste dos noirci des pavés écailleux,
Qu’en même temps que moi, semèrent vos aïeux.

Ces cent ans en commun un seul mot les condamne ;
Pour un chemin de fer un peu mégalomane
On m’arrache demain, me voilà disparu
Et sans doute oublié ; je ne l’aurais pas cru.

                               ***

mardi 8 novembre 2016

Quel Vaisseau ?





La vague même où l’écume blanchit
Se souvient-elle encore des naufrages ?
Voyez, la force du vent a fléchi,
Et le soleil perce enfin les nuages.

Mais l’horizon que le lointain décrit
N’est qu’un trait gris dans le ressac immense,
Une ligne frontière, une borne en instance,
Des temps passés aux rêves entrepris.

Il faut aller sur la mer incertaine
Et naviguer au péril de l’instant,
Juger si votre voile est de futaine,
De soie ou de toile tendue au vent.

Est-ce un vaisseau pour défier la tempête
Ou bien… Est-ce une barque de pêcheurs ?
La vague court sur l’amère blancheur
Des mille embruns qui couronnent sa crête.

 Vous le savez, la vague ou le destin
Jamais ni n’hésite ni ne s’arrête,
Voguez, le rivage n’est pas atteint,
Voguez encor tant que le vent s’entête.

                               ***

lundi 7 novembre 2016

Déclaration d'Automne.






Automne, ô mon Amour, saison des solitudes,
Des rêves épuisés, des souvenirs languides,
Soir de mélancolie, aube d’incertitude,
Automne, ô mon amour, comme les jours sont vides
Et les reflets éteints aux  bords  gris des canaux,
Comme la vie est nue et la connaître amer,
Combien sur le pavé le pas résonne faux,
Et combien le temps pèse à l’heure où tout se perd.
Automne, ô mon amour, ma seule découverte,
Et mon remord encore et ma mélancolie,
Errance de mes nuits sur les places désertes,
La faille de mon cœur et sa disharmonie,
Toi que j’ai tant aimé, toi que je t’ai tant suivi,
Que de siècles déjà sur nos noms ont passé
Comme autour des degrés menant à tes parvis
Que de ruines partout, que de noms effacés.

                               ***

Ville d'Automne.




Il pleut sur la ville d’automne
Sans lumière et sans bruit ; personne,
Feuilles mortes, trottoirs luisants
En grisaille et reflets d’argent ;
Il pleut sur la ville d’automne.
C’est un matin mais il demeure
Comme un peu de nuit dans ces heures,
Bruine, brouillard et reflets gris,
Bonnet, foulard et froid compris,
Je marche et qui d’autre ? Personne ;
Il pleut sur la ville d’automne.
Les marronniers et caténaires
Blasés, s’égouttent solitaires,
On voit s’enfuir au bout du quai
Le dernier wagon d’un tramway.
Il pleut sur la ville d’automne,
Il pleut sur la poste centrale,
Le clocher de la cathédrale,
Sur les carrefours et les ponts
Et je crois même au plus profond
Des mots qui pour moi seul résonnent :
Observez, qui voit-on ? Personne.
Il pleut sur la ville d’automne.

                               ***

vendredi 28 octobre 2016

Réflexions d'un Demi-solde en octobre 1816.







Toute route aujourd’hui conduit
Au rebours de nos habitudes ;
Il nous faut aller sans appui
Et voyager sans certitude.

Quand la folie est de raison,
Quand le fumier se fait dorure,
Qu’est-ce encor que la trahison,
Que l’opprobre et que la souillure ?

Je l’ai su, je n’en sais plus rien,
Ou c’est un savoir inutile ;
Voyez comme on s’en passe bien,
Comme regretter est futile…

Il fait soleil ce jour d’automne
Mais le monde entre dans l’hiver ;
Que tous le voient ou bien personne,
Il n’importe pas à ces vers.

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mardi 25 octobre 2016

Renaissance II.



(Château de Chenonceau - Le Cher.)

Fontaines et ruisseaux et vous belles rivières
Où sont les ris joyeux, bruissant aux mille pierres
Des rives alanguies de vos cours miroitants 
Qu’on voyait accueillir dans leur lit des baigneuses
Dans l’albâtre élégant de leurs poses gracieuses ?
Mais je parle d’un âge à l’autre bout du temps,
D’un soleil plus ardent et d’une autre lumière,
D’un printemps d’innocence et de tout autres gens,
D’incertaines amours dont nul cœur n’est régent,
D’un air plus caressant et d’âmes plus altières.
Que votre monde est gris, drapé dans ses brouillards !
Comment pourriez-vous donc vous y sentir gaillards
En le voyant si laid, sectaire, étroit, injuste,
Avec le souvenir d’époques plus augustes ?

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Renaissance I - Pastiche.



(Château de Chenonceau - Indre et Loire.)

Je révère l’honneur et vois l’indignité,
Je respecte le droit et subis l’injustice,
J’aime la vérité et croise la malice,
Je rêve de richesse et vis en pauvreté.

Je veux qu’on me connaisse et je suis rejeté,
Je souhaite le calme et je suis au supplice,
Je cherche l’innocence et l’on me fait complice,
J’admire la sagesse et vis l’insanité.

Je travaille beaucoup et n’en ai nul salaire,
Je viens toujours en paix  et m’en vais en colère,
Je me fatigue en vain et n’ai point de repos.

Je passe ainsi mes jours et je n'en puis rien faire,
Je songe et délibère et pourtant je m’enferre,
J’espère à contretemps et vis mal à propos !

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jeudi 20 octobre 2016

Le Vagabond.






Il faudrait être un peu sérieux !
Être sérieux ? Et bien qu’en sais-je ?
Et puis le puis-je ou le pourrais-je ?
Ce serait bien, ce serait mieux
Pour être heureux dans l’existence,
Pour attirer sur moi les yeux
Et gagner un peu en prestance.
Comment, comment ?! Être sérieux ?!
Moi,  le Prince de l’inconstance,
Moi, le bohémien licencieux,
Paresseux toujours en instance
Et fainéant sous tous les cieux ?
Allons, allons, je suis trop vieux,
Trop sage et sot à l’évidence,
Pour devenir un jour sérieux.

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