vendredi 11 novembre 2016

Tant de Temps.






Sur la grand-place, un grand sapin,
Voici venir le temps des fêtes,
Temps des fêtes, temps des festins,
Tant de mendiants qui partout quêtent,
Temps de prière ou non, tant pis,
Qu’on pourrait écrire « temps pie »,
Temps de réflexion dans la vie,
Tant d’espérance et de dépit !
L’or mis à part, temps de partage
Et, certes, de tentations tant
Que certains payeront comptant
Quand tant n’en ont que l’étalage.
Temps de flocons et temps de pluie,
Temps mort dessous un ciel de suie,
Peut-être m’en direz-vous tant,
Parlez mes bons amis ; j’attends.

                               ***

mercredi 9 novembre 2016

Nouvelle Chansonnette.






Osons, tant qu’on le peut encor,
Composer une chansonnette
Et conjurons le mauvais sort
En nous murmurant des sornettes…

Trois grains de raisin desséchés
Sous l’or d’une feuille de vigne
Qui sert à cacher le péché
Ou bien peut-être le désigne.

Un matin gris, un ciel d’argent
Qui ne rendra personne riche ;
Qu’imaginent donc tous ces gens ?
La Fortune et les dieux sont chiches.

Et puis un sentier qui se perd
Vers quelque fable trop lointaine
Dont plus un seul mot ne nous sert,
D’ailleurs on les comprend à peine !

Une pomme tombée au sol
Et par moitié rouge et pourrie ;
Voyez danser leur dernier vol
Aux feuilles que le vent charrie.

Beauté des fleurs du souvenir,
Gaieté des tombes de Novembre,
Ma chanson nait, pour s’y tenir,
Couleur de feuille morte et d’ambre.

                               ***

En Souvenir des Marronniers du Quai.




Vous avez si nombreux flâné sous mes ombrages,
Peut-être quelquefois aimé sous mon feuillage,
Et le blanc de mes fleurs a cent années durant
Annoncé le Printemps à l’Hiver expirant.

Puis ces feuilles dorées qu’à regret j’abandonne,
Cent fois le long du quai ont marqué vos automnes,
Sous mes branches noircies cent hivers ont passé
Où les canaux gelaient près de mon tronc glacé.

J’ai grandi comme font mes frères des montagnes,
Donnant, cent ans durant, comme un air de campagne
Au triste dos noirci des pavés écailleux,
Qu’en même temps que moi, semèrent vos aïeux.

Ces cent ans en commun un seul mot les condamne ;
Pour un chemin de fer un peu mégalomane
On m’arrache demain, me voilà disparu
Et sans doute oublié ; je ne l’aurais pas cru.

                               ***

mardi 8 novembre 2016

Quel Vaisseau ?





La vague même où l’écume blanchit
Se souvient-elle encore des naufrages ?
Voyez, la force du vent a fléchi,
Et le soleil perce enfin les nuages.

Mais l’horizon que le lointain décrit
N’est qu’un trait gris dans le ressac immense,
Une ligne frontière, une borne en instance,
Des temps passés aux rêves entrepris.

Il faut aller sur la mer incertaine
Et naviguer au péril de l’instant,
Juger si votre voile est de futaine,
De soie ou de toile tendue au vent.

Est-ce un vaisseau pour défier la tempête
Ou bien… Est-ce une barque de pêcheurs ?
La vague court sur l’amère blancheur
Des mille embruns qui couronnent sa crête.

 Vous le savez, la vague ou le destin
Jamais ni n’hésite ni ne s’arrête,
Voguez, le rivage n’est pas atteint,
Voguez encor tant que le vent s’entête.

                               ***

lundi 7 novembre 2016

Déclaration d'Automne.






Automne, ô mon Amour, saison des solitudes,
Des rêves épuisés, des souvenirs languides,
Soir de mélancolie, aube d’incertitude,
Automne, ô mon amour, comme les jours sont vides
Et les reflets éteints aux  bords  gris des canaux,
Comme la vie est nue et la connaître amer,
Combien sur le pavé le pas résonne faux,
Et combien le temps pèse à l’heure où tout se perd.
Automne, ô mon amour, ma seule découverte,
Et mon remord encore et ma mélancolie,
Errance de mes nuits sur les places désertes,
La faille de mon cœur et sa disharmonie,
Toi que j’ai tant aimé, toi que je t’ai tant suivi,
Que de siècles déjà sur nos noms ont passé
Comme autour des degrés menant à tes parvis
Que de ruines partout, que de noms effacés.

                               ***

Ville d'Automne.




Il pleut sur la ville d’automne
Sans lumière et sans bruit ; personne,
Feuilles mortes, trottoirs luisants
En grisaille et reflets d’argent ;
Il pleut sur la ville d’automne.
C’est un matin mais il demeure
Comme un peu de nuit dans ces heures,
Bruine, brouillard et reflets gris,
Bonnet, foulard et froid compris,
Je marche et qui d’autre ? Personne ;
Il pleut sur la ville d’automne.
Les marronniers et caténaires
Blasés, s’égouttent solitaires,
On voit s’enfuir au bout du quai
Le dernier wagon d’un tramway.
Il pleut sur la ville d’automne,
Il pleut sur la poste centrale,
Le clocher de la cathédrale,
Sur les carrefours et les ponts
Et je crois même au plus profond
Des mots qui pour moi seul résonnent :
Observez, qui voit-on ? Personne.
Il pleut sur la ville d’automne.

                               ***

vendredi 28 octobre 2016

Réflexions d'un Demi-solde en octobre 1816.







Toute route aujourd’hui conduit
Au rebours de nos habitudes ;
Il nous faut aller sans appui
Et voyager sans certitude.

Quand la folie est de raison,
Quand le fumier se fait dorure,
Qu’est-ce encor que la trahison,
Que l’opprobre et que la souillure ?

Je l’ai su, je n’en sais plus rien,
Ou c’est un savoir inutile ;
Voyez comme on s’en passe bien,
Comme regretter est futile…

Il fait soleil ce jour d’automne
Mais le monde entre dans l’hiver ;
Que tous le voient ou bien personne,
Il n’importe pas à ces vers.

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