samedi 5 mars 2016

Le Cycle des Amours Déçues - XXI. Le Grandiloquent et l'Indifférente.






Sonnet des jours amers où le temps a passé
Ainsi que fuit la mer effaçant sur la plage
Le nom de nos amours et lassant le courage
De nos espoirs anciens trop longtemps pourchassés.

Poème des bonheurs et des lieux délaissés
Dont la rime est caduque et dont les mots enragent
De n’être qu’un reflet mélancolique et sage
Des passions de jadis et de tourments glacés.

Cendres que ces mots-ci que le vent froid disperse
En l’hiver de nos cœurs, sur nos lèvres qu’il gerce ;
Il ne reste plus rien d’un éphémère été.

Tant de force et d’ardeur pour si peu de poussière,
Il faudrait en sourire ou mieux, le méditer,
Je suis bouleversé que vous en soyez fière.

                         ***

vendredi 4 mars 2016

Le Soliloque Grognon.





Il n’y a plus grand-chose à raconter
En ces beaux jours d’un monde si moderne ;
Toutes les mines sont propriété
De la finance, au fond de leurs cavernes
Les pauvres nains sont morts de faim,
Quant aux dragons, plus aucun ne s’envole
De peur de percuter, même aux confins
Du ciel, la ferraille qui caracole
Dans tous les sens au-dessus de nos toits.
Tous les enfants croient qu’une « bonne fée »
Est une ménagère agile à en rester pantois,
Agile et plus ou moins bien attifée,
Que les trésors sont tous chez les banquiers
Et qu’un palais ressemble à l’Elysée.
Aucun ne sait ce qu’est un chevalier,
Les princesses sont métamorphosées
En chanteuses ou pire quelquefois,
On abat les forêts, les châteaux se visitent
Et si vous parlez d’hommage et de foi
Eh bien, c’est la cuisine qui s’invite :
Les plus doués penseront au pâté.
Le prospectus devient littérature,
Après quoi, devant tant de forfaitures,
Que voulez-vous qu’on ait à raconter ?

                  ***

mercredi 2 mars 2016

Le Platane des Ponts-Couverts.






En passant en ces lieux,
Promeneurs et curieux,
En vos heures rhénanes,
Saluez ce platane
Au pied des Ponts-Couverts.
Du temps que j’étais vert,
D’assez plaisant visage
Et plus jeune que sage,
J’y venais bien souvent.
Etais-je seul ? Le vent
Qui entend ce poème
Sourit et moi de même…
De sa beauté sans fard
J’avais plus que ma part
Et toute sa tendresse
Et mieux qu’une promesse
Et plus qu’un avant-goût;
Le bonheur disait : « nous »
A l’heure où l’ombre accueille
Le murmure des feuilles
Et la fraîcheur de l’eau.
Un bonheur sans défaut
Dont j’ai fait sur ma page
Ces trois vers à l’image
De ceux qui autrefois
Accompagnaient ma foi,
Mon rêve, mon hommage
Et puis notre partage…
Saluez ce platane
Pour moi, que Dieu condamne
A l’immobilité,
Aux bonheurs racontés
Où jadis se pavane ;
Saluez ce platane
En passant en ces lieux,
Promeneurs et curieux.

             ***
 

mardi 1 mars 2016

Un Dessin.






Aux premiers jours du beau printemps,
Assise auprès de la rivière
Sur des marches de vieille pierre,
Vous dessiniez, j’allais chantant ;
Aux premiers jours du beau printemps.

J’allais chantant cette façade,
Le sujet de votre dessin,
Où le soleil neuf à dessein
Semblait vous donner une aubade.

Et nous avions le cœur content,
Des projets plein notre espérance,
Profitant avec assurance
Du mois, de l’heure et de l’instant
Dans le parfum d’exubérance
Des  premiers jours du beau printemps.

                           ***
 

lundi 29 février 2016

La Mouette.







Contre le ciel, là-haut, sur le rebord d’un mur,
Il vient de se percher une mouette blanche.
D’où t’en viens-tu, présage presque sûr
De l’hiver et du froid ? De quel rafiot de planches,
Pourrissant lentement dans je ne sais quel port
De cette longue côte ornée d’écume grise
Qui rejoint au ciel bas la grand-plaine du Nord
En cette grève pâle où la vague se brise ?

Été, mon bel été, voici venir la fin,
La mouette le dit et son aile de neige
Porte déjà le deuil de ton règne défunt.
Il me semble que je frissonne. Où donc irai-je ?
Je ne puis m’envoler pour suivre le soleil,
Ni chercher sa chaleur près des rives lointaines,
Ni fuir le jour glacial en un profond sommeil,
Tout ce que je puis c’est rester… Et vivre à peine,
Attendre que le ciel redevienne un jour pur
Au souffle échevelé des grands vents qui balayent
Les mauvaises saisons, attendre une merveille :
Que la mouette enfin ait déserté le mur.

                        ***

dimanche 28 février 2016

Constatez...







De sa fuite, le temps ne se contente pas,
Il faut qu’il change tout et qu’après son passage
Il ne reste plus rien, non, pas même l’image
Des lieux où nos amours ont fait leurs premiers pas.

Rien ne reste constant, rien ne dure ici-bas,
Le toit de nos parents comme nos paysages,
Même le souvenir nous trahit avec l’âge
Et l’espoir qui jadis nous prenait par le bras !

Ayant compris, je confie à ma plume
Le soin de dévoiler, d’arracher à la brume
Qui monte, le meilleur de ces jours d’autrefois :

La tranquille douceur et la calme insouciance
Et l’émerveillement et les premiers émois,
L’impossible pour but et le rêve pour science.

                             ***