samedi 16 juillet 2016

Un Chevalier Déconfit.



(Château d'Assier - Quercy.)


Quand ferai-je crouler
Ces hauts murs qui me tiennent
Reclus et désolé ?
Ma tombe est d’obsidienne,
Mon caveau de granit,
Inutile à Ségeste,
Infécond pour Tanit,
A moi-même funeste ;
Sépulcre injustement
Scellé sur ma pensée,
J’ai rêvé longuement
De pierres fracassées
A la force des mots,
De serrures forcées
Et de prendre d’assaut
Cent poternes hersées,
Cent châtelets puissants,
Mille tours et courtines,
Cent bastions rugissants,
Mille fossés d’épines
Profonds et croupissants,
Avant de mettre en flammes
Le palais oppressant
Où se languit mon âme.
Mais hélas les donjons
Comme les barbacanes
Sont restés ce qu’ils sont
Et je demeure un âne.

                               ***

jeudi 14 juillet 2016

Hier.



(Saumur et la Loire.)

Où sont les courses vagabondes
A travers champs, bois et guérets ?
Quand j'imagine la forêt
Je sens une peine profonde.

De regrets ma mémoire gronde
En se souvenant de l’attrait
Des champs, des bois et des guérets ;
Où sont les courses vagabondes ?

Avant que l’aube au ciel se lève
J’allais par les bourgs endormis,
Droit vers un but toujours remis ;
L’air encor frais berçait mon rêve.

J’allais, ivre du paysage
Qu’inondait le soleil de juin,
Admirer était tout mon soin
Et j’admirais chaque village.

Alors, au long de mon errance,
J’ai connu plus d’un bel endroit,
Ce soir le ciel tissé d’orfroi
Me rappelle mon espérance.

Mais la route n’est plus pour moi,
Je ne puis revivre cet âge
D’amours, de vent, de paysages
A l’horizon de mes émois.

Elle doit bien être grand-mère,
La belle que j’aimais alors
Et que demeure-t-il encor
De certains chemins de naguère ?

Presque illisible un écriteau,
Quelques herbes, de la poussière,
Près des ruines d’une chaumière,
Au lieu du bois, un boqueteau…

Tout alentour une clôture,
Une  barrière, un barbelé ;
Mon horizon s’est envolé
Loin de ces treillis qui l’emmurent.

Il a rejoint dedans mon cœur
Tout l’autrefois de mes images,
La liberté de tant de pages,
Ce qui me reste de douceur.

Où sont les courses vagabondes
A travers champs, bois et guérets ?
Quand j'imagine la forêt
Je sens une peine profonde.

De regrets ma mémoire gronde
En se souvenant de l’attrait
Des champs, des bois et des guérets ;
Où sont les courses vagabondes ?

                               ***                      

mardi 12 juillet 2016

Ô Prince...






Noir intense des ombres à l’emporte-pièce
Qui découpent midi sur les places désertes
Où l’été lumineux s’enflamme de liesse
-Et pas un souffle d’air par la fenêtre ouverte -,

Noir aigu des cyprès plaqué sur un ciel bleu,
D’un bleu profond de céramique, étincelant
Sur l’ocre des murs et des toits d’où, tortueux,
Naît et s’échappe un chemin de calcaire blanc,

Noir implacable, es-tu le contraire de l’absence ?
Aux perles de cristal des fontaines bruissantes,
Un écrin de velours, aux heures qui s’avancent,
Sereine négation de l’aube évanescente ?

Limite du soleil, frontière de l’été ?
Es-tu le réfractaire ou le prince invaincu ?
Dans cette lutte es-tu le héros entêté
Ou l’ermite impuissant à qui le rêve a plu ?

                               ***                                                   
   

La Vêture.






Quand le soleil fait promesse
D’un beau matin accueillant
Il n’est pas une tristesse
Qu’on n’aille alors oubliant.

A midi, le ciel se voile,
Le monde est moins lumineux,
Dans le soir gris, malheureux,
On cherche en vain une étoile.

Le ciel et le quotidien
De notre cœur se ressemblent,
Nos trois âges aussi bien,
Que ces mots disent ensemble.

La pêche a belle pelure,
Le temps passe comme il doit,
La chair en devient trop mûre
Et pourrit sans autre choix.

L’amour a belle vêture
Qui subit la même loi
Et son avenir murmure :
« On ne peut être deux fois. ».

Mettez soleil et liesse
En vos quatrains, le temps presse,
De l’amour au moins autant ;
Vous savez ce qui l’attend.



                               ***                      

Tiresias a dit...






Et voici que naît quelque chose de sombre,
De dur et de cassant,
Une pierre aride au froid venu de l’ombre
En reproche incessant.

C’est un fardeau noir et c'est un mal inique
Qui vient avec le temps ;
Prenez au miroir ce rire sardonique
Que ce matin vous tend,

Il est bien trop tard pour faire des manières
Ou changer de façon,
Le monde en allé, c’est la mort qui conquière
Et donne la leçon.

Les heures d’alors, vous les direz amères
Puisque tel est leur nom
Et qu’il faut ouvrir votre bouche à la terre
Sans pouvoir dire non.

                               ***