mercredi 1 juin 2016

De Feuilles et de Pluie.



(Saumur.)


Il y a les feuilles si vertes
Et, si douce dessus, la pluie,
Un soir gris qui vous déconcerte
Dans ce dimanche qui s’ennuie.

Il y a le papier si blanc,
Il y a les mots incertains,
Peut-être un sourire troublant
Et l’ombre d’un autre matin…

Et tant, avant nous, de poètes,
Qu’il vous semble bien inutile
D’imiter la pluie qui s’entête
En cette chanson peu subtile ;

Il y a le bonheur aussi,
Il y a le bonheur pourtant,
Celui si simple d’être ici
Et celui de vivre l’instant.

                               ***

Longue nuit.




 Longue, trop longue nuit sans rêve qui l’égaye,
Faut-il que toute vie en tel sommeil se paye ?
S’il faut qu’avant le temps je connaisse ma mort,
A quoi me sert d’écrire, à quoi bon tout effort ?

S’il faut, jour après jour, cheminer et descendre
Toujours un peu plus près et de l’ombre et des cendres,
A quoi bon cultiver malgré tout les vertus
Et le courage avec, s’ils sont déjà battus ?

Un désert effrayant, hostile, aride, immense,
Où règnerait la nuit, le vide et le silence,
Un désert où se perdre et ne plus exister,
Un exil sans remède en son éternité…

Ô nuit, terrible nuit où meurt toute présence,
Infini de l’exil où la peur vous devance,
Pourquoi devons-nous vivre et pourquoi donc lutter
S’il nous faut te connaître et en vain t’affronter ?

                               ***




1788.






Que je ne sois qu’un gueux, comment donc l’oublier ?
Mes deux parents l’étaient, je le suis volontiers,
Je n’en vis pas plus mal, je n’en ai point de honte.
S’il faut pour vous parler que l’on soit au moins comte,
Je ne puis espérer connaître cet honneur,
Mais j’ai d’autres moyens d’arriver au bonheur
Et tout gueux que je sois il m’arrive de rire.
Ne vous offusquez pas que je puisse l’écrire,
Et ne m’en veuillez pas de jouer les auteurs,
Malicieux quelquefois mais jamais contempteur.
Souffrez qu’un vagabond au détour d’une rime
S’amuse d’un travers quand tout ce qui l’anime
C’est un peu d’insouciance et beaucoup de gaieté.
A prendre de si haut ce peu de liberté
Craignez qu’en m’écrasant dessous votre noblesse
Un éclat de mon vers, Madame, ne vous blesse.

                               ***

L'Orfèvre.






Vaste salon sans doute
Et lumière du soir,
L’après-midi me coûte ;
Qu’avez-vous à y voir ?

Ma paire de chaussures
Au pied du canapé,
Écrire me rassure :
Vivre c’est se tromper.

Si jamais je m’allonge
Je m’endors à l’instant,
Un songe pour un songe…
A quoi bon ce printemps ?

A quoi bon cette vie,
A quoi bon ces moments,
Sans but et sans envie,
Sans amour ni amants ?

Souvenirs sans usage
Et lumière du soir,
Quelques mots de passage ;
Qu’en pouvez-vous savoir ?

De ma coupe à vos lèvres
Et du songe au présent,
Le hasard est orfèvre
En d’étranges présents.

                               ***                      

samedi 28 mai 2016

Réalités.






La fin du mois qui pense à ses factures,
Aux enfants, à la nourriture,
Ne lit pas très souvent des vers.
Elle vit sa vie au travers
D’innombrables difficultés
Qui ne sont guère de lecture ;
On les nomme « Réalités »
Et ces Réalités sont dures.

            ***
 

jeudi 26 mai 2016

Les Illusions de Mai.





Au joli mois de Mai, les illusions fleurissent
Autant si ce n’est plus que ne font les amours,
Certaines durent peu mais d’autres ne périssent
Qu’au bout de plusieurs mois, après de longs détours.

La promesse des fleurs n’est pas souvent tenue,
Chacun de nous le sait s’il possède un miroir :
Il n’y a pas, hélas, que la vérité nue
De pesant à rêver et de pénible à voir…

                    ***

mercredi 25 mai 2016

Une Piécette.



(Cathédrale de Sienne-Italie.)

De petits vers, une piécette,
Monnaie au moins de bon aloi
Dans l’immense trésor des lettres
Pour un auteur de bonne foi,
Plus près, c’est vrai, de la brouette
Que du fier carrosse des rois.

Et puis après, que vous importe,
Vous qui n’écoutez que vous-même,
Si c’est dans une langue morte
Qu’il s’écrit encor des poèmes ?

Petites choses qui volettent
Aux oreilles des amateurs,
Trois petits tours, une courbette,
Bien loin des règles en vigueur,
Du pouvoir et de la conquête,
Du bon sens et de la grandeur,
Trois petits vers sans queue ni tête.

Trois petits vers qui batifolent
Bien loin de tout, est-ce assez bête ?
Mais toute poésie est folle
Comme sont ses amants...
Et son auteur.

                               ***