dimanche 2 avril 2017

Nocturne.





La lune, à cette heure, doit se lever,
D’argent doré, d’or argenté, la lune,
Et son reflet sur l’obscure lagune
Dont tous les amants du monde ont rêvé.

Les jours et les nuits sont mesquins ailleurs,
Comme les mots qui se feraient poèmes
Sans y penser, sans doute à l’instant même
Ici, poèmes parmi les meilleurs.

La paix sur toi, Marc, mon évangéliste…
Fragments de lune, écailles sur les flots,
Non, rien de tel ! Surtout pas de grands mots,
La mer est loin et cette nuit est triste ;

Par eux-mêmes les mots que sont-ils ? Rien.
Il est très tard et là-bas à cette heure
Seul le murmure de la mer demeure
Et ce qu’il dit qui le dit aussi bien ?

                               ***

Magnolias.



Dessus les magnolias où les fleurs s’amoncellent,
Où le printemps s’attarde en oubliant demain,
Flotte comme un reflet des beautés éternelles ;
Dessus les magnolias où les fleurs s’amoncellent.

Ce qu’un pétale seul de nuances révèle
Fait assez pressentir l’au-delà de l’humain ;
Dessus les magnolias où les fleurs s’amoncellent,
Où le printemps s’attarde en oubliant demain.

                               ***

Les Trois Amis. Sonnet grinçant.



Nous sommes trois amis qui nous réunissons,
Les mêmes souvenirs d’autrefois en partage,
Pour en sourire ainsi qu’on fait d’un bavardage
Dont chaque mot,  pourtant, nous dit que nous passons.

N’y évoquons-nous pas ce que nous délaissons,
Par la force du temps, par la force de l’âge,
Sans nous y arrêter,  pour paraître un peu sage
Et ne pas trop montrer ce qu’au fond nous pensons ?

Chacun des trois voit bien le temps sur le visage
De ses deux compagnons. Il le voit et je gage
Qu’en le voyant il pense avant tout à la mort..

Cette mort avant-hier qui semblait si lointaine,
Dont le jour est caché mais dont l’heure est certaine,
Chacun se demandant qui s’en ira d’abord.

                               ***

vendredi 31 mars 2017

Venise, mon Amour...





Vous qui dormez sans moi aux bords sombre de l’eau,
Rappelez-vous mes vers, rappelez-vous ces mots
Et mon amour sans fin vécu dans le silence
Et cette pauvreté près d’une gloire immense.
Dans l’ombre de la nuit qui redit autrefois,
Rappelez-vous d’hier, souvenez-vous de moi ;
Je ne fais que passer et votre nom demeure,
Les siècles sont à vous, je n’ai que quelques heures.

                               ***        

jeudi 30 mars 2017

Confusion.





Une pensée me fuit, une pensée me vient,
Laquelle possédait la plus grande importance,
Le plus grand intérêt et la plus grande chance
D’aboutir au succès ? Ma foi, je n’en sais rien. :
Une pensée me fuit, une pensée me fuit, une pensée me vient.

Ne me demandez pas pourquoi cette inconstance,
Ne m’interrogez pas sur ce qu’elle contient
Mais dites moi plutôt de cette efflorescence
Ce que la nuit conserve et  que l’aube retient,
Je lui pardonnerai ses oublis par avance ;
Une pensée me fuit, une pensée me vient,
Laquelle possédait la plus grande importance ?

                               ***

mercredi 29 mars 2017

Pied-de-Nez.





Le pire pour un écrivain
Serait de se prendre au sérieux
Et le miroir toujours en main
D’y chercher l’image d’un dieu.

Il faut que la rime s’amuse,
Que la strophe soit un peu folle,
Qu’on entende rire les Muses
Que nous abreuvons de paroles.

Que sommes-nous ? De la poussière,
Un courant d’air construit nos rimes,
Nous ne gravons rien sur la pierre
Et nous n’habitons pas les cimes.

Qui croira que nous ayons part
A quelque chose d’important ?
Faisons un pied-de-nez à l’art
Et moquons-nous un peu du temps.

                               ***

mardi 28 mars 2017

Le Jardin des Roses.




J’ai rêvé d’un jardin de roses
Où ce monde-ci finirait,
De silence et de porte close
Et il n’y avait pas « d’après ».

Je donnerais tous les possibles
Pour cet impassible présent
D’un matin calme, au soir paisible,
Pour ce beau rêve bienfaisant.

J’ai rêvé d’une heure fleurie
Sur un chemin irrationnel
Au milieu d’immenses prairies
Et d’un horizon éternel.


Je cherche la clé de mes rêves,
Celle du pays oublié
Où l’on se promène sans trêve
Dans le parfum de ces rosiers.

Je cherche la route ignorée
Qui ne cesse de serpenter
Dans cette campagne parée
D’une moisson d’éternité.

Je m’endors et je fais ce rêve,
Il ne faut plus me réveiller,
Pour moi c’est l’aube qui se lève,
Pourquoi seriez-vous effrayés ?

                               ***

lundi 27 mars 2017

Transition.



L’hiver m’enterre en cette ville,
Derrière un blanc manteau neigeux,
J’aime à me réchauffer au feu
De ces mirages inutiles
Que je cultive sans façon,
-N’ai-je pas vécu d’insouciance ? –
En attendant avec confiance
De retrouver un horizon.
 
Mais cet hiver là fut bien long,
Toute une saison de patience,
L’obscurité comme une science,
Aux pieds une gueuse de plomb.
Vînt le premier bourgeon, futile
Espoir et rassurant si peu,
Au jour second, bien plus que deux,
Mais au troisième des fleurs, mille.

Au quatrième qui comptait ?
Et je repris encor la route,
Il faisait beau et,  l’on s’en doute,
L’oubli revenu, je chantais.

                               ***