jeudi 8 septembre 2016

Ce qui fut écrit pour Hélène.






Trente mille clochers qui ne sonnent le glas
Qu’au chemin hasardeux du premier jour de guerre,
Qu’au péril du pays, à l’heure de misère
Où la Mort qui chemine a redoublé le pas.

Et voici que ce glas sonne en cette parole
Que vous m’avez confiée, Hélène dites-moi
S’il y va de ma faute, ainsi que je le crois,
Le doute également et ces mots me désolent.

Il n’est pas d’arbre mort, si dépouillé qu’il soit,
Si noir et si flétri qu’en l’hiver il paraisse,
Qui ne sache fleurir lorsque Mai le caresse
Ni de si mauvais sort qu’il ne change une fois.

                               ***       

mercredi 7 septembre 2016

Octobre Gris.




Dehors il pleut comme il pleut en octobre,
A ma fenêtre un coin de ciel terni,
La ville est sombre et le jour est fini :
Un songe gris et un adieu banal et sobre.

Pour tant d’autres déjà, combien encore ?
Je regarde pensif les arbres nus,
Est-ce la nuit que l’averse déplore,
Est-ce la nuit ou le froid revenu ?

Ce que je veux je ne l’ai pas trouvé,
Ma chambre est vide et les heures sont lentes ;
Quels mots pour dire et l’automne et l’attente 
Et ce regret maintenant éprouvé ?

                               ***

dimanche 4 septembre 2016

Les Halliers de Touraine.



(Château de Chambord.)



Par ces vieux halliers de Touraine
Où sonnait la trompe autrefois,
On aurait vu passer la Reine
Au temps, dit-on, du dernier Roi.

Qui sonne encore la « Dampierre »
Ou le « Bien-aller » dans ces bois ?
Si cette allée est cavalière
C’est cependant un autre endroit.

Une fanfare dix-huitième
Dont l’écho se disperse au vent,
Et je crois le Prince lui-même,
Qu’on voit chevaucher en avant,

Dans les ors  brumeux de l’automne
Un équipage allait grand train…
C’est en mon cœur seul que résonne
L’orgueil d’un hallali lointain…

                               ***       

Trois Marches.






Un Automne de feuilles mortes
Sur trois marches de gré,
La brume qu’un matin emporte
Et le froid de bon gré…

Ces trois marches là vous amènent
Au jardin déserté
Où l’aurore qui vous entraîne
Se souvient de l’été.

Au pied des arbres sans feuillage
Il n’y a plus de fleurs,
L’Hiver s’en va tourner la page,
Le gris est sa couleur.

Ce gris des bordures de pierre
Ce gris de l’univers
Et des dalles des cimetières
Silencieux et déserts.

Sur les degrés de feuilles mortes
S’attardent un brouillard
Et ces ombres de toutes sortes,
Comme de blancs vieillards

Qu’au bras des heures envolées,
Mélancoliquement,
Matin et soir, dans les allées
On voit passer si lents.

                               ***                      

vendredi 2 septembre 2016

Aujourd'hui (le Jardin des Absentes).






Il manque l’odeur des jardins couverts de roses
Lorsque le soir venu, paisible, on les arrose,
Parfum de l’herbe humide, arrière-goût de foin,
Septembre a commencé, l’automne n’est pas loin ;
Il manque à cette fin d’après-midi vermeille
Le translucide éclat des dernières groseilles,
La matité violette, en fruits éparpillés
Sous le feuillage vert, de quelque vieux prunier ;
Tout au bout d’un jardin dont l’herbe sèche est rase,
Il manque à l’horizon un couchant de topaze,
Le bleu-gris ou le blanc de l’arbre à papillons,
Le bouquet des dahlias safran et vermillon ;
Au pied de la maison il manque l’ombre lente
Des étés insouciants, et puis, et puis l’absente
A qui je pourrais bien inventer plus d’un nom,
Hélas, le temps me manque et à quoi bon ?

                               ***       

jeudi 1 septembre 2016

Pétrarque: sur la Mort de Laure. CCLXXVI du Canzoniere.






D’après la traduction du « Canzoniere » de Pétrarque. Poésie/Gallimard. 1983. P. 216.


Dans la douleur violente et l’horreur ténébreuse
Où cet ange serein, en partant,  m’a laissé
Je tente en composant ces lignes de lasser
Mon sombre désespoir et ma peine amoureuse.

C’est la juste affliction d’une âme malheureuse
Qui m’amène à me plaindre ; Amour tu sais assez
De quel fardeau mon cœur se retrouve oppressé
Et quel remède c’est aux heures rigoureuses.

Ô Mort,  tu m’as ravi mon unique secours,
Ô Terre bienheureuse,  et cela pour toujours,
En le couvrant, de contempler son beau visage !

Et pourquoi dois-je, ô Mort, ici-bas demeurer,
Aveugle inconsolé que l’éclat sans partage
D’un regard amoureux ne vient plus éclairer ?

                               ***