jeudi 23 mars 2017

Le Sablier.





Grain après grain, du col d’une ampoule de verre,
Un peu de sable fuit, silencieux et pressé,
Obstiné, chatoyant, anodin et sévère,
L’ampoule est presque vide : une vie est-ce assez ?

Combien d’heures se précipitent
Sans me laisser le temps de rien,
Pas une d’entre elles n’hésite,
Aucun effort ne les retient.

Que faire avec ce qui m’en reste ?
Je n’ai pas le temps d’y penser
Que la dernière d’un pas leste,
Moqueuse, achève de passer.

Il n’est plus à présent que cette ampoule vide
Dont le verre étincelle ou ce mot « sablier »…
Nul souffle sur l’étang où s’efface une ride
Et le livre se clôt sur un nom oublié.

                               ***

Lettre.



Les jours et les lieux nous séparent,
Et notre amour se perd ainsi
Dans un avenir imprécis
Où notre espoir lointain s’égare.

De beaux fruits ont pourtant mûri
Qu’hélas aucun des deux ne cueille,
Demain l’arbre sera sans feuilles,
Ma Douce, en serons-nous surpris ?

Allons, nous ne le serons guère
Et pourtant pas moins malheureux
Qu’y faire hormis former le vœu
Que bientôt nos amours prospèrent ?

Je suis ici, vous êtes là,
Seuls nos rêves s’en vont ensemble
Mais le reste se désassemble
Ou porte à faux ou tombe à plat,

Et nos amours trop isolées
S’échangent indéfiniment
Des promesses et des serments
Au fil de lettres désolées.

                               ***

mercredi 22 mars 2017

Printanièrement Vôtre.





Voici le printemps qui revient,
Voici les fleurs et les feuillages
Et la lumière à votre image ;
Voici le printemps qui revient,

L’amour avec  en apanage
Tout votre espoir et tout le mien,
Et puis, et puis, tournez la page,
Souriez-moi, ne dites rien,
Tout le plaisir s’il vous convient
Et tout le bonheur de notre âge ;

Voici le printemps qui revient.
Voici les fleurs et les feuillages.

                               ***

lundi 20 mars 2017

L'Anneau d'Or.



(Parc du château de Fontainebleau.)
Les mots qui s'en viennent vers moi
Je leur demande qu’ils rappellent,
Belle, ces amours qui parfois
Nous paraissaient bien irréelles.

Nous nous sommes tant attendus
Dans l’espérance et dans la crainte,
Quand tout pouvait être perdu,
Quand tout nous semblait hors d’atteinte,

Quand les nuits libres de rêver
Craignaient leurs aurores déçues
Où rien ne pouvait se trouver
De notre vie entraperçue.

Je n’imaginais pas qu’il soit
Un jour possible que je vive
Sans t’avoir à côté de moi ;
Les jours ont fui comme l’eau vive,

Les jours, les mois, combien de temps ?
Et dans ce temps combien d’épreuves
Ou de malheurs ? Vaincus pourtant :
Un anneau d’or en est la preuve !

                               ***

Vent de Bretagne.





Le vent qui court par la Bretagne
A la violence de lointains
Qu’ignore ma vieille campagne
Que jamais son souffle n’atteint.

Chez moi ce qu’il en reste passe
Pour faire onduler nos épis,
Pour effeuiller les roses lasse,
On ne le voit pas faire pis.

Quand il parle c’est un murmure
Que peut-être un poète entend ;
Là-bas le vent n’a guère cure
Qu’on soit ou non de lui content,

Il va rugir avec les vagues
Que vont fracasser les brisants
Et sa colère gyrovague
Est un redoutable présent

Qui brise des forêts entières
Qui brise la pierre des croix,
Qui se moque bien des prières
Et qui ne connaît que son droit.

                               ***

dimanche 19 mars 2017

L'Ombre.





Une ombre à peine et plus nocturne que la nuit,
Plus froide aussi où pas une étoile ne luit,
Et plus opaque encore et triste en son silence
Une ombre qui s’en va, plus lasse que l’errance,

Soumise à je ne sais quelle condamnation
Irréversible et d’éternelle perdition,
Une ombre dans la nuit, tellement douloureuse,
Sans visage et sans voix, une ombre malheureuse.

Une ombre en qui tes jours ont – le sais-tu ? – leur part
Et dont tu n’oses pas, toi, croiser le regard !
L’un qui n’est que par l’autre et tous les deux sinistres
Plus qu’au bûcher des morts les flûtes et les cystres,

Une ombre qui revient au bout de chaque jour,
Une ombre silencieuse à qui demeure sourd,
Tu le sais mieux que moi car l’ombre te ressemble,
C’est peut-être pourquoi je vois que ta main tremble…

                               ***