jeudi 9 février 2017

Un Après-midi d'Hiver.





Les arbres nus dans le vent froid
De noir et de blanc s’entrelacent
Sur le bord des chemins étroits
D’ornières, de boue et de glace.

La terre est lourde sur les champs,
Là-bas où l’horizon s’estompe
L’heure s’achemine au couchant
Dans les haillons d’un jour sans pompe.

Un pauvre jour d’un hiver gris
Où l’étain du canal s’éloigne
Terne, monotone et flétri,
Solitude que rien ne soigne,

Aux flancs abandonnés
De ces péniches immobiles
Où l’âge vient damasquiner
L’ocre de ses rouilles subtiles.

Et le vent,  qui n’est pas disert,
Au soir venu courbe l’échine
En traversant les champs déserts
Où la fin du jour se dessine.

                               ***

Le Bureau.





C’est toujours le même bureau,
C’est presque le même silence,
Les jours sont juste un peu moins beaux ;
C’est toujours le même bureau.

Meurent les amours, il le faut,
Les paroles se font absence ;
C’est toujours le même bureau,
C’est presque le même silence.

                               ***         

mardi 7 février 2017

Le Témoin.





L’étranger dit : « Je suis votre témoin,
D’ombre et de nuit à charge,
D’aurore aussi et à décharge ;
Je suis venu de loin. »

Mon âme lui répond :
« Qui me condamne et qui m’acquitte
Et pour quel vol ou pour quel don ?
Qu’ai-je donc fait qui vous mérite ? »

« Vous, rien, car l’être est inutile
Et le vouloir est désastreux
Et vous ne comptez pas, objet futile,
Dans un univers hasardeux.
Mais l’homme est objet de scandale,
Tout homme l’est, tous le sont en chacun.
Je sais ce que vos heures valent
Car je vous connais un par un :
Je suis votre témoin. »

Tout cela se passait peut-être hier
Ou c’était hors du temps,
Le ciel était de fer,
La terre était de brume, une flamme devant.

« Vos mots parleront contre vous
Avec la force du reproche,
La colère pardessus tout.
C’est aussi pourquoi je m’approche ;
Je suis venu de loin.

Dans une main, que j’ouvre au vent,
Je tiens les cendres du désir,
Dans l’autre je garde avec soin,
Pour le produire maintenant,
Ce que rien ne pourra nier,
Ce que rien ne pourra ternir,
Ce qui ne peut être oublié,
Ce que rien ne peut abolir,
Ce qui vous sauve et qui me charme
Et qui vient de si loin :
L’éternel éclat d’une larme ;
Je suis votre témoin. »

                               ***

lundi 6 février 2017

Comparaison.





La « cloche de dix heures »
Est-elle pire
Que le silence de minuit ;
Qui sait ce que l'on peut en dire ?

L’une dit le départ
Et l’autre dit l’absence,
L’une dit la prudence,
L’autre qu’il est trop tard,
L’une dit la faiblesse,
L’autre dit la tristesse,
L’une dit « au-revoir »,
L’autre « adieu, tout est noir ».

La cloche de dix heures
Est passée de longtemps,
Voici minuit, j’attends
Comme d’autres demeurent.

                               ***

dimanche 5 février 2017

Chanson Passagère.





De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère,
Refrain de joie au fil de l’eau
De cascades ou de ruisseaux.

Quand chaque rime fait assaut
De reflets joyeux, de lumière,
De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère.

Celle qui va par monts et vaux,
Irréfléchie et cavalière
Et scintillante comme il faut,
Argentine autant que légère,

Au bon vouloir du chant de l’eau,
Une chanson primesautière
Ainsi que chante aussi la faux
Pour les foins et moissons fermières,

Au bon vouloir du chant de l’eau,
Des cascades et des ruisseaux
En cette chanson passagère,
Jusqu’au grand calme des rivières
L’été quand le soleil est haut.

De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère.

                               ***