L’étranger
dit : « Je suis votre témoin,
D’ombre et
de nuit à charge,
D’aurore
aussi et à décharge ;
Je suis venu
de loin. »
Mon âme lui
répond :
« Qui
me condamne et qui m’acquitte
Et pour quel
vol ou pour quel don ?
Qu’ai-je
donc fait qui vous mérite ? »
« Vous,
rien, car l’être est inutile
Et le
vouloir est désastreux
Et vous ne
comptez pas, objet futile,
Dans un
univers hasardeux.
Mais l’homme
est objet de scandale,
Tout homme
l’est, tous le sont en chacun.
Je sais ce
que vos heures valent
Car je vous
connais un par un :
Je suis
votre témoin. »
Tout cela se
passait peut-être hier
Ou c’était
hors du temps,
Le ciel
était de fer,
La terre
était de brume, une flamme devant.
« Vos
mots parleront contre vous
Avec la
force du reproche,
La colère
pardessus tout.
C’est aussi
pourquoi je m’approche ;
Je suis venu
de loin.
Dans une
main, que j’ouvre au vent,
Je tiens les
cendres du désir,
Dans l’autre
je garde avec soin,
Pour le
produire maintenant,
Ce que rien
ne pourra nier,
Ce que rien
ne pourra ternir,
Ce qui ne
peut être oublié,
Ce que rien
ne peut abolir,
Ce qui vous
sauve et qui me charme
Et qui vient
de si loin :
L’éternel
éclat d’une larme ;
Je suis
votre témoin. »