dimanche 4 septembre 2016

Les Halliers de Touraine.



(Château de Chambord.)



Par ces vieux halliers de Touraine
Où sonnait la trompe autrefois,
On aurait vu passer la Reine
Au temps, dit-on, du dernier Roi.

Qui sonne encore la « Dampierre »
Ou le « Bien-aller » dans ces bois ?
Si cette allée est cavalière
C’est cependant un autre endroit.

Une fanfare dix-huitième
Dont l’écho se disperse au vent,
Et je crois le Prince lui-même,
Qu’on voit chevaucher en avant,

Dans les ors  brumeux de l’automne
Un équipage allait grand train…
C’est en mon cœur seul que résonne
L’orgueil d’un hallali lointain…

                               ***       

Trois Marches.






Un Automne de feuilles mortes
Sur trois marches de gré,
La brume qu’un matin emporte
Et le froid de bon gré…

Ces trois marches là vous amènent
Au jardin déserté
Où l’aurore qui vous entraîne
Se souvient de l’été.

Au pied des arbres sans feuillage
Il n’y a plus de fleurs,
L’Hiver s’en va tourner la page,
Le gris est sa couleur.

Ce gris des bordures de pierre
Ce gris de l’univers
Et des dalles des cimetières
Silencieux et déserts.

Sur les degrés de feuilles mortes
S’attardent un brouillard
Et ces ombres de toutes sortes,
Comme de blancs vieillards

Qu’au bras des heures envolées,
Mélancoliquement,
Matin et soir, dans les allées
On voit passer si lents.

                               ***                      

vendredi 2 septembre 2016

Aujourd'hui (le Jardin des Absentes).






Il manque l’odeur des jardins couverts de roses
Lorsque le soir venu, paisible, on les arrose,
Parfum de l’herbe humide, arrière-goût de foin,
Septembre a commencé, l’automne n’est pas loin ;
Il manque à cette fin d’après-midi vermeille
Le translucide éclat des dernières groseilles,
La matité violette, en fruits éparpillés
Sous le feuillage vert, de quelque vieux prunier ;
Tout au bout d’un jardin dont l’herbe sèche est rase,
Il manque à l’horizon un couchant de topaze,
Le bleu-gris ou le blanc de l’arbre à papillons,
Le bouquet des dahlias safran et vermillon ;
Au pied de la maison il manque l’ombre lente
Des étés insouciants, et puis, et puis l’absente
A qui je pourrais bien inventer plus d’un nom,
Hélas, le temps me manque et à quoi bon ?

                               ***       

jeudi 1 septembre 2016

Pétrarque: sur la Mort de Laure. CCLXXVI du Canzoniere.






D’après la traduction du « Canzoniere » de Pétrarque. Poésie/Gallimard. 1983. P. 216.


Dans la douleur violente et l’horreur ténébreuse
Où cet ange serein, en partant,  m’a laissé
Je tente en composant ces lignes de lasser
Mon sombre désespoir et ma peine amoureuse.

C’est la juste affliction d’une âme malheureuse
Qui m’amène à me plaindre ; Amour tu sais assez
De quel fardeau mon cœur se retrouve oppressé
Et quel remède c’est aux heures rigoureuses.

Ô Mort,  tu m’as ravi mon unique secours,
Ô Terre bienheureuse,  et cela pour toujours,
En le couvrant, de contempler son beau visage !

Et pourquoi dois-je, ô Mort, ici-bas demeurer,
Aveugle inconsolé que l’éclat sans partage
D’un regard amoureux ne vient plus éclairer ?

                               ***                                       

mercredi 31 août 2016

Rondeau.






Rondeau de la pluie enchantée
Qui tombe sur le bois d’amour,
Un été d’heures décomptées
Avant la naissance du jour
Dans l’odeur des feuilles mouillées ;

Me donnerez-vous un baiser
Au jour naissant d’aube ennuyée ?
Si je l’espère il faut l’oser.
Rondeau de la pluie enchantée.

Amour d’espérance accointée              (1)    
Qui savez prendre pour atour                                 
La feuille aux perles de rosée,
L’été ne dure pas toujours…
Rondeau de la pluie enchantée
Qui tombe sur le bois d’amour.

                               ***

(1)  « une » amour (forme du XVIe siècle).