lundi 10 octobre 2016

Un Mot.



(Eglise de Saint-Amand de Coly - Dordogne.)


Ne me donnez  qu’un mot, mais un mot inconnu
Dont je puisse jouer comme on fait de cymbales
Ou comme un chien ferait en poursuivant sa balle,
Un mot né du silence et jamais retenu.

Ne me donnez  qu’un mot, fut-il sans importance
Et j’en bâtirai plusieurs stances,
J’inventerai pour lui des poèmes nouveaux
Et plus d’un rythme étrange et beau.

Ne me donnez  qu’un mot, sonorité nouvelle
Dont nul écho ne se rappelle,
Un seul mot forcément étrange et créateur,
N’ayant pas connu d’autre auteur.

Ne me donnez  qu’un mot, dont on fera mémoire
Pour la première fois au milieu de mes lignes,
Pour mon plus grand plaisir, pour sa plus grande gloire,
Un mot comme témoin et témoignage insigne,

Un mot de renouveau ;
Ne me donnez qu’un mot !

                               ***         

dimanche 9 octobre 2016

Chanson d'Autrefois.





  


Le ciel est gris et l’an s’avance,
Chaque jour est moins avenant,
Tire plus tôt sa révérence,
Toujours plus froid en revenant,
Toujours plus triste en terminant.

Les bois que plus rien n’ensoleille
Disent assez quelle saison
Derrière celle-ci s’éveille
Et ce qui monte à l’horizon
De froid et de neige à foison.

Notre chemin se clôt, ma Douce,
Et comme lui, notre entretien,
Dessous le givre un lit de mousse
De nous, peut-être, se souvient ;
De tout le reste il n’est plus rien,
Pauvre déduit, pauvre chevance
Pour le grand amour qui nous tient ;
Le ciel est gris et l’an s’avance.

                               ***

Octobre.






Au coin d’une porte-fenêtre
Je surveille le va-et-vient
Des jours, des saisons et des êtres
Entrevus qui ne me sont rien,
Gris, comme sont gris les nuages
De cette fin d’après-midi
Où l’Automne dicte à mes pages
Les mêmes mots dits et redits.

Ce sont les heures familières
Et les stances du toujours-là
Comme on répète une prière,
Comme un sourire sans éclat ;
Avec des mots en demi-teintes
Le bel Octobre que voilà
En ses après-midis éteintes
Dont les rimes tombent à plat…

Tant qu’il fait jour, en bas, la vie
Passe comme passent toujours
La force, la joie et l’envie ;
Côté façade et côté cour
C’est une même litanie
Qu’un aveugle écrit pour un sourd.

                               ***        

jeudi 6 octobre 2016

Un Conseil Ironique.



(Château de Chantilly.)


En longs accents plaintifs chanter son désespoir,
Savoir en vers touchants consoler sa tristesse,
Est-ce vraiment utile et faut-il chaque soir
Ouvrir si grand son cœur aux peines qui s’empressent ?
Faut-il sur tous les tons se plaindre de ses maux,
Accuser tout le temps et maudire le monde ?
Faut-il pour se venger en alignant les mots
Juger le passé sombre et le présent immonde ?
Le sage dit : « mais non » et le prêtre : « bien sûr »
Mais ils sont partisans et nul ne les écoute.
Et moi, de sens rassis, et quant à l’âge, mûr,
Je m’en vais vous répondre et lever tous vos doutes.
Oui, vous devez vous plaindre et ne pas hésiter
A protester bien haut de vos mille infortunes,
Soupirez et pleurez, lamentez, regrettez
Ce que vous n’avez pas, ce qui vous importune !
D’abord cela soulage et puis, sait-on jamais,
Il se peut qu’un beau jour un brave homme l’entende,
S’en émeuve et vous aide et là je me permets
De rire en souscrivant à pareille légende.

                               ***                       

lundi 3 octobre 2016

La Cloche du Matin.






Routes, friches, champs ou forêts,
Si lentement, comme à regret,
Il sonne une cloche perdue
Au fond de l’aube triste et nue.
Qui donc l’entend et qui donc sait
Et qui donc chante et qui se tait ?
Au ras des sillons tant de brume,
Au bord des rivières, l’eau fume,
Comme l’on rêve et comme on craint,
Comme un reproche pour refrain,
Au fond de l’aube triste et nue
Il sonne une cloche perdue.

                               ***