mercredi 25 octobre 2017

Buvons un verre (dialogue).



(La Petite France - Strasbourg.)

Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –
Et,  pourquoi pas, ou vous ou moi ?
Nous avons bavardé comme il se doit
Quand on retrouve un vieil ami d’enfance
Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –.

« Et qu’as-tu fait et qu’as-tu vu là-bas ?
Allez, comme autrefois, viens prendre un verre ;
Ici, tu sais, les jours ne changent pas,
Ne changent pas ou bien ne changent guère.

Les gens non plus, c’est peut-être une chance,
C’est ce qu’on dit, peut-être ce qu’on croit,
Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –
Et,  pourquoi pas, et vous et moi ? »

« Il y a bien longtemps, je suis parti,
Je suis parti sur les chemins de l’existence
En qualité de tout jeune apprenti.
Je les ai parcourus avec constance
Et puis, l’âge venant, comme un chacun,
Je m’en suis retourné vers ma province
Mais c’est sans gloire et puis sans titre aucun,
Ma bourse est plate et mon bagage est mince.
Mes seuls  acquis sont le fait d’expédients,
Quelque ironie aux dépens de la science,
Cette résignation, j’en suis conscient,
Qui fait le pauvre, et beaucoup de patience.
J’ai peu gagné si j’ai beaucoup appris
Mais ce savoir change bien peu de choses
A mon assiette et dans un hiver gris
Il ne sait pas faire fleuri des roses… »

« Ainsi pour toi, tout autant sous mon toit,
Buvons ce verre à notre ressemblance,
Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –
Et,  pourquoi pas, à vous et moi !

                               ***       

mardi 24 octobre 2017

Les bons moments.





Dans une vie, en y réfléchissant,
On doit compter entre un et deux pour cent
De bons moments ;
Profitons-en !

Et puis ces bons moments passent si vite…
Quand ce n’est pas le sort qui les évite,
C’est nous, qu’agite
Un curieux rite

Qui nous pousse à nous les gâcher soudain,
Animés dont on ne sait quel dédain,
Quel orgueil vain
Dont je nous plains.

Il faut agir dès qu’il s’en présente un,
Dessus tacher de mettre le grappin,
Le tenir bien,
N’en perdre rien,

Puis, par après, en garder la mémoire,
Le rappeler comme on fait d’une gloire,
Comme exutoire
Aux heures noires.

                               ***

dimanche 22 octobre 2017

Théâtre d'ombres.





Ma vie, ombre chinoise
Sur le ciel théâtral
Où le bien et le mal
Viennent  nous chercher noise,

Ombre caricature,
Sur le papier journal
D’un autre jour banal
Dont je fais la lecture,

Cette heure qui me poise[1]
- Comme eût écrit Villon –
Car le temps se fait long
Et longue aussi l’ardoise,

Ombre du clair obscur
De toutes nos sentences
Et de notre existence
Où rien n’est jamais sûr,

Ce soir, où je te croise,
Qui donc mène le bal
Sur ce ciel théâtral,
Ma vie, ombre chinoise ?

                               ***        
 


[1] Poise : pèse (moyen français).

mercredi 18 octobre 2017

Mon Passé.





Mon passé fut heureux puisque après si longtemps
Son souvenir m’apporte encore autant de joie
Et que cet âge enfui devant mes yeux déploie
Le charme inaltéré de jours vieux de vingt ans.

C’était un bonheur calme et je le goûtais tant
Que lorsqu’à le chanter,  comme ici,  je m’emploie,
Il s’en faut de bien peu qu’alors je ne larmoie
En comparant ma paille à l’or de mon printemps.

Que le monde a changé dans ces quarante années !
Mes plaisirs sont caducs et mes joies surannées,
Je suis l’aulne vieilli sur les bords du torrent,

Dont jamais le courant ne retourne  en arrière,
L’arbre qui d’un reflet éphémère s’éprend 
Et la racine enfouie aux rêves de lumière.

                               ***

lundi 16 octobre 2017

Oublier.



(Crépuscule sur le Scharrachberg - Alsace.)
Je veux enfin me reposer
En oubliant l’heure qui passe
- Ce que je n’ai jamais osé –
Je veux enfin me reposer.

Mais ce temps dont j’ai mal usé
En mon cœur a laissé des traces,
Au point que le voilà blasé,
Incrédule à toute bonace[1].

Mon cœur, il faut vous accoiser[2]
Et ne plus parler qu’à voix basse :
Je veux enfin me reposer
En oubliant l’heure qui passe.

                               ***


[1] Etat de la mer quand elle est étale.
[2] Accoiser : rendre coi dans le sens ici de pacifier.