lundi 6 juin 2016

La Rose Sans-Pareille.





          
Cette rose était sans pareille,
Elle n’a fleuri qu’une fois ;
L’éclat de sa splendeur vermeille
Eût fait l’admiration d’un roi.

Qu’en reste-t-il sinon l’épine
Sur la tige où plus rien ne croît ?
Pour cette rose,  on le devine,
Mon cœur se meurt comme son bois.

Tous les autres rosiers fleurissent
En mai, chaque nouveau printemps,
Pourquoi fallait-il que périsse
Le seul qui pour moi comptait tant ?

Rose fragile aux cent pétales,
Rose de Provins, de Damas,
Aucune de vous ne l’égale
Ni ne l’égalera, hélas.

                               ***        
        

mercredi 1 juin 2016

De Feuilles et de Pluie.



(Saumur.)


Il y a les feuilles si vertes
Et, si douce dessus, la pluie,
Un soir gris qui vous déconcerte
Dans ce dimanche qui s’ennuie.

Il y a le papier si blanc,
Il y a les mots incertains,
Peut-être un sourire troublant
Et l’ombre d’un autre matin…

Et tant, avant nous, de poètes,
Qu’il vous semble bien inutile
D’imiter la pluie qui s’entête
En cette chanson peu subtile ;

Il y a le bonheur aussi,
Il y a le bonheur pourtant,
Celui si simple d’être ici
Et celui de vivre l’instant.

                               ***

Longue nuit.




 Longue, trop longue nuit sans rêve qui l’égaye,
Faut-il que toute vie en tel sommeil se paye ?
S’il faut qu’avant le temps je connaisse ma mort,
A quoi me sert d’écrire, à quoi bon tout effort ?

S’il faut, jour après jour, cheminer et descendre
Toujours un peu plus près et de l’ombre et des cendres,
A quoi bon cultiver malgré tout les vertus
Et le courage avec, s’ils sont déjà battus ?

Un désert effrayant, hostile, aride, immense,
Où règnerait la nuit, le vide et le silence,
Un désert où se perdre et ne plus exister,
Un exil sans remède en son éternité…

Ô nuit, terrible nuit où meurt toute présence,
Infini de l’exil où la peur vous devance,
Pourquoi devons-nous vivre et pourquoi donc lutter
S’il nous faut te connaître et en vain t’affronter ?

                               ***




1788.






Que je ne sois qu’un gueux, comment donc l’oublier ?
Mes deux parents l’étaient, je le suis volontiers,
Je n’en vis pas plus mal, je n’en ai point de honte.
S’il faut pour vous parler que l’on soit au moins comte,
Je ne puis espérer connaître cet honneur,
Mais j’ai d’autres moyens d’arriver au bonheur
Et tout gueux que je sois il m’arrive de rire.
Ne vous offusquez pas que je puisse l’écrire,
Et ne m’en veuillez pas de jouer les auteurs,
Malicieux quelquefois mais jamais contempteur.
Souffrez qu’un vagabond au détour d’une rime
S’amuse d’un travers quand tout ce qui l’anime
C’est un peu d’insouciance et beaucoup de gaieté.
A prendre de si haut ce peu de liberté
Craignez qu’en m’écrasant dessous votre noblesse
Un éclat de mon vers, Madame, ne vous blesse.

                               ***

L'Orfèvre.






Vaste salon sans doute
Et lumière du soir,
L’après-midi me coûte ;
Qu’avez-vous à y voir ?

Ma paire de chaussures
Au pied du canapé,
Écrire me rassure :
Vivre c’est se tromper.

Si jamais je m’allonge
Je m’endors à l’instant,
Un songe pour un songe…
A quoi bon ce printemps ?

A quoi bon cette vie,
A quoi bon ces moments,
Sans but et sans envie,
Sans amour ni amants ?

Souvenirs sans usage
Et lumière du soir,
Quelques mots de passage ;
Qu’en pouvez-vous savoir ?

De ma coupe à vos lèvres
Et du songe au présent,
Le hasard est orfèvre
En d’étranges présents.

                               ***