dimanche 29 octobre 2017

Le tilleul.




Le tilleul embaume la nuit,
Je regarde les hirondelles,
De la rue monte moins de bruit ;
Le tilleul embaume la nuit.

Là-bas où l’ombre m’a conduit
Aux parfums du jardin se mêle
La fraîcheur de ce soir qui fuit
Dans une douceur éternelle.

Une première étoile a lui,
Le cœur en paix je me rappelle…
Le tilleul embaumait la nuit,
Je regardais les hirondelles.

                               ***

L'amour forteresse.



(Château du Bernstein - Alsace.)

Il pleut comme l’Automne pleut
Quand le froid revient dans les villes
Obscures des minuits boueux
Au désert des places hostiles.

Vous qui veillez en languissant,
Repensez à votre jeunesse
Et répétez ses mots puissants :
« Mon amour est ma forteresse. »

Tant et tant d’Automnes ont plu
En balayant ses murs sans cesse
Sans qu’aucun d’eux n’ait jamais su
Faire triompher sa tristesse !

Laissez donc cet Automne-ci
Faire comme ont fait tous les autres,
Laissez le s’enrager ici
Et répétez comme l’apôtre
Que rien ne séduit ou n’oppresse :
« Mon amour est ma forteresse. »

                               ***

mercredi 25 octobre 2017

Buvons un verre (dialogue).



(La Petite France - Strasbourg.)

Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –
Et,  pourquoi pas, ou vous ou moi ?
Nous avons bavardé comme il se doit
Quand on retrouve un vieil ami d’enfance
Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –.

« Et qu’as-tu fait et qu’as-tu vu là-bas ?
Allez, comme autrefois, viens prendre un verre ;
Ici, tu sais, les jours ne changent pas,
Ne changent pas ou bien ne changent guère.

Les gens non plus, c’est peut-être une chance,
C’est ce qu’on dit, peut-être ce qu’on croit,
Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –
Et,  pourquoi pas, et vous et moi ? »

« Il y a bien longtemps, je suis parti,
Je suis parti sur les chemins de l’existence
En qualité de tout jeune apprenti.
Je les ai parcourus avec constance
Et puis, l’âge venant, comme un chacun,
Je m’en suis retourné vers ma province
Mais c’est sans gloire et puis sans titre aucun,
Ma bourse est plate et mon bagage est mince.
Mes seuls  acquis sont le fait d’expédients,
Quelque ironie aux dépens de la science,
Cette résignation, j’en suis conscient,
Qui fait le pauvre, et beaucoup de patience.
J’ai peu gagné si j’ai beaucoup appris
Mais ce savoir change bien peu de choses
A mon assiette et dans un hiver gris
Il ne sait pas faire fleuri des roses… »

« Ainsi pour toi, tout autant sous mon toit,
Buvons ce verre à notre ressemblance,
Jacques, Bernard ou Jean, - Quelle importance ? –
Et,  pourquoi pas, à vous et moi !

                               ***       

mardi 24 octobre 2017

Les bons moments.





Dans une vie, en y réfléchissant,
On doit compter entre un et deux pour cent
De bons moments ;
Profitons-en !

Et puis ces bons moments passent si vite…
Quand ce n’est pas le sort qui les évite,
C’est nous, qu’agite
Un curieux rite

Qui nous pousse à nous les gâcher soudain,
Animés dont on ne sait quel dédain,
Quel orgueil vain
Dont je nous plains.

Il faut agir dès qu’il s’en présente un,
Dessus tacher de mettre le grappin,
Le tenir bien,
N’en perdre rien,

Puis, par après, en garder la mémoire,
Le rappeler comme on fait d’une gloire,
Comme exutoire
Aux heures noires.

                               ***

dimanche 22 octobre 2017

Théâtre d'ombres.





Ma vie, ombre chinoise
Sur le ciel théâtral
Où le bien et le mal
Viennent  nous chercher noise,

Ombre caricature,
Sur le papier journal
D’un autre jour banal
Dont je fais la lecture,

Cette heure qui me poise[1]
- Comme eût écrit Villon –
Car le temps se fait long
Et longue aussi l’ardoise,

Ombre du clair obscur
De toutes nos sentences
Et de notre existence
Où rien n’est jamais sûr,

Ce soir, où je te croise,
Qui donc mène le bal
Sur ce ciel théâtral,
Ma vie, ombre chinoise ?

                               ***        
 


[1] Poise : pèse (moyen français).