jeudi 4 février 2016

Le Cycle des Amours Déçues XIII. L'Epistolier.






En attendant que le sommeil vous prenne,
Que lirez-vous ? Une lettre de moi ?
Non, c’est un non, et comme à chaque fois,
Ce non que vos lèvres égrènent,
En attendant que le sommeil vous prenne.

De l’an qui meurt à celui qu’on étrenne
Je pose ma question sans grand émoi :
En attendant que le sommeil vous prenne,
Que lirez-vous ? Une lettre de moi ?
Je sais que non et ce non c’est ma croix.

                        ***


Le Cycle des Amours Déçues XII. Le Romantique.






Une averse en gouttes glaciales
Cingle la grisaille des toits ;
Qu’elle est loin la fête nuptiale
Et cependant je pense à toi.

C’est une longue promenade
Où les souvenirs de jadis
Doivent bien accueillir, maussades,
Ces tristes jours qui sont leurs fils.

L’Amour n’est plus qu’un dieu farouche,
Du matin blême à son lever
A ce soleil froid qui se couche
Il ignore le mot : « rêver ».

Mais s’il ne veut plus me sourire,
S’il ne te cause plus d’émoi,
Mon cœur conserve en point de mire
Son espérance d’autrefois
Qu’aucun hiver ne peut proscrire
Et sous la pluie, je pense à toi.

                 ***

samedi 30 janvier 2016

Le Cavalier Hiver.






Il souffle un vent froid de janvier
Qui galope à travers les rues
Avec l’Hiver pour cavalier
Qui le mène à bride abattue.

Avec lui ses valets vêtus
De gris nuages pour livrée,
Qui vont aveugles et têtus
Sur leurs cavales enivrées

De givre et de matins brumeux
Au bord des rivières gelées,
De neige et de jours silencieux
Sur des campagnes désolées.

Étincelles sur les pavés,
Hennissement de cavalcade,
En un matin trop tard levé
Entre les pignons des façades,

L’Hiver tourbillonne à plaisir
De la ruelle à l’horizon,
Toute la ville est à saisir
Et le pays à l’unisson.

            ***
 

dimanche 24 janvier 2016

Le Cycle des Amours Déçues - XI. Méchant Amour.





« Méchant Amour », tu mérites ce nom
Et un plus doux très assurément non,
Qui donnes et reprends, trompes, promets
Et d’un espoir comblé fais un regret.
Toi qui t’offres, douceur, beauté paisible,
Et qui te vis, querelleur, irascible,
Trompeur juré, si nourri d’inconstance
Que tu n’as plus qu’un semblant de prestance 
A peine suffisant pour le poème
D’un malheureux qui penserait qu’il aime,
Étrange erreur ou rageuse folie
Qui lui fera vider jusqu’à la lie
Une coupe sans fond de jours amers
De déceptions et de cuisants revers ;
Dispensateur de peines et d’effroi,
« Méchant Amour », c’est ton nom à bon droit.

                        ***     
Ce texte est inspiré de deux vers de Joachim du BELLAY :
« Meschant Amour, ô que ta force est grande
Sur les espris ou ton pouvoir commande »
Traduction du livre IV de l’Enéide, vers735-736,  tome VI des Œuvres Poétiques, DROZ 1931.

Un Lancinant Désir.





Même désir qui, lui du moins, ne vieillit pas,
Une quête au travers du temps qui fut sans trêve,
Le jour où je partis nul ne me rattrapa ;
Pas de sort assuré, pas d’aventure brève,
Une scène changeante et le cœur d’autrefois,
Noblesse oblige à qui le veut, telle est l’enfance :
Un roman d’espérance et d’amour et de foi.
Ô sévère Chronos, qui me fera défense
De le poursuivre encore au plus loin des toujours ?
Je vis de certitude et non pas de « peut-être »
Et rien n’est assez long pour ce désir si lourd,
Un désir, ô vieillard, dont tu n’es pas le maître !
Il me ressemble enfant et comme il est, je suis,
Parce qu’il est j’existe et persiste et demeure,
Nul ne saura jamais qui des deux mène ou suit,
Ni s’il faudra qu’un jour, l’un comme l’autre meure.
Beaucoup l’ont affirmé mais moi je n’en crois rien
Car j’ai pour le prouver la chanson des nuages,
La caresse du vent, quatre odes de saison,
La rivière argentine et l’écho sans partage
Et l’amour proche aimé de toute déraison !
           
                            ***

Un Frisson.






J’ai froid d’être ce que je suis :
Une ombre – à quelle ressemblance ? –
Qui naît et retourne à la nuit ;
J’ai froid d’être ce que je suis.

Poussière aussi qu’une autre suit,
Une pensée, un pas de danse,
J’ai froid d’être ce que je suis :
Une ombre – à quelle ressemblance ? –

                        ***                                          

mercredi 13 janvier 2016

Quête.






Mon pas se fait moins leste,
Chaque heure rétrécit,
Mon territoire aussi
Et tout ce qui me reste
Ne vaut presque plus rien
Lorsque je le compare
A ce que j’aimais bien ;
Les souvenirs m’égarent.
Mes désirs sont aux jours
Ce qu’aux jours sont les rêves :
L’or d’un sable qui court
D’une course trop brève
Que le vide soudain
Sans rémission arrête
Et j’en compte les grains
Comme le mendiant quête…

                        ***