mardi 7 juillet 2015

A l'Heure...






J’ai mis ma montre à la poubelle
Car je n’ai plus besoin du temps
Et la journée en est plus belle
Et la nuit me plaît tout autant ;
J’ai mis ma montre à la poubelle.

J’allonge à loisir mes instants,
Les enjolive ou les cisèle
Ou les raccourcit au comptant,
Mon existence est en dentelle :
J’ai mis ma montre à la poubelle.

Sa course n’a rien de tentant
Que chaque aiguille vous rappelle
En son va et vient grignotant,
J’ai rendu la vie immortelle :
J’ai mis ma montre à la poubelle.

Tout rendez-vous est rebutant,
« L’avant » comme « l’après » morcelle,
Nul n’est heureux quand il attend ;
Pour que plus rien ne me harcèle
J’ai mis ma montre à la poubelle.

                    ***

lundi 6 juillet 2015

La Rivière Philosophe.






Après une vallée étroite,
Trois méandres et deux détours :
« Quelle horreur que la ligne droite !»
Dit cette rivière en son cours.

« S’il faut aller à l’embouchure,
Je veux du moins prendre mon temps,
Sans remous, sans éclaboussures,
Au large et tout en serpentant.

A gauche ce verger me tente
Autant qu’à droite ce château,
Mon flot tous les deux les contente
Comme la ville ou le coteau. »

Ainsi du temps, ainsi de l’onde
Qui vont tous deux indifférents,
Ainsi de l’histoire et du monde
Et de l’amour pour être franc.

                 ***

dimanche 5 juillet 2015

Canicule.






Le soleil écrase la ville
Dans un silence flamboyant,
La place est un désert hostile,
La rue est un four effrayant ;
Le soleil écrase la ville.

Le ciel de ce monde immobile
Pèse sur les toits scintillants ;
Le soleil écrase la ville
Dans un silence flamboyant.

                ***

samedi 4 juillet 2015

Fêtes Anciennes.





Ils sont toujours au bord de la rivière,
Un soir doré de l’été finissant
Et l’ombre est bleue où meurt cette lumière
Dont l’éclat va toujours s’affadissant.

Et c’est, langoureux badinage,
Sous le rire étouffé de deux amants,
Marquise et comte, exquisément,
Le même jeu dans ce jardin sans âge.

L’or du couchant, l’Abbé, te rend bien noir,
Chloé ton rire est d’une tourterelle,
Madame, enfin, m’aimerez-vous ce soir ?
La nuit s’en vient replier les ombrelles…

Serments légers, vagues protestations,
Dans le bosquet où les ombres s’allongent,
Ils s’en vont deux par deux sans émotion,
Pour suivre en vain toujours le même songe.

                           ***

La Chanson des Grandes Routes.






Allons mes mots, mes très chers mots,
Nous voici seuls sur cette route
Comme autrefois, par monts, par vaux ;
Allons mes mots, mes très chers mots.

Les jours se suivent sans repos,
Il faut chanter quoiqu’il en coûte,
Allons mes mots, mes très chers mots,
Nous voici seuls sur cette route.

Et vous, païens ou bien dévots,
Que chacun de vous nous écoute,
Comme autrefois, par monts, par vaux,
Comme autrefois mes très chers mots,
Autrefois et demain sans doute.

Ecoutez-nous, sages ou sots,
Nous allons vous la conter toute,
Nous les sans-scènes, sans tréteaux,
Cette chanson des grandes routes
Qui va de clochers en coteaux ;

Il faut chanter quoiqu’il en coûte.

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