mardi 23 février 2016

Le Chêne aux Biches.






I.

Le ciel est morne, l’air est gris,
Au fond des bois où le soir tombe
Une chouette pousse un cri ;
Le crépuscule est une tombe
Où le dernier soleil descend
Au bras d’une gracieuse morte:
Cette heure au bonheur caressant
Que maintenant la nuit emporte.

II.

Souvenez-vous, souvenez-vous
De ce grand chêne où quelques biches
Semblaient se donner rendez-vous
Toujours le même jour que nous...
Hélas, aujourd’hui le sort triche,
Nos belles amours sont en friche,
J’y viens envers et contre tout.

III.

Des rus aux sentes bocagères,
Nymphes des bois, esprits des eaux,
Elle n’est plus qu’une étrangère
Et moi le seul et dernier sot
Qui pour errer se remémore,
Dans les baisers qui ne sont plus,
L’avenir dont il rêve encore,
Comme s’il demeurait l’élu.

Avec vos amants,  j’imagine,
Vous rirez d’un cœur désolé ;
Il n’est sylvain, il n’est ondine
Qui ne voudrait m’en consoler.

                               ***

lundi 22 février 2016

Du Vent dans les Vignes.






Je serais plus heureux
Si le grand vent qui souffle, en soufflant,  emportait
Toutes mes déceptions et celui que j’étais,
Tous ces jours qui s’en vont seraient moins douloureux ;
Je serais plus heureux.

Et je vivrais en paix,
Sans penser à jadis, sans rêver à demain,
Sans craindre l’existence et la mort en sous-main ;
Ce monde n’aurait plus du tout le même aspect
Et je vivrais en paix.

Mais le vent qui m’écoute
Ne peut faire envoler que des amours légères,
Les miennes sont de fonte à tout vol étrangères,
C’est tout ce que j’en dis et dont sourient la route
Et le vent qui m’écoutent.

En marchant dans les vignes,
Qui dormaient plus que moi dans cette aube d’hiver,
Pour vous distraire un peu, je composais ces vers
Et je vous les offris, quoiqu’ils n’en soient pas dignes,
En marchant dans les vignes.

                       ***
 

dimanche 21 février 2016

Sur le Pont Saint-Martin.






J’étais ce soir vers les dix heures,
Songeur, sur le pont Saint-Martin
Où votre visage demeure
Dans le crépuscule incertain
Comme un soir aux heures fanées,
Un de ces beaux soirs imprécis
D’un autre temps, d’une autre année
Où vous y étiez vous aussi.
Et nos jeunesses langoureuses
Avaient encore un avenir
Et nos amours étaient heureuses
Que rien n’aurait pu contenir.
J’écrivais, vous étiez ma Muse,
Les passants passaient en riant,
Pardonnez-moi si je m’amuse
De nous revoir aussi confiants
Car vous et moi, sans rien en dire,
Savons ce qu’il faut en penser ;
A l’heure où les jours se retirent
Les mots ne savent plus danser…

                     ***
 

samedi 20 février 2016

Entre-Deux.






Tout est jeune, clair et riant
Ou ce jour, au moins, tout le semble
Et les reflets sur l’onde tremblent
Où miroite un soleil brillant.

Midi blanchit les colombages,
Là-bas le saule a reverdi,
Le vent sur l’eau a tressailli
Que tout est calme et doux et sage,

Comme on le lit dans les récits
Des vieilles légendes que j’aime
Ou peut-être dans ces poèmes
Qu’on ne récite plus ici.

Où donc vous cachez-vous ma mie ?
Au bord de l’eau des souvenirs,
Jeune homme, je vais me tenir,
Au bord de l’eau des souvenirs
Où nos heures passent unies.

Midi blanchit les colombages
Venez partager ce moment
Et si ce n’est qu’un seul instant
Ce sera mieux que rien pourtant,
Bien mieux qu’un rêve ou qu’une image.

Viendrez-vous ? Je sais bien que non
Car le soleil sur l’horizon,
Si bas, dit une autre saison.

                     ***

vendredi 19 février 2016

Le Grand Jardin.




Un grand jardin où vivre simplement
Sans s’occuper du pourquoi, du comment
Ou du combien, ni du reste du monde,
Un coin perdu que le soleil inonde
Sans jamais regarder à la saison
Et, quelque part, paisible, une maison
Où revenir quand les ombres s’allongent
Pour y voir, silencieux, glisser les songes ;
Un grand jardin à l’écart d’aujourd’hui,
Où nul chemin connu d’autrefois ne conduit,
Dont il ne naît ni route, ni ruelle
Vers l’avenir, où l’heure ponctuelle
Et banale à souhait se suffirait
D’un horizon qu’on esquisse à grands traits,
Cadre lointain et qui demeure vague
Pour que l’esprit, librement, y divague ;
Que j’aimerais cet objet de dédain
Pour les hommes glorieux : un grand jardin…

                         ***