mercredi 18 octobre 2017

Mon Passé.





Mon passé fut heureux puisque après si longtemps
Son souvenir m’apporte encore autant de joie
Et que cet âge enfui devant mes yeux déploie
Le charme inaltéré de jours vieux de vingt ans.

C’était un bonheur calme et je le goûtais tant
Que lorsqu’à le chanter,  comme ici,  je m’emploie,
Il s’en faut de bien peu qu’alors je ne larmoie
En comparant ma paille à l’or de mon printemps.

Que le monde a changé dans ces quarante années !
Mes plaisirs sont caducs et mes joies surannées,
Je suis l’aulne vieilli sur les bords du torrent,

Dont jamais le courant ne retourne  en arrière,
L’arbre qui d’un reflet éphémère s’éprend 
Et la racine enfouie aux rêves de lumière.

                               ***

lundi 16 octobre 2017

Oublier.



(Crépuscule sur le Scharrachberg - Alsace.)
Je veux enfin me reposer
En oubliant l’heure qui passe
- Ce que je n’ai jamais osé –
Je veux enfin me reposer.

Mais ce temps dont j’ai mal usé
En mon cœur a laissé des traces,
Au point que le voilà blasé,
Incrédule à toute bonace[1].

Mon cœur, il faut vous accoiser[2]
Et ne plus parler qu’à voix basse :
Je veux enfin me reposer
En oubliant l’heure qui passe.

                               ***


[1] Etat de la mer quand elle est étale.
[2] Accoiser : rendre coi dans le sens ici de pacifier.

Charles.





Charles qui fut duc d’Orléans,
Où qu’il se trouve, me pardonne
Moi, qui ne suis qu’un fainéant,
D’imiter sa noble personne
En composant parfois des vers ;
Hélas, l’humilité se perd…
J’en possède moins que personne,
Qui voulez-vous qui me raisonne ?
C’est pourquoi je poursuis céans ;
Charles qui fut duc d’Orléans,
Où qu’il se trouve, me pardonne !

                               ***

jeudi 12 octobre 2017

Nous.




Qu’allons-nous dire du présent ?
Qu’il est bien le même en tous temps.
Il est des pauvres et des riches,
Des hommes droits d’autres qui trichent,
Des sages et des bienfaiteurs,
Des faux, des fourbes, des voleurs,
Des fous, des sots, des politiques,
Des amuseurs et des critiques,
Des courageux et des héros,
Des orgueilleux et des escrocs,
Des mous, des blets et des rigides,
Des violents et des insipides.
Des communs que partout l’on voit,
Ainsi que vous, ainsi que moi,
Qui supportons le faix du monde
En naviguant au fil de l’onde,
Par beau comme par mauvais temps
Que nous soyons ou non contents.
Mais de nous et de notre vie
Dites-moi donc qui s’en soucie ?
Ne sommes-nous pas ceux qu’il faut
Depuis toujours payer de mots ?

                ***

mercredi 11 octobre 2017

Dans l'avenir.




Ce qui s’en va s’écroule,
Ce qui revient construit
Et sur le chemin roule
Et sur le chemin fuit,
Comme autrefois, le temps.

Dis au clocher qui sonne
Que j’ai suivi le vent
Et que voici l’automne,
Mon cœur n’est plus au chant
Mais il est à la peine,
Ce qui va m’attachant
Me déchire et m’emmène.

Viendront des jours en Mai,
Chatoyants de lumière
Qui fleuriront en paix
Sur des ans de poussière
Alors  enfin ce vers
Changera de cadence
Pour des soirs moins amers
Et des matins de danse.

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lundi 9 octobre 2017

Les vieux murs.




Partout les vieux murs qui parlent tout bas
Ne peuvent, c’est curieux, se faire entendre
Que des vieillards à cannes et cabas
Qui, par ailleurs, doivent sans cesse tendre
L’oreille à ce que le monde leur veut.

Les gens âgés sourient à ces murmures
De souvenirs qui sont plus âgés qu’eux,
Eux que souvent la solitude mure
Dans un silence à jamais sans aveux.

Désaffecté, c’est un clocher sans cloches,
Une maison, un parc à l’abandon,
Un toit crevé que le regard accroche,
Des rails rouillés qui traversent un pont.

Petites choses de toujours, loin de la gloire,
Quelques rumeurs qui trainent par ici,
La Grande Histoire, non, mais « des » histoires
Et puis des noms qui reviennent aussi.

Semblable et différent, un paysage,
Anecdotes, on-dit, mais si lointains,
Annales d’autrefois, vieilles images,
Bribes du temps d’un pays qui s’éteint.

Vous qui passez en courant votre jeunesse,
Vous l’ignorez et vous n’en saurez rien
Avant que vos cheveux, à l’image des miens,
Ne soient d’argent et qu’en votre vieillesse
Me relisant, peut-être avec tendresse,
Vous vous disiez aussi : « Je me souviens. »

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