Mon passé fut heureux puisque après si longtemps
Son souvenir m’apporte encore autant de joie
Et que cet âge enfui devant mes yeux déploie
Le charme inaltéré de jours vieux de vingt ans.
C’était un bonheur calme et je le goûtais tant
Que lorsqu’à le chanter, comme ici, je m’emploie,
Il s’en faut de bien peu qu’alors je ne larmoie
En comparant ma paille à l’or de mon printemps.
Que le monde a changé dans ces quarante années !
Mes plaisirs sont caducs et mes joies surannées,
Je suis l’aulne vieilli sur les bords du torrent,
Dont jamais le courant ne retourne en arrière,
L’arbre qui d’un reflet éphémère s’éprend
Et la racine enfouie aux rêves de lumière.