Trois sous
pour quelques mots, ne les valent-ils pas ?
Ecrire n’est
pas rien, si vous saviez ce qu’il en coûte !
Un écrivain
public ne gagne pas sa croûte
En usant de
grands mots comme « âme » ou comme « appas »
Que ne
comprendrait pas la coquine ou la belle
A qui son
amoureux veut envoyer des vers.
Ni bergère à
rubans, ni gente demoiselle :
Où
« mon Amour » suffit, « Phyllis » va de travers.
« Ma
Biche », « mon Aimée » et même « ma Colombe »
Ne sont pas
démodés, « mon Cœur » se porte bien,
« Je ne
pense qu’à toi »… Oui, je sais, il m’incombe
De mentir
quelquefois mais on ne ferait rien
De bon ou
tout du moins qui vaille qu’on l’achète
Si l’on
n’enjolivait en ce domaine là !
« Berthe,
viens dans mon lit », même avec un en-tête
Et sur
papier glacé, tombe toujours à plat.
J’habille le
désir, je vends de la tendresse,
De la
fidélité, je sais ce qu’elle vaut,
Tant pis, ce
n’est pas moi qui signe la promesse,
J’écrirais
tout, pourvu qu’on paye ce qu’il faut ;
Est-ce moi
dans le fond qui suis le malhonnête ?!
Je ne suis
qu’un marchand de rêve ou bien d’appâts;
Trois sous
pour quelques mots, ne les valent-ils pas
Puisqu’ils
sont malgré tout les mots d’un vrai poète ?
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