mercredi 8 mars 2017

Les Couche-tôt.





La  nuit est très bonne commère,
On l’interroge, elle répond
Car pour n’avoir pas de lumières
On n’est pas privé de raison.

Le sens commun et le silence
Favorisent la réflexion,
Ne sont-ils pas tous deux l’essence
De l’ombre et son inclination ?

Chaque jour de notre existence
Nous nous posons mille questions,
Sur ses avis, à son instance
Nous leur trouvons des solutions.

Elle nous avise et conseille
Et nous tient de sages propos
Lesquels vaillent bien que l’on veille ;
C’est tant pis pour les couche-tôt.

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L'Ecrivain Public.






Trois sous pour quelques mots, ne les valent-ils pas ?
Ecrire n’est pas rien, si vous saviez ce qu’il en coûte !
Un écrivain public ne gagne pas sa croûte
En usant de grands mots comme « âme » ou comme « appas »
Que ne comprendrait pas la coquine ou la belle
A qui son amoureux veut envoyer des vers.
Ni bergère à rubans, ni gente demoiselle :
Où « mon Amour » suffit, « Phyllis » va de travers.
« Ma Biche », « mon Aimée » et même « ma Colombe »
Ne sont pas démodés, « mon Cœur » se porte bien,
« Je ne pense qu’à toi »… Oui, je sais, il m’incombe
De mentir quelquefois mais on ne ferait rien
De bon ou tout du moins qui vaille qu’on l’achète
Si l’on n’enjolivait en ce domaine là !
« Berthe, viens dans mon lit », même avec un en-tête
Et sur papier glacé, tombe toujours à plat.
J’habille le désir, je vends de la tendresse,
De la fidélité, je sais ce qu’elle vaut,
Tant pis, ce n’est pas moi qui signe la promesse,
J’écrirais tout, pourvu qu’on paye ce qu’il faut ;
Est-ce moi dans le fond qui suis le malhonnête ?!
Je ne suis qu’un marchand de rêve ou bien d’appâts;
Trois sous pour quelques mots, ne les valent-ils pas
Puisqu’ils sont malgré tout les mots d’un vrai poète ?

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mardi 28 février 2017

Un Autre à la Même Place.



(Anzy-le-Duc.)


Il dort ici des souvenirs
Que je retrouve avec plaisir
Et presque autant de rêveries,
D’amusements, de fantaisies.
Je reviens n’ayant rien perdu,
Je le crois, de ce que je fus,
Et cependant le temps qui passe
Me fait autre à la même place.
Je vois ce qu’autrefois j’ai vu,
Je m’y reprends : il n’y est plus.
Ce sont pourtant les mêmes choses
Qui m’y plaisent et me reposent
Et  dans mon cœur je tisse un lien
Du jour présent aux jours anciens
Afin qu’ils rient et s’interpellent,
Se comparent et s’entremêlent,
Qu’ils se rassurent du regard :
Il n’est jamais ni tôt, ni tard ;
On ne perd que ce que l’on quitte
Lors de ma prochaine visite
D’ici cinquante ou soixante ans
Je pourrai vous en dire autant.

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Le Café de la Gare.





Un café pour se séparer
Dans un bistrot près d’une gare,
Dix minutes, le cœur serré
Dans l’absence qui se prépare.

Ma peine et ton regard navré
Dont le passé déjà s’empare ;
Un café pour se séparer.

Dix minutes pour redorer
L’espoir dont demain est avare :
Nous nous reverrons c’est juré,
Aucun amour ne se compare
Au nôtre et qui peut le contrer ?

Un café pour se séparer
Dans un bistrot près d’une gare…

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lundi 27 février 2017

Une Ombre en Paix.



(Ornans.)


Au soir qui vient je me demande
Toujours ce que demain sera ;
Que l’été fleurisse la lande,
Il en sera ce qu’il pourra.

Nuages bleus, nuages roses,
Les arbres sont noirs au couchant,
Il est temps que je me repose
S’il ne me vient rien l’empêchant.

Dans le feuillage il se murmure
Au vent passant, je ne sais quoi,
Adieu, je ne sais rien qui dure,
Me dit le jour, pas même moi.

L’ombre envahit le crépuscule,
Je ne vois plus ce que j’écris,
La nuit a repeint ma cellule
De vieux poète aux cheveux gris.

Plus un mot, plus une parole,
Il faut une heure où tout se tait,
Où tout s’estompe, où tout s’envole
Et que le vent soupire en paix.

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