jeudi 9 février 2017

Le Bureau.





C’est toujours le même bureau,
C’est presque le même silence,
Les jours sont juste un peu moins beaux ;
C’est toujours le même bureau.

Meurent les amours, il le faut,
Les paroles se font absence ;
C’est toujours le même bureau,
C’est presque le même silence.

                               ***         

mardi 7 février 2017

Le Témoin.





L’étranger dit : « Je suis votre témoin,
D’ombre et de nuit à charge,
D’aurore aussi et à décharge ;
Je suis venu de loin. »

Mon âme lui répond :
« Qui me condamne et qui m’acquitte
Et pour quel vol ou pour quel don ?
Qu’ai-je donc fait qui vous mérite ? »

« Vous, rien, car l’être est inutile
Et le vouloir est désastreux
Et vous ne comptez pas, objet futile,
Dans un univers hasardeux.
Mais l’homme est objet de scandale,
Tout homme l’est, tous le sont en chacun.
Je sais ce que vos heures valent
Car je vous connais un par un :
Je suis votre témoin. »

Tout cela se passait peut-être hier
Ou c’était hors du temps,
Le ciel était de fer,
La terre était de brume, une flamme devant.

« Vos mots parleront contre vous
Avec la force du reproche,
La colère pardessus tout.
C’est aussi pourquoi je m’approche ;
Je suis venu de loin.

Dans une main, que j’ouvre au vent,
Je tiens les cendres du désir,
Dans l’autre je garde avec soin,
Pour le produire maintenant,
Ce que rien ne pourra nier,
Ce que rien ne pourra ternir,
Ce qui ne peut être oublié,
Ce que rien ne peut abolir,
Ce qui vous sauve et qui me charme
Et qui vient de si loin :
L’éternel éclat d’une larme ;
Je suis votre témoin. »

                               ***

lundi 6 février 2017

Comparaison.





La « cloche de dix heures »
Est-elle pire
Que le silence de minuit ;
Qui sait ce que l'on peut en dire ?

L’une dit le départ
Et l’autre dit l’absence,
L’une dit la prudence,
L’autre qu’il est trop tard,
L’une dit la faiblesse,
L’autre dit la tristesse,
L’une dit « au-revoir »,
L’autre « adieu, tout est noir ».

La cloche de dix heures
Est passée de longtemps,
Voici minuit, j’attends
Comme d’autres demeurent.

                               ***

dimanche 5 février 2017

Chanson Passagère.





De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère,
Refrain de joie au fil de l’eau
De cascades ou de ruisseaux.

Quand chaque rime fait assaut
De reflets joyeux, de lumière,
De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère.

Celle qui va par monts et vaux,
Irréfléchie et cavalière
Et scintillante comme il faut,
Argentine autant que légère,

Au bon vouloir du chant de l’eau,
Une chanson primesautière
Ainsi que chante aussi la faux
Pour les foins et moissons fermières,

Au bon vouloir du chant de l’eau,
Des cascades et des ruisseaux
En cette chanson passagère,
Jusqu’au grand calme des rivières
L’été quand le soleil est haut.

De cascades ou de ruisseaux
Je dis la chanson passagère.

                               ***

Le Gai Savoir.



(Château de Chenonceaux.)







Les mots d’amour ont-ils du poids ?
Le demander c’est y répondre
Et tout le reste va de soi :
Enfants ne vous laissez pas tondre
Ou votre hiver sera bien froid.

Le vieillard sait, sans dieu, ni maître,
Que ce qu’il fut il ne l’est plus
Comme il sait bien ce qu’il doit être
Et que dit-il ? « Marché conclu. »
Mais à quoi nous sert-il de naître ?

On me dit grand bien de Richesse,
De Pouvoir et d’Oisiveté
Mais si Fortune a des largesses,
A bien y voir et bien compter,
Nombreux sont ceux qu’elle délaisse.

Villon, poète et garnement,
Regrettait déjà sur la paille
Qu’il n’en allât pas autrement :
De nos amours, de nos ripailles,
Autant en emporte le vent !

Vaut-il mieux, je vous le demande,
Le discours, la phrase, le mot
Pour seule et unique provende
Ou la poularde et le gigot ?
Follet, qui hésite ou marchande !

Revenons au début : ma foi,
Vit-on jamais de gras poètes,
Riches d’écus de bon aloi ?
Ils sont pauvres, chétifs, nu-tête,
En ignorez-vous le pourquoi :

Les mots d’amour ont-ils du poids ?

                               ***
(Château de Chenonceaux.)