mardi 19 mai 2015

Portaits II. Le Bavard - Les Mots.



Musée de l'Oeuvre Notre-Dame. Strasbourg.

I.

Les mots qui firent l’Univers
Ce ne sont pas ceux des poètes
Quoiqu’ils prétendent en leurs vers
Et votre serviteur en tête.

Le vent de leurs souffles divers
Dans les voiles de leurs navires
Soufflent quelquefois de travers
Si fort que leurs vaisseaux chavirent.

Ils auront beau faire et beau dire,
On voit clairement au travers
Des mots, ce qui les fait écrire :
Un peu d’esprit, et l’orgueil au revers,
Mais quoiqu’ils veuillent qu’on leur prête,
Quoiqu’ils prétendent en leurs vers :
Les mots qui firent l’Univers
Ce ne sont pas ceux des poètes.

                                ***                                      

II.

Mots savants de la rhétorique
Ou mots ronflants des grands discours,
Mots murmurés, mots poétiques,
Voyez combien je reste à court !

Petits outils des grandes vies,
Venez m’aider à me servir
De vous partout et à ravir
Comme ces auteurs que j’envie !

Que n’obtiennent-ils avec vous
Sans avoir toujours du génie…
Se faire aimer, mentir sur tout,
Être admiré quand on le nie,
Saisir les rênes du pouvoir,
Gagner une grande fortune,
Chasser ce qui vous importune,
Prendre, décider et savoir…

                               ***

Portraits I. Le Rêveur.



Musée de l’Oeuvre Notre-Dame.Strasbourg.

Je me replierai bien sur moi
Comme on fait d’une longue-vue ;
C’est une figure imprévue
Pour exprimer parfaitement
A la fois mon indifférence
Et ma fatigue du moment.
Un lit aurait ma préférence
Pour un bon repos de trois jours
Voire plus si c’est nécessaire.
Le désir chez moi n’a plus cours,
Ce temps n’a plus rien pour me plaire ;
Je me suis fait une raison.
J’aperçois bien à l’horizon
S’approcher de grandes misères,
Que d’autres que moi s’en atterrent,
Moi, je ne cherche qu’un placard
Douillet pour me mettre au rencard
Et suivre ma philosophie :
Rêver en évitant la vie.

             ***

lundi 4 mai 2015

Là-bas.





"Là-bas, là-bas", disent les vagues
En vain, qui meurent sur la plage ;
La ligne d’horizon me nargue
Et le vent narquois d’avantage.

Nos jours sont bâtis sur le sable
Ici, mais l’espace là-bas,
Là-bas, l’espace insaisissable
Dit l’éternité qui s’ébat.

Et le vent dit la liberté
Qui ne connaît pas la matière
Pesante et les jours décomptés
Où naissent encor nos prières.

En s’allongeant au bord des plages
La mer a murmuré : "là-bas",
Là-bas - souvenir ou passage -
La vague effacera nos pas …

                ***




lundi 27 avril 2015

Rien.







Un matin de Printemps,
                                Citadin et sévère,
Une ville s’étend                           
                                Entre deux réverbères.
Ciel blanc, feuillages noirs
                                Et grisaille insipide,
Reflets sur le trottoir
                                Et la chaussée humide,
Au carrefour, un pont
                                Personne et la rivière ;
A l’étroit des frontons,
                               Des toits et des gouttières
Une heure qui revient
                                Bredouille de lumière ;
Il ne se passe rien.

                             ***

jeudi 23 avril 2015

Le 26 Janvier 1855.






Dans la nuit d’un mois de janvier glacial,
Quelque part, rue de la Vieille Lanterne,
Son moral et son existence en berne,
Se pendit un rimeur pauvre et génial,

Déshérité – Par quel arrêt de la vie ? –
Solitaire, et pour un rimeur c’est banal,
Sans espoir et c’est toute l’infamie ;
Ce poète était Gérard de Nerval.

                   ***