dimanche 21 février 2016

Sur le Pont Saint-Martin.






J’étais ce soir vers les dix heures,
Songeur, sur le pont Saint-Martin
Où votre visage demeure
Dans le crépuscule incertain
Comme un soir aux heures fanées,
Un de ces beaux soirs imprécis
D’un autre temps, d’une autre année
Où vous y étiez vous aussi.
Et nos jeunesses langoureuses
Avaient encore un avenir
Et nos amours étaient heureuses
Que rien n’aurait pu contenir.
J’écrivais, vous étiez ma Muse,
Les passants passaient en riant,
Pardonnez-moi si je m’amuse
De nous revoir aussi confiants
Car vous et moi, sans rien en dire,
Savons ce qu’il faut en penser ;
A l’heure où les jours se retirent
Les mots ne savent plus danser…

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samedi 20 février 2016

Entre-Deux.






Tout est jeune, clair et riant
Ou ce jour, au moins, tout le semble
Et les reflets sur l’onde tremblent
Où miroite un soleil brillant.

Midi blanchit les colombages,
Là-bas le saule a reverdi,
Le vent sur l’eau a tressailli
Que tout est calme et doux et sage,

Comme on le lit dans les récits
Des vieilles légendes que j’aime
Ou peut-être dans ces poèmes
Qu’on ne récite plus ici.

Où donc vous cachez-vous ma mie ?
Au bord de l’eau des souvenirs,
Jeune homme, je vais me tenir,
Au bord de l’eau des souvenirs
Où nos heures passent unies.

Midi blanchit les colombages
Venez partager ce moment
Et si ce n’est qu’un seul instant
Ce sera mieux que rien pourtant,
Bien mieux qu’un rêve ou qu’une image.

Viendrez-vous ? Je sais bien que non
Car le soleil sur l’horizon,
Si bas, dit une autre saison.

                     ***

vendredi 19 février 2016

Le Grand Jardin.




Un grand jardin où vivre simplement
Sans s’occuper du pourquoi, du comment
Ou du combien, ni du reste du monde,
Un coin perdu que le soleil inonde
Sans jamais regarder à la saison
Et, quelque part, paisible, une maison
Où revenir quand les ombres s’allongent
Pour y voir, silencieux, glisser les songes ;
Un grand jardin à l’écart d’aujourd’hui,
Où nul chemin connu d’autrefois ne conduit,
Dont il ne naît ni route, ni ruelle
Vers l’avenir, où l’heure ponctuelle
Et banale à souhait se suffirait
D’un horizon qu’on esquisse à grands traits,
Cadre lointain et qui demeure vague
Pour que l’esprit, librement, y divague ;
Que j’aimerais cet objet de dédain
Pour les hommes glorieux : un grand jardin…

                         ***
 
 


jeudi 18 février 2016

La Foule.






Cette après-midi là, flânant par la cité,
J’y regardais, curieux, s’agiter une foule.
Chacun s’y déplaçait d’un pas précipité
Vers l’objet de sa course et cette humaine houle
S’en allait au hasard de mille volontés.
Un groupe interrompait sans raison son avance
Pour faire demi-tour et soudain se hâter
Quand un autre adoptait beaucoup de nonchalance,
Ils avaient tous un but mais l’ensemble hésitait.
On y changeait d’allure, on y changeait d’idée,
Tous ensemble ils formaient un flot qui s’agitait
Comme une mer inepte aux vagues saccadées,
Un océan variable et toujours imprévu,
Défilant lentement le long des devantures
Ou se précipitant – par quel coup de vent mu ? –
Pour changer de trottoir au milieu des voitures.

La foule en mouvement et en son sein,
Moi qui la suit et l’observe à dessein.

La foule, ainsi, plus puissante que tout,
Volage comme nous et incertaine,
Belle d’espoir et trouble de remous,
Source du droit et de l'erreur humaine…

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mercredi 17 février 2016

La Tanière aux Livres.






C’est un foyer douillet et presque une tanière
Où des livres partout, du parquet au plafond
Offrent aux habitants un silence profond
Et la paix et l’oubli qui sont leurs fins dernières.

Des camaïeux de gris calmes des jours d’hiver
Aux étangs d’or, l’été, de ces heures tranquilles,
Cet étrange lieu forme un « ici » de presqu’île
Que contourne le Sort en ses ruisseaux divers.

Dans ce temps qu’on ignore ou ce temps qu’on feuillète
Glissent quelques reflets sur la pointe des pieds
Et comme une ombre ancienne au parfum de papier
Que rien du monde à naître ou du défunt n’inquiète.

C’est un repli soyeux de savante poussière,
D’historique sagesse et d’inutiles riens
D’où vous pourrez gagner, si cela vous convient,
Cet au-delà sans nom des sentes traversières.

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