dimanche 14 juin 2015

Le Demeurant.





Par la fenêtre ouverte
La chaleur de l’été,
Silencieuse et déserte
La rue à pas comptés
Dans l’ombre des platanes
Et les toits poussiéreux.

L’absence qui condamne
Les squares miséreux
Et leurs vagues allées
A ne servir à rien,
Les foules envolées
Voyagent corps et biens
Vers les Grandes Vacances
Dans la grande chaleur
Et la folle espérance
D’on ne sait quel bonheur.

Carrefours sans voitures,
Inutiles trottoirs,
Rideaux des devantures
Clos du matin au soir,
Sur une place immense,
Trois couples de pigeons ;
Un bel été commence…

Ai-je écrit : « abrégeons ! » ?

               ***

Le Gredin.






L’heure qui vient, vient sans émoi,
Sans faux-semblant, sans brusquerie,
Il fait nuit noire sur les toits
Et tout est rêverie.

L’amour demeure ce gredin
Qui n’en fait jamais qu’à sa tête
Quand dans le parfum des jardins
Il achève sa quête.

Sa complice d’obscurité
N’a-t-elle pas pris de l’avance
Sur la caresse d’un été
Qu’on sait de connivence ?

Le vent paisible, aux bois lointains,
Dit l’herbe sèche des prairies,
Chacun court après son destin
Et tout est rêverie…

            ***

vendredi 12 juin 2015

Muets.





Les pentes que la nuit ravinent
Cachent la croix d’un cimetière
Où dorment des ombres divines
Et des courtisanes altières.
Dans l’air du soir si doux encor
Où tremblent nacres et draps d’or,
Surtout restez muets, craignez l’écho
D’un carillon qui sonne faux
Aux contrevents de pierre grise
Gravés de lichens et de mousse
Du clocher lointain d’une église
Où l’horizon s’use et s’émousse.
Là-bas sommeillent les taillis
Et les sillons et les sentiers
Et la patience d’un pays
Où nul soupir n’est oublié.
Là-bas où je vous vis en robe
D’ombre, d’aube ou de crépuscule
Aux heures autrefois si probes…
Combien l’amour est ridicule
Quand on le compare au destin.
De la cloche du soir à celle du matin
Dorment les vierges de satin
Et les saintes et les catins !

                *** 


lundi 8 juin 2015

Une Ville du Sud.







Pierrailles et pavés qui sinuent rapprochés
Séparent ces ilots que le soleil éclaire,
Humbles couverts de pierre, allègres, sans misère
Dessous le bleu d’un ciel aussi haut accroché.

Muraille contre murs, comme un camp retranché,
Dans ce très peu d’espace où les toits se resserrent,
Les créneaux d’une tour jaillissant de la terre
Plongent un long regard au-delà du rocher.

Et la ruelle tourne et sous la porte altière
Serpente et se déroule ainsi qu’une rivière,
Unissant l’ombre fraîche au midi plein d’éclat

Puis se faisant chemin sur la crête inégale,
Se perd sous l’olivier au milieu du fracas
Grésillant et heureux de milliers de cigales.

                                ***


 

Aux Murs des Citadelles.







Vastes éclairs dessous un dôme obscur
Où le vent noir émèche les nuages,
Presque ininterrompu, de mur en mur,
Aux lointains de la nuit gronde l’orage,

Géant sinistre, imprévisible sur
Les toits aigus, dentelés de feuillages,
De nos sommeils urbains, inquiets, bien sûr,
De leur destin au plus haut de sa rage.

Dans le chaos des façades remparts,
Je veille seul et quoique il soit trop tard,
Guettant la foudre au balcon sentinelle,
J’espère encore aux pitiés du Hasard
Car mon rôle est d’être le mis-à-part,
Dernier vivant aux murs des citadelles.

                      ***