lundi 26 septembre 2016

La Fille du Soir.






Quand viendras-tu me voir
Toi qui nais de mes rêves
Et ne sait décevoir,
Quand viendras-tu me voir ?

Dis-moi, fille du soir
Et que l’aube m’enlève,
Quand viendras-tu me voir
Toi qui nais de mes rêves ?

Viendras-tu ce minuit,
Silhouette gracieuse,
Pour chasser mon ennui
D’une main malicieuse ?

Caresse d’un instant,
Promesse silencieuse,
La nuit me pèse tant
Aux heures insomnieuses…

Tu dois être certaine
Qu’un sourire mutin
Peut museler ma peine
Jusqu’au petit matin.

J’ai voulu ton pouvoir
Et ces heures trop brèves
Que l'on ne peut ravoir ;
J’ai voulu ton pouvoir.

Innocence et savoir
Qui dans l’oubli s’achève,
J’ai voulu ton pouvoir
Et ces heures trop brèves.

                               ***

Le "Faire Effort".



(Château de Chantilly.)

L’espoir seul n’est point raisonnable
Il faut agir, j’en suis d’accord,
Fol est qui pense que le sort
Pour rien lui sera charitable.

En l’état le plus lamentable
Songez toujours à faire effort,
L’espoir seul n’est point raisonnable ;
Il faut agir j’en suis d’accord.

Il n’est homme si misérable,
Du moins si son vouloir ne dort,
Qu’il ne retrouve avant sa mort
L’occasion d’actes profitables ;
L’espoir seul n’est point raisonnable.

                               ***     

                   

Vendanges.







Cueillez la grappe et foulez le raisin,
Que les tonneaux s’enivrent de vendanges,
L’automne danse en l’éclat de mon vin ;
Cueillez la grappe et foulez le raisin.

Croyant du Pape, athée ou Sarrasin,
Lorsque je bois qu’aucun ne me dérange ;
Cueillez la grappe et foulez le raisin,
Que les tonneaux s’enivrent de vendanges.

                               ***        

samedi 24 septembre 2016

Les Regrets du Vieil Erudit.



(Château de Chantilly.)
 
 
Mes yeux, mes pauvres yeux qui rêviez tant de femmes,
Je vous ai bien usés – n’est-ce pas là mon drame ? –
Au vieux papier bruni de ces pages de vers
Sans cesse parcourues de l’avers au revers,
De vieux tome en vieux tome, et parfois, il en fut,
De poète anonyme en poète inconnu.
Vous rêviez de regards, de longues chevelures,
En somme,  de l’amour, dont moi je n’avais cure
Sinon dans quelque stance au milieu d’autres mots
Dont j’aimais la tournure ou jugeais le défaut.
Mes yeux, mes pauvres yeux, que les femmes sont belles !
Vous le saviez, hélas, je ne les voyais telles
Qu’au travers des rondeaux, qu’au travers des sonnets
Et des chants d’autrefois. Ce que j’en retenais
C’était une musique et parfois une image
Et plus souvent les noms des auteurs de ces pages,
Tout ce que j’y trouvais c’était,  à travers eux,
Une grâce fanée, un amour poussiéreux.
Maintenant que pour moi dans le cours de la vie
Toute espérance est vaine, toute ardeur refroidie,
Combien je suis chagrin, mes yeux, mes pauvres yeux,
De n’avoir jamais rien su vous offrir de mieux.

                               ***                       
 

Prince Ambitieux...






Un beau jour au soleil puis le suivant à l’ombre
Et la mine réjouie ou bien la mine sombre,
Les quatre saisons passent.
Du matin jusqu’au soir, de midis en minuits,
Le bonheur, le malheur, au gré du temps qui fuit,
L’un, l’autre se pourchassent.

Prince ambitieux qui sait que son heure viendra,
Quelque soit ton pouvoir, la suivante fera
De constance, inconstance ;
Elle t’amoindrira, rien ne dure ici bas :
La pierre des palais, la gloire des combats
Et pas même ces stances…

                               ***        

jeudi 22 septembre 2016

Aux Jardins...






Adieu l’ombre légère au sourire pervers
Et parfois religieux des marbres angéliques,
Qui veillaient aux bosquets de laurier toujours verts
Au fond de ces jardins dessinés à l’antique.

Le temps n’est plus où nous marchions
Dans l’ombre mauve des glycines
Ni des soirs tremblants de lampions
Et de l’écho des cavatines,

Aux jardins que les liserons
Envahissaient d’efflorescences,
Adieu grottes aux mascarons
D’une équivoque renaissance.

La ville, en noir et blanc sous un ciel gris d’hiver,
Fume à longueur de toit et son horizon perd
Aux confins indistincts d’une vague frontière
Le peu qui lui restait d’une pauvre lumière.

Sous les ponts enneigés la rivière est de plomb,
La glace au bord des quais luit pâle et sans façon,
Sur les jardins déserts où le matin se lève
Plane comme un brouillard de tristesse et de rêve.

                               ***