samedi 24 septembre 2016

Les Regrets du Vieil Erudit.



(Château de Chantilly.)
 
 
Mes yeux, mes pauvres yeux qui rêviez tant de femmes,
Je vous ai bien usés – n’est-ce pas là mon drame ? –
Au vieux papier bruni de ces pages de vers
Sans cesse parcourues de l’avers au revers,
De vieux tome en vieux tome, et parfois, il en fut,
De poète anonyme en poète inconnu.
Vous rêviez de regards, de longues chevelures,
En somme,  de l’amour, dont moi je n’avais cure
Sinon dans quelque stance au milieu d’autres mots
Dont j’aimais la tournure ou jugeais le défaut.
Mes yeux, mes pauvres yeux, que les femmes sont belles !
Vous le saviez, hélas, je ne les voyais telles
Qu’au travers des rondeaux, qu’au travers des sonnets
Et des chants d’autrefois. Ce que j’en retenais
C’était une musique et parfois une image
Et plus souvent les noms des auteurs de ces pages,
Tout ce que j’y trouvais c’était,  à travers eux,
Une grâce fanée, un amour poussiéreux.
Maintenant que pour moi dans le cours de la vie
Toute espérance est vaine, toute ardeur refroidie,
Combien je suis chagrin, mes yeux, mes pauvres yeux,
De n’avoir jamais rien su vous offrir de mieux.

                               ***                       
 

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