mardi 19 juillet 2016

Deux Noms de l'Amour.



(Laure de Noves - École française XVI è siècle - Château de Chantilly.)


Épouse, époux, quels jolis mots,
Qui disent peu, qui disent trop,
Selon le moment et l’endroit,
Ce que l’on cherche ou que l’on croit,

Selon qu’on a ou que l’on rêve,
Que l’on commence ou qu’on achève,
Que l’on se cache ou se découvre,
Que l’on vous chasse ou qu’on vous ouvre…

Quels jolis mots, au bruit de vent,
Jamais « après » tout comme « avant »,
Janus au millier de visages,
Hermès ou Cerbère au passage…

Oubliez prêtres et devins,
Ne les prononcez pas en vain :
A leur guise, à leur fantaisie
Avoir et perdre sont sosies.

                               ***                      

lundi 18 juillet 2016

Amour Baroque. (Pastiche.)




(Henri II-École Italienne XVI è siècle-Château de Chantilly.)

 

Mon amour est amour au plus haut de sa gamme

Comme ma Dame aussi est la plus haute Dame ;

N’est-ce pas à bon droit que, moi, son serviteur
Je prétende brûler de la plus haute flamme
Qu’il se puisse nourrir au fond du cœur ?

Mon amour, ce trésor du plus riche trésor
Vaut bien mieux que la nacre et beaucoup plus que l’or,
Plus pur en sa blanche parure quotidienne
Qu’au beau jardin d’Éden n’est le lys en la sienne.

Mon amour est espoir, espérance d’avoir
Qui ne sait ni tromper ni ne peut décevoir,
D’éternelle beauté, d’éternelle jeunesse,
Tant prêt à se donner que prêt à recevoir
En son éternité d’éternelle promesse.

Mon amour est amour selon ses deux façons :
De l’homme de désir et du saint Enfançon.

                               ***                        

samedi 16 juillet 2016

Un Petit Rien.






N’être rien ce n’est pas grand-chose
Mais s’en rendre compte c’est bien.
On n’a plus à prendre la pose
Dans le monde ou devant les siens,
Et l'on vit détaché de tout,
De soi comme de tous les autres
Et, croyez-moi, c’est un atout ;
Nul ne vous dit : « Tu es des nôtres,
Tu dois nous payer ton écot
Et vivre selon nos coutumes ! »
Être un reflet, être un écho,
Être façade ou bien costume,
Être brosse à reluire ou bien
Être baudruche ou girouette,
Ou pigeon qui se croit mouette
C’est un sort pire que le mien
Car c’est être encor moins que rien.

                               ***       

Un Chevalier Déconfit.



(Château d'Assier - Quercy.)


Quand ferai-je crouler
Ces hauts murs qui me tiennent
Reclus et désolé ?
Ma tombe est d’obsidienne,
Mon caveau de granit,
Inutile à Ségeste,
Infécond pour Tanit,
A moi-même funeste ;
Sépulcre injustement
Scellé sur ma pensée,
J’ai rêvé longuement
De pierres fracassées
A la force des mots,
De serrures forcées
Et de prendre d’assaut
Cent poternes hersées,
Cent châtelets puissants,
Mille tours et courtines,
Cent bastions rugissants,
Mille fossés d’épines
Profonds et croupissants,
Avant de mettre en flammes
Le palais oppressant
Où se languit mon âme.
Mais hélas les donjons
Comme les barbacanes
Sont restés ce qu’ils sont
Et je demeure un âne.

                               ***

jeudi 14 juillet 2016

Hier.



(Saumur et la Loire.)

Où sont les courses vagabondes
A travers champs, bois et guérets ?
Quand j'imagine la forêt
Je sens une peine profonde.

De regrets ma mémoire gronde
En se souvenant de l’attrait
Des champs, des bois et des guérets ;
Où sont les courses vagabondes ?

Avant que l’aube au ciel se lève
J’allais par les bourgs endormis,
Droit vers un but toujours remis ;
L’air encor frais berçait mon rêve.

J’allais, ivre du paysage
Qu’inondait le soleil de juin,
Admirer était tout mon soin
Et j’admirais chaque village.

Alors, au long de mon errance,
J’ai connu plus d’un bel endroit,
Ce soir le ciel tissé d’orfroi
Me rappelle mon espérance.

Mais la route n’est plus pour moi,
Je ne puis revivre cet âge
D’amours, de vent, de paysages
A l’horizon de mes émois.

Elle doit bien être grand-mère,
La belle que j’aimais alors
Et que demeure-t-il encor
De certains chemins de naguère ?

Presque illisible un écriteau,
Quelques herbes, de la poussière,
Près des ruines d’une chaumière,
Au lieu du bois, un boqueteau…

Tout alentour une clôture,
Une  barrière, un barbelé ;
Mon horizon s’est envolé
Loin de ces treillis qui l’emmurent.

Il a rejoint dedans mon cœur
Tout l’autrefois de mes images,
La liberté de tant de pages,
Ce qui me reste de douceur.

Où sont les courses vagabondes
A travers champs, bois et guérets ?
Quand j'imagine la forêt
Je sens une peine profonde.

De regrets ma mémoire gronde
En se souvenant de l’attrait
Des champs, des bois et des guérets ;
Où sont les courses vagabondes ?

                               ***