jeudi 4 février 2016

Ambre-Marine.






Mon rêve est semé d’oliviers
Au vif-argent du crépuscule,
D’ombres longues sur les sentiers
Où plus un passant ne circule,
Du bronze ardent des libellules
Que le soir vient revivifier
D’agapanthes en campanules ;
Mon rêve est semé d’oliviers.

Mon rêve est fait d’ambre marine
Où je vois danser ton regard
Au bord d’aurores purpurines.
Je fus un voyageur hagard,
Ombre solitaire et chagrine
De quelque contrée à l’écart,
Mais sur la route benjamine
S’éloignent la friche et l’essart,
La moisson des jours se devine
Au carrefour de nos hasards ;
J’ai dit aux lignes pérégrines :
Mon rêve est fait d’ambre marine.

                   ***

L'Espoir, la Fête et le Regret.






Dimanche gris sur des trottoirs de pluie,
Une après-midi presque enfuie,
La tiédeur d’un appartement,
L’hiver en somme et simplement.

Des images que l’on ressasse
Et seul ou non, le temps qui passe
En gouttes d’eau sur les fenêtres
En « autrefois » et en « peut-être ». 

L’un après l’autre des prénoms
Liant à mortaise et tenon
Tout ce qui fut à ce qu’on est,
L’espoir, la fête et le regret…

Dimanche gris, calme et sans âge,
En uniforme de nuages,
De froides averses et de vent,
Et d’hiver derrière et devant.

               ***

Le Cycle des Amours Déçues XIII. L'Epistolier.






En attendant que le sommeil vous prenne,
Que lirez-vous ? Une lettre de moi ?
Non, c’est un non, et comme à chaque fois,
Ce non que vos lèvres égrènent,
En attendant que le sommeil vous prenne.

De l’an qui meurt à celui qu’on étrenne
Je pose ma question sans grand émoi :
En attendant que le sommeil vous prenne,
Que lirez-vous ? Une lettre de moi ?
Je sais que non et ce non c’est ma croix.

                        ***


Le Cycle des Amours Déçues XII. Le Romantique.






Une averse en gouttes glaciales
Cingle la grisaille des toits ;
Qu’elle est loin la fête nuptiale
Et cependant je pense à toi.

C’est une longue promenade
Où les souvenirs de jadis
Doivent bien accueillir, maussades,
Ces tristes jours qui sont leurs fils.

L’Amour n’est plus qu’un dieu farouche,
Du matin blême à son lever
A ce soleil froid qui se couche
Il ignore le mot : « rêver ».

Mais s’il ne veut plus me sourire,
S’il ne te cause plus d’émoi,
Mon cœur conserve en point de mire
Son espérance d’autrefois
Qu’aucun hiver ne peut proscrire
Et sous la pluie, je pense à toi.

                 ***

samedi 30 janvier 2016

Le Cavalier Hiver.






Il souffle un vent froid de janvier
Qui galope à travers les rues
Avec l’Hiver pour cavalier
Qui le mène à bride abattue.

Avec lui ses valets vêtus
De gris nuages pour livrée,
Qui vont aveugles et têtus
Sur leurs cavales enivrées

De givre et de matins brumeux
Au bord des rivières gelées,
De neige et de jours silencieux
Sur des campagnes désolées.

Étincelles sur les pavés,
Hennissement de cavalcade,
En un matin trop tard levé
Entre les pignons des façades,

L’Hiver tourbillonne à plaisir
De la ruelle à l’horizon,
Toute la ville est à saisir
Et le pays à l’unisson.

            ***
 

dimanche 24 janvier 2016

Le Cycle des Amours Déçues - XI. Méchant Amour.





« Méchant Amour », tu mérites ce nom
Et un plus doux très assurément non,
Qui donnes et reprends, trompes, promets
Et d’un espoir comblé fais un regret.
Toi qui t’offres, douceur, beauté paisible,
Et qui te vis, querelleur, irascible,
Trompeur juré, si nourri d’inconstance
Que tu n’as plus qu’un semblant de prestance 
A peine suffisant pour le poème
D’un malheureux qui penserait qu’il aime,
Étrange erreur ou rageuse folie
Qui lui fera vider jusqu’à la lie
Une coupe sans fond de jours amers
De déceptions et de cuisants revers ;
Dispensateur de peines et d’effroi,
« Méchant Amour », c’est ton nom à bon droit.

                        ***     
Ce texte est inspiré de deux vers de Joachim du BELLAY :
« Meschant Amour, ô que ta force est grande
Sur les espris ou ton pouvoir commande »
Traduction du livre IV de l’Enéide, vers735-736,  tome VI des Œuvres Poétiques, DROZ 1931.