lundi 9 novembre 2015

Fétus.






J’amoncelle, jour après jour,
Patient aussi bien que têtu,
Graines, fragments, bribes, fétus
D’espoirs, de livres ou d’amour
Dont il n’y a rien à tirer,
Sinon, comme ici, quelques vers
Et c’est bien peu pour redorer,
Après tant et tant de revers,
Et mon blason et ma devise.
Au royaume de la poussière
Il n’y a qu’une seule église
Qui n’est guère princière
C’est bien un peu celle du sauve-
Qui-peut sans faire de manières
Et l’on découvre moins d’alcôves
Qu’on y rencontre de tanières.

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jeudi 5 novembre 2015

Pas à Pas.






Un pas en avant, un pas de côté,
Un pas en avant, deux pas en arrière,
A quoi bon s’en faire, à quoi bon compter ?
Nous faisons ainsi notre vie entière.

C’est bien pour cela que sur le chemin
Nous avançons peu, nous n’avançons guère ;
Ce que hier, honteux, remet à demain
Demeure en l’état tout comme naguère.

Ne prononcez pas le mot « paresseux »,
Ce serait à tort et presque une injure,
« Léger » convient bien, « insouciant » vaut mieux ;
Souriez un peu, je vous en conjure !

Un faux-pas souvent, un pas de travers,
Voire un pas de clerc, c’est involontaire ;
Un pas vers l’amour, mon but sur la terre
Et l’espoir en plus qui finit ces vers.

                                ***

Invitation.






Dans un jardin de passeroses,
A l’abri des heures trop brèves,
Tu hésites à venir. Ose !
Et nous ferons les mêmes rêves,
Et nous vivrons le même amour,
Nous oublierons du même oubli
Et l’ornière et le carrefour
Et le brouillard et le ciel gris.
L’aurore avec le crépuscule
Dansent là-bas dans la prairie,
Que crains-tu donc que tu recules ?
Nous vivrons la même féerie.
Préfères-tu le triste Hiver,
La solitude des reclus,
Demain la tombe et puis les vers ?

Et moi je ne t’attendrai plus…

                 ***
 


mardi 3 novembre 2015

Le Vieux Célibataire.






Maussade, gris et froid, il fait très mauvais temps
Dehors et le brouillard est l’horizon des routes ;
L’Automne fuit et les forêts sont presque toutes
Sans feuilles, ni couleurs comme sans habitants.

On se promène triste et les mains dans les poches,
A petits pas déçus et l’œil désabusé,
On se promène triste et le jour s’effiloche
Aux quatre bras déserts des carrefours usés.

On rêve d’un thé chaud et de pâtisseries
Comme un bon vieux sans l’être en l’étant bien un peu
Mais c’eût été d’amour ou de galanterie
Au temps où l’on brûlait sans allumer de feu…

Maussade, gris et froid, même au cœur de la ville
Que, pour chasser l’ennui, l’on gagne quelquefois
En rêvant dans la foule où l’ombre se faufile
Que l’on existe encore et que quelqu’un vous voit.

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lundi 2 novembre 2015

Plaisirs simples.






J’agrémente un dîner tardif et solitaire
Du rubis d’un vin gai tout comme l’est sa terre
Et ma tête et mon cœur et la salle à manger
Voient soudain leur humeur du tout au tout changer.
On n’est jamais tout seul quand on lève son verre
A la santé de celle ou de ceux qu’on révère,
Parents, nobles amis et quelquefois défunts ;
Une bouteille et moi ne feront jamais « un ».
Si mon jambon n’est pas très « aristocratique »,
Son mariage à mon vin est exempt de critique,
Mon fromage de chèvre après lui renchérit
Sur le plaisir gourmand qu’en le mangeant j’ai pris
Et quant à mon dessert de délicieuses pommes
Il vient parfaitement achever cette somme
Si bien que quoique seul, avec ce vin de choix,
Me voici satisfait autant ou plus qu’un roi.

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