dimanche 19 avril 2015

Canzoniere de Pétrarque. Tansposition du Madrigal CVI.







Une beauté aussi nouvelle qu’angélique
S’est envolé du ciel jusqu’au rivage ombreux
Où m’avait amené ce destin qui s’applique
A vous tracer des jours heureux ou malheureux
Et comme j’allais seul et sans escorte,
Elle tendit dans l’herbe au travers du chemin
Ce rets tissé de soie et si fine et si forte
Dans lequel je fus pris plus qu’en un tournemain.
Mais plaindrai-je mon sort ? Si douce est la lumière,
Les cieux m’en sont témoins, qui jaillit de ses yeux
Que je n’ai ni regrets, ni nouvelle prière
Et que je ne pouvais non plus désirer mieux.

                         ***

mercredi 8 avril 2015

Canzoniere de Pétrarque. Transposition du sonnet II.






Sonnet II :Comment il fût victime des embûches de l’Amour. »[1]

Comme il voulait punir d’un seul  trait mille offenses,
L’Amour, en se cachant, ourdit ce guet-apens ;
Sans bruit il prit son arc et choisit son moment
Avant que de lancer le fer de sa vengeance.

Dans mon cœur et mes yeux, confiante en leurs défenses,
Ma vertu se croyait à l’abri du tourment
Mais la flèche frappa –et  quel étonnement –
Où toutes s’émoussant, montraient leur impuissance,

Et voyant sa vigueur surprise en un instant,
Troublée à cet assaut, elle n’eut pas le temps
Aussi bien d’esquiver que de prendre les armes,

Pas plus que de chercher par un retrait prudent
Sur quelque cime altière à parer aux alarmes
Qu’elle veut mais ne peut plus guérir maintenant.



[1] Dans : Canzoniere – Pétrarque, nrf, Poésie/Gallimard. 1983.



lundi 6 avril 2015

La Chanson du Dépit.






Les nuits qui succèdent aux nuits
Sans amour aucune et sans haine,
Reprennent la même rengaine
Que le même refrain conduit.

Où sont les fleurs de la prairie,
Où sont les roses du printemps,
Dites, la Belle, je vous prie,
Où sont les promesses d’antan ?

Vous me causez bien grande peine,
Vous me causez bien du souci ;
Je ne mérite point vos haines,
Non plus que ce silence ci.

Où sont les fleurs de la prairie,
Où sont les roses du printemps,
Que le soir rêve ou l’aube rie,
Où est le lit qui nous attend ?

Vous me décevez bien la Belle,
Quoique vos yeux soient fort charmants ;
Vous m’avez été peu fidèle,
Je ne serai plus votre amant.

Où sont les fleurs de la prairie,
Où sont les roses du printemps ?
Hélas leur racine est pourrie,
Elles mourront dans peu de temps.

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vendredi 3 avril 2015

Décor.






La pièce était le bureau de mon père
Mais le bureau, j’entends le meuble en bois,
Avec son désordre unique est à moi
Et la tapisserie à ma grand-mère,

Les livres, eux, sont venus de partout,
Quant à la ville, elle offre la poussière
Et le petit Saint-Nicolas en pierre
Fut à ma mère à je ne sais quel coût.

Le lustre au plafond est de mon enfance,
Je la retrouve un peu quand je l’allume,
Sans changements, comme il est de coutume :
Loisirs et paix au parfum de vacances,

Mélange étrange où je suis tout cela
Qui passé pourtant s’efface et demeure
Toujours vivant jusqu’à ce que je meure
Et que l’absence y mette le holà.

Mélange d’aujourd’huis remplis de vide
Et de velléités, d’espoirs alliés,
Semis de faits et gestes oubliés,
De hiers trop pleins, de jeunesse et de rides,

Foule d’objets au plus grand des hasards,
Ces « trois-fois-riens » forment autant d’indices,
De « toujours-prêts » à rentrer dans la lice,
Si familiers, des muets aux bavards…

Et je m’écris en eux qui sont mémoire
Et plénitude et bonheur même encor
Comme ils me sont aussi regrets, remords,
Échos sans fin et reflets d’une histoire.

                       ***