vendredi 7 août 2015

Nocturne (Fantaisie).






Dans la nuit hulule un hibou,
Un chat-huant, une chouette,
Sûrement pas une alouette
Encore moins un caribou.
Quelquefois ce hululement,
A lui tout seul, lui seulement,
Effraye ceux qui sous la lune
Se promenaient tranquillement,
Ceux qui cherchaient, le cœur brûlant,
Un peu de fraîcheur à la brune.

Par malheur le hululement
De cette maraude en volant
Vous a quelque chose qui glace
Le plus ardent des sentiments
Et qui vous rend vain le serment
Après lequel on se délace.
(Non, cela s’écrit bien ainsi,
Si vous manquez le point, tant pis.)
Dans la nuit un hibou hulule,
Un gypaète ou un Grand-Duc
Mais jamais une libellule
Pas plus qu’un rouleau de bolduc.

                 ***
 

mardi 4 août 2015

Longtemps Après. (Réponse au précédent.)






Vous que je fus dans l’innocence,
Aux jours de mon adolescence,
Je vous l’écris longtemps après :
Le savoir conçut des regrets !
Bien peu, bien peu de l’apparence
Mais combien plus pour l’espérance,
Ayant vu que, jour après jour,
On goûte à la fin dans l’amour,
Moins de rires que de silences,
Et moins de bonheur que d’absence.

                    ***
 

L'Enfance de l'Amour. (Vers de jeunesse.)






Combien de soirs durant ne parlâmes-nous point
De ces jeux de l’amour, ignorés de notre âge ?
Le ciel de nos espoirs se montrait sans nuages,
Les mots nous conduisaient toujours au même point.

Quand nous l’évoquerons, ces jours seront bien loin,
Sûrement désuet notre ancien bavardage,
« Chaque chose en son temps », nous répète l’adage ;
Ces vers de nos candeurs resteront les témoins.

Vaut-il mieux posséder qu’avoir bonne espérance ?
Le fait vaut-il, au moins, ce que vaut l’apparence ?
Nous ne le savions pas, nous pourrons en juger.

C’est à cela qu’on voit que notre temps s’écoule :
De notre esprit le doute, un jour, est délogé,
Devant les faits réels les vieux songes s’écroulent.

                                   ***
 

L'Eté en Ville.






Couleur d’un été de province
Les immeubles sont silencieux
Au pied desquels midi évince
Un cerne d’ombre consciencieux.

Il n’y a plus personne en ville,
Les tramways ne vont nulle part
Au bout de leurs rails inutiles
Où poussent des chardons épars.

Il est temps de changer d’écorce
Pour les platanes poussiéreux
Sous ce ciel toujours vide à force
D’être aussi profondément bleu

Et les vieux bancs de bois s’écaillent,
Solitaires, dans la chaleur
Et les gazons couleur de paille
Rêvent d’une fontaine en pleurs.

                    ***
 

Bifurcation.






La route qui bifurque ici
N’explique pas ses horizons,
Le sort, sans doute, a ses raisons
Et c’est peut-être mieux ainsi.

Le vent qui balaye les quais
Y fait un bruit de feuilles mortes,
Le mois d’août charge ses paquets,
L’été va repasser la porte.

Un jour  « zénith » et « apogée »
Deviennent des mots inutiles,
Nos désirs ont changé de style,
Une autre chaîne s’est forgée.

Au pied du pont, au bord de l’eau,
On voit faner les herbes folles
Et tout un automne est enclos
Dans chaque feuille qui s’envole.

                     ***