mardi 18 juillet 2017

Continuité.





Mes deux parents sont morts il y a bien longtemps,
Comme avec eux leur temps, leur manière de vivre,
J’en conserve le peu que je puis encor suivre ;
Il me semble qu’ainsi ils sont toujours présents.

La ligne se poursuit et moi je suis content
D’ajouter une page à celles de ce livre :
Mes deux parents sont morts il y a bien longtemps.

Lorsque je les revois, je souris un moment,
Passent en leurs saisons, la chaleur ou le givre,
Du premier jour qui rêve au dernier qui délivre,
Tous ceux qui me suivront feront pareillement ;
Mes deux parents sont morts il y a bien longtemps.

                               ***        

La Vieille Alliance.




Ces vers aux échos des forêts,
Par les halliers et les guérets
Au nom d’une très vieille alliance,
De joies en durable confiance,
Chaque jour en chaque saison,
De branche nue en frondaisons
Entre les arbres unanimes
Et moi faiseur de vieilles rimes.
Pour l’orme, le chêne et le pin,
Pour le saule et l’aubépin,
Pour le cyprès, l’if et le hêtre,
Le charme et l’érable peut-être,
Pour le peuplier, le bouleau,
Le prunellier et le sureau
Et pour le platane,  ces strophes
Qui de légendes ont l’étoffe.
Au nom d’antiques libertés,
D’édits perdus et de traités,
D’espoir sans doute et de patience,
Au nom d’une très vieille alliance.

                               ***        

dimanche 16 juillet 2017

Morne saison.



(St-Thomas - Strasbourg -Alsace.)

Le lac est gris, l’hiver revient,
Définitif et solitaire,
Et si c’est pour autant que rien
A quoi bon vivre sur la terre ?

Heureux ceux qui n’ont pas de doutes,
Heureux peut-être les amants,
Ceux qui savent ce qu’il en coûte
Se taisent charitablement.

Temps de brume, temps de nuages,
En novembre où le froid s’étend
Et puis la tristesse est sans âge
Du moins c’est ce que je prétends.

Le ciel pleure dans les ornières
Des souvenirs que je n’ai plus
Et peut-être aussi la lumière
N’en déplaise à tous les élus.

La rime qu’il faut au mot « borne »
Qui termine cette oraison
C’est sûrement l’adjectif « morne » ;
Morne comme cette saison.

                               ***        

La Sieste.



(Abbaye de Santes Creus près de Tarragone - Catalogne espagnole.)

On ne fait rien quand le sommeil
Cherche la nuit en plein soleil
Ou que les livres se referment
Cinq cent pages avant leur terme,
On ne fait rien quand de vos doigts
Une trop lourde plume choit,
Quand les mots le long de la phrase
Vacillent déjà sur leurs bases.

On voudrait arriver à mieux
Mais l’on peine à rouvrir les yeux,
On s’efforce, on échoue, on peste :
Allons, il faut faire la sieste,
Cette sieste c’est la saison
Qui nous l’impose ; elle a raison !

                               ***

jeudi 13 juillet 2017

Galanterie.



(Parc du château de Chambord.)

Un beau soir aux senteurs de foin,
Entremêlé de crépuscule
Et de rêves en contrepoint,
Un soir aux heures majuscules
Veillant aux portes de la nuit
Plus que parfaitement sereine...
Non ! Je cherche un mot qui me fuit
Au bout d’une strophe qui peine.
Pardonnez le souffle du vent,
Pardonnez à ce temps qui passe
Et pardonnez à qui souvent
En voulant vous charmer vous lasse;
Ce mot rétif a disparu
Il a fui sans laisser de traces,
Moi, le poète - qui l’eut cru ? -
Sa disparition m’embarrasse.
Belle, qui me savez têtu,
Il faut bien que je le remplace :
Accordez-moi : « je vous embrasse ».

                               ***