jeudi 1 septembre 2016

Pétrarque: sur la Mort de Laure. CCLXXVI du Canzoniere.






D’après la traduction du « Canzoniere » de Pétrarque. Poésie/Gallimard. 1983. P. 216.


Dans la douleur violente et l’horreur ténébreuse
Où cet ange serein, en partant,  m’a laissé
Je tente en composant ces lignes de lasser
Mon sombre désespoir et ma peine amoureuse.

C’est la juste affliction d’une âme malheureuse
Qui m’amène à me plaindre ; Amour tu sais assez
De quel fardeau mon cœur se retrouve oppressé
Et quel remède c’est aux heures rigoureuses.

Ô Mort,  tu m’as ravi mon unique secours,
Ô Terre bienheureuse,  et cela pour toujours,
En le couvrant, de contempler son beau visage !

Et pourquoi dois-je, ô Mort, ici-bas demeurer,
Aveugle inconsolé que l’éclat sans partage
D’un regard amoureux ne vient plus éclairer ?

                               ***                                       

mercredi 31 août 2016

Rondeau.






Rondeau de la pluie enchantée
Qui tombe sur le bois d’amour,
Un été d’heures décomptées
Avant la naissance du jour
Dans l’odeur des feuilles mouillées ;

Me donnerez-vous un baiser
Au jour naissant d’aube ennuyée ?
Si je l’espère il faut l’oser.
Rondeau de la pluie enchantée.

Amour d’espérance accointée              (1)    
Qui savez prendre pour atour                                 
La feuille aux perles de rosée,
L’été ne dure pas toujours…
Rondeau de la pluie enchantée
Qui tombe sur le bois d’amour.

                               ***

(1)  « une » amour (forme du XVIe siècle).

dimanche 28 août 2016

Vendredi d'Eté.






Vendredi de la nuit d’été
Où beaucoup fêtent leurs vacances,
Bouts de chants, éclats de gaieté,
Peut-être même que l’on danse,
Vendredi de la nuit d’été.

Au bord d’un balcon de pénombre
Il fume une tasse de thé,
D’ambre roux sur la pierre sombre,
J’ai posé ce songe à côté
Au bord d’un balcon de pénombre.

Juste avant que toute beauté
Quitte nos villes et nos vies
Tout ainsi que nous ont quitté
L’insouciance et la rêverie
Au tournant même de l’été.

                               ***                       

samedi 27 août 2016

Le Choix.




Il y a cinquante ans,  au même endroit,
Il faisait bon et j’étais déjà là ;
Parfum de rose et promesses de roi
Où êtes-vous ou qui donc vous vola ?

Ai-je gagné mon pain, honneur suprême,
Ou tout au moins assez pour ces délices,
Belles toujours pour demeurer les mêmes
En ces jours-ci tellement moins propices ?

Ai-je de peu fait mon contentement
Où tout, pourtant, était à conquérir
Perdant un temps qu’il faut perdre autrement
Sans le souci de ce qui va périr ?

Ce très peu me convient, je vous tiens quitte,
Espérances d’antan, belles aurores,
Vous et moi n’avions pas les mêmes rites ;
Je fis ce choix et je m’y tiens encore.

                               ***                                       

Arbre.






Je me souviens que je fus arbre
Et je revois mon fût puissant
Plus droit et serein que le marbre
Des vieux temples éblouissants,
Ma cime, flambeau de lumière
Et mes racines en ruisseaux
Qui cheminaient vers la rivière
Partager la fraîcheur de l’eau
Dessous la terre obscure
A la longueur du temps ;
Je revois ma verte parure,
Quatre saisons, un seul printemps
Aux innombrables renouveaux.

Je me souviens que je fus arbre
Et je voudrais l’être à nouveau.

                               ***                       

vendredi 26 août 2016

Carillons.






Mélodie ou chanson
Aux notes argentines
Que les clochettes font
A laudes, à matines,
Que disaient vos leçons
Dans l’aube qui dessine
Le monde à sa façon
De colline en colline ?

Au gré des carillons,
Ô notes argentines
Qui me disiez : « passons »
Où s’en vont les comptines
Du vent dans les buissons
Et les amours mutines
Des jeunes polissons
Qu’autrefois nous étions ?

Un écho se devine,
C’est le même horizon ;
Est-ce la même mine,
Les mêmes polissons ?
Une cloche divine
Ou proche, ton sur ton
Les notes argentines
D’un autre carillon ?

                               ***