lundi 8 août 2016

Le Dictionnaire. Poème "Bernesque" (du poète florentin burlesque Berni - XVI è siècle.)



(Château de Chenonceaux.)



Ayant l’urgent besoin de trois mots oubliés
Dans un vieux dictionnaire au fond de mon grenier,
J’y monte ce matin et fouillant j’y déterre
Un tas de brimborions dont voici l’inventaire :
Une chauve-souris auprès d’un chat-huant,
Trois mulots mal nourris et un putois puant,
Un hérisson fâcheux qui faisait grise mine
Se voyant méprisé par une blanche hermine,
Un cafard centenaire, un papillon de nuit
Sans cesse éternuant car la poussière nuit,
Un régiment complet de termites voraces,
Un poète inconnu, les ongles noirs de crasse,
Hâve, les yeux creusés, recouvert de haillons
Et dont la plume d’oie empestait le graillon,
Un basilic aveugle et presque débonnaire ;
En bref, un peu de tout mais pas de dictionnaire !

                               ***                                      

samedi 6 août 2016

Le Cycle des Amours Déçues XXIII: Le Couple Rompu.



(Château de Chambord.)



C’est la même salle à manger
Mais un autre soir de septembre
Que demain je pourrai ranger
Au fond obscur d’une antichambre
Du vaste palais de l’oubli
Où tant ont perdu la mémoire
Des plus précieux de mes soucis.
La même salle, à n’y pas croire,
Où je puis rester silencieux
Autant que je suis solitaire.
Et cependant, je pense : « adieu »
Aussi fort que je puis me taire.
Vous aimiez bien ce vieil hôtel,
Comme un pays de connaissance,
Sans doute tous étaient-ils tels
Dans tous nos voyages d’enfance…
Vous l’aimiez bien, nous devisions
Et tout était comme il doit être ;
Ce soir c’est une autre vision,
Lequel de deux nous est le traître ?
Après tout cela compte peu,
Cela ne change pas l’histoire,
Vivez, je fais comme je peux ;
La mort est le dernier déboire.

                               ***                       

vendredi 5 août 2016

Paresse.






De sautes d’humeur
En « presque éclaircies »,
Ce long jour se meurt
Sans péripéties.

Il n’apporte rien
Non plus qu’il ne prive
De rien ; mal ou bien,
Non, rien ne l’avive.

C'est un jour d’été
Sans profit ni perte
Qu’on ne peut traiter
D’heureux ou d’alerte

Mais qui pour autant
Ce soir ne me laisse
Pas trop mécontent
Quand son compte cesse.

Que vouloir de plus,
Si peu qu’ils paraissent,
Qu’un calme imprévu,
Qu’un peu de paresse,

Qu’un jour bien à soi
Où rien ne se passe,
Où rien ne déçoit,
Ne fâche ou ne lasse ?

                               ***        

jeudi 4 août 2016

Colombine et Pierrot.



(Château de Chambord.)



Amateur de recoins discrets
Et de pénombre écrivassière
Mon vers vagabonde distrait
A distance de vos lumières.

C’est un promeneur attardé
Que ses vieilles nippes contentent,
Désuet à le regarder
Comme à l’entendre, dilettante.

L’allure d’un épouvantail
Autant que d’un polichinelle,
Amateur d’infimes détails,
De vent d’aube et de coccinelles,

Collectionneur d’instants furtifs
Qui ne font pas un personnage,
Jardinier des échos plaintifs
Dont le temps marque son passage…

Comme un souvenir de Pierrot
Dont se moqueraient Matamore,
Les fous, les sages, les marauds
Mais que Colombine aime encore.

                               ***                    
                                  

Crachin.





A ce crachin d’un jour d’été,
Pour s’en venger, ma main dédie
Ce triple triolet mal apprêté ;
A ce crachin d’un jour d’été.

Ma joie et ma légèreté
Composent dans la fantaisie
A ce crachin d’un jour d’été
Ces vers que ma main lui dédie.

Crachin, crachinant, œuvre pie
Pour les vignobles et les blés,
Pour les crapauds et les prairies,
Crachin, crachinant, œuvre pie

Peut-être même pour les pies,
Me crois-tu vraiment désolé ?
Crachin, crachinant, œuvre pie
Pour les vignobles et les blés,

Je prends un livre et je t’oublie,
Que m’importe en buvant mon thé
Que tu dures jusqu’à complies :
Je prends un livre et je t’oublie.

L’atmosphère s’est rafraîchie ?
Je ne m’en laisse pas conter,
Je prends un livre et je t’oublie
Devant une tasse de thé.

                               ***