mardi 24 janvier 2017

Canzoniere de Pétrarque -Transposition du Sonnet CCII.





Sous la glace immobile une mouvante flamme
De jour comme de nuit brûle d’un feu ardent
Et c’est de ce brasier que naquit le tourment
Qui consume mon cœur et dévore mon âme.

Je vois pour me frapper la Mort brandir sa lame
Et, comme en entendant l’horrible grondement
D’un orage, ou d’un lion le fier rugissement,
Je tremble et je me tais puisqu’elle me réclame.

L’amour et la pitié pourraient bien me sauver
Si leur double colonne ils voulaient élever
Entre ce coup mortel et mon âme éperdue,

Mais rien ne me présage une pareille fin
Dans la douceur aimée, dans la rigueur perçue,
Et j’en accuserai seulement mon destin.


Transposition effectuée à partir du texte du Canzoniere de Petrarque.  Préface et notes de Jean Michel Gardair. Traduction du comte Ferdinand L. de Gramont.  NRF.  Poésie/Gallimard.1983. P 164.

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dimanche 22 janvier 2017

Pour Elle.





Pour vous je ferai ce rondel
Non de tristesse mais de joie,
A la fin je le voudrais tel
Qu’à votre plaisir il pourvoie.

Tel une offrande à vos autels
A défaut que je vous revoie,
Pour vous je ferai ce rondel
Non de tristesse mais de joie.

D’à peine un mot d’amour charnel,
D’espoir, ce brasier qui flamboie,
D’esprit ce qu’un vers en déploie,
D’un oui que je veux éternel
Pour vous je ferai ce rondel.

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vendredi 20 janvier 2017

La Mauvaise Place.






Ce sont les stances de l’Hiver,
D’ombre, de froidure et de glace,
Des jours où l’horizon se perd,
Des nuits que le brouillard enlace,

Celles que disent les flocons
Au refrain d’aigreur de la bise
Sur les bois noirs et les sillons
Par une lumière indécise.

Ce sont, si monotonement,
Presque tristesse et toute attente,
Ces mots lointains et toujours lents
Que la neige en tombant s’invente.

Conte à pleurer certainement,
De bûcherons ou de pauvresses
Dans ces rigueurs de l’ancien temps
Lorsque la mort frappait sans cesse
Les malheureux premièrement
Et tous ceux que la faim oppresse
Quand il gelait trois mois durant.

Il est heureux que l’on progresse
Car, si cela vous intéresse,
On n’en est plus là maintenant.
Ou faut-il qu’un doute me naisse
Au fond du cœur en l’écrivant ?

Ce sont les stances de l’Hiver,
D’ombre, de froidure et de glace
Où rien ne change, où rien ne sert
Quand on a la mauvaise place.

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jeudi 19 janvier 2017

Septembre Philosophe.





Rien qui vaudrait la peine et rien qui vaille,
Un jour du quotidien qui se nourrit
De clarté fade aux nuances de gris :
Les jaunes d’or se sont fait jaune paille,
Les vermillons, les carmins, les rubis
Et les ponceaux ont la pâleur d’un rose
Et quant aux bleus, d’azur au roi, je n’ose
Les qualifier sinon d’ardoise ou pis.
S’il est un vert ce n’est pas d’espérance,
Ou  clair, ni d’émeraude ou de printemps
Mais à peine visible ou presque autant
Qu’un reflet vague aux rivages d’errance.
La vague même où l’écume blanchit
N’est qu’un remous dans le ressac immense
Des temps passés aux rêves entrepris.
Quel souvenir serait une défense,
Quel avenir une compensation ?
Heureux sont ceux qui font de leur routine
Le seul objet de leur satisfaction
Et sont contents entre lit et cantine.
Heureux les travailleurs pour l’illusion
Qu’ils ont compris le but de l’existence,
Heureux tous ceux qui dans leur religion
Suivent le rituel avec constance ;
Je n’en suis pas. Dans un matin banal
Septembre fuit, les arbres se dépouillent,
J’écris tranquille,  et ce n’est pas si mal,
Jusqu’à ce que les mots aussi s’embrouillent.

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L'Hiver des Bancs Publics.





La mouette en planant s’étonne :
Sur les bancs il n’y a personne,
Où sont passés les amoureux,
Pressés, sereins ou langoureux
Qu’on y voyait rester des heures ?
Pas même une ombre n’en demeure
Alors que le soleil descend,
Le jour va se rapetissant,
L’instant me semble romantique
Et pas un chat, c’est atypique.
Pourquoi sont-ils donc tous absents
Se dit la mouette en passant ?

Vent du Nord dit la girouette,
Ils sont restés dessous la couette ;
Quand en hiver la pierre fend
Il vaut mieux le lit que le banc.

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