mercredi 8 mars 2017

Si Proche, si Lointaine.



(Venise depuis le Lido.)


Douceur du soir qui vient où Venise est lointaine
Et la mer tout autour qui reflète le ciel
Teint de rose pastel, tons de jade et de miel,
La ville est pourtant là, on la distingue à peine ;
Douceur du soir qui vient où Venise est lointaine.

Douceur du soir qui vient sur le miroir des eaux,
Que la paix soit sur toi, si proche et si lointaine
Mais celui qui regarde a-t-il peint ce tableau ?
Le crépuscule approche et c’est lui qui m’emmène,
L’heure est à la tendresse, aux mots confidentiels,
Que la mer tout autour, en reflétant le ciel,
Va porter à Venise, à Venise sereine,
A cette heure, si proche et pourtant si lointaine.

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Les Couche-tôt.





La  nuit est très bonne commère,
On l’interroge, elle répond
Car pour n’avoir pas de lumières
On n’est pas privé de raison.

Le sens commun et le silence
Favorisent la réflexion,
Ne sont-ils pas tous deux l’essence
De l’ombre et son inclination ?

Chaque jour de notre existence
Nous nous posons mille questions,
Sur ses avis, à son instance
Nous leur trouvons des solutions.

Elle nous avise et conseille
Et nous tient de sages propos
Lesquels vaillent bien que l’on veille ;
C’est tant pis pour les couche-tôt.

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L'Ecrivain Public.






Trois sous pour quelques mots, ne les valent-ils pas ?
Ecrire n’est pas rien, si vous saviez ce qu’il en coûte !
Un écrivain public ne gagne pas sa croûte
En usant de grands mots comme « âme » ou comme « appas »
Que ne comprendrait pas la coquine ou la belle
A qui son amoureux veut envoyer des vers.
Ni bergère à rubans, ni gente demoiselle :
Où « mon Amour » suffit, « Phyllis » va de travers.
« Ma Biche », « mon Aimée » et même « ma Colombe »
Ne sont pas démodés, « mon Cœur » se porte bien,
« Je ne pense qu’à toi »… Oui, je sais, il m’incombe
De mentir quelquefois mais on ne ferait rien
De bon ou tout du moins qui vaille qu’on l’achète
Si l’on n’enjolivait en ce domaine là !
« Berthe, viens dans mon lit », même avec un en-tête
Et sur papier glacé, tombe toujours à plat.
J’habille le désir, je vends de la tendresse,
De la fidélité, je sais ce qu’elle vaut,
Tant pis, ce n’est pas moi qui signe la promesse,
J’écrirais tout, pourvu qu’on paye ce qu’il faut ;
Est-ce moi dans le fond qui suis le malhonnête ?!
Je ne suis qu’un marchand de rêve ou bien d’appâts;
Trois sous pour quelques mots, ne les valent-ils pas
Puisqu’ils sont malgré tout les mots d’un vrai poète ?

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mardi 28 février 2017

Un Autre à la Même Place.



(Anzy-le-Duc.)


Il dort ici des souvenirs
Que je retrouve avec plaisir
Et presque autant de rêveries,
D’amusements, de fantaisies.
Je reviens n’ayant rien perdu,
Je le crois, de ce que je fus,
Et cependant le temps qui passe
Me fait autre à la même place.
Je vois ce qu’autrefois j’ai vu,
Je m’y reprends : il n’y est plus.
Ce sont pourtant les mêmes choses
Qui m’y plaisent et me reposent
Et  dans mon cœur je tisse un lien
Du jour présent aux jours anciens
Afin qu’ils rient et s’interpellent,
Se comparent et s’entremêlent,
Qu’ils se rassurent du regard :
Il n’est jamais ni tôt, ni tard ;
On ne perd que ce que l’on quitte
Lors de ma prochaine visite
D’ici cinquante ou soixante ans
Je pourrai vous en dire autant.

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Le Café de la Gare.





Un café pour se séparer
Dans un bistrot près d’une gare,
Dix minutes, le cœur serré
Dans l’absence qui se prépare.

Ma peine et ton regard navré
Dont le passé déjà s’empare ;
Un café pour se séparer.

Dix minutes pour redorer
L’espoir dont demain est avare :
Nous nous reverrons c’est juré,
Aucun amour ne se compare
Au nôtre et qui peut le contrer ?

Un café pour se séparer
Dans un bistrot près d’une gare…

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